sisacorn / 123rf

Améliorer l’efficacité du processus de traitement des plaintes, simplifier les formulaires, limiter les consultations et encadrer les délais de transfert de comptes entre courtiers. Voilà ce que l’Autorité des marchés financiers (AMF) devrait prioriser afin d’at­ténuer la charge réglementaire de l’industrie, selon des responsables de la conformité inter­rogés pour le ­Pointage des régulateurs 2024.

À l’occasion de ce sondage, on a demandé aux répondants d’identifier les priorités en ce sens pour l’AMF, car selon certains, la charge réglementaire croissante entraîne des pertes de temps nuisibles au service-conseil.

Inefficient traitement des plaintes

Au terme de deux consultations, l’AMF a publié, le 15 février, son règlement sur le traitement des plaintes, qui entrera en vigueur le 1er février 2025. L’AMF vise ainsi à répondre au « manque d’information sur le processus de traitement des plaintes, aux longs délais de traitement et aux réponses incomplètes » qu’elle a parfois observés dans ses activités, selon un courriel en réponse à nos questions.

L’AMF précise également que le règlement en matière de traitement des plaintes et de règlement des différends s’applique à l’ensemble des intervenants du secteur financier placés sous sa juridiction et qu’il tient compte des encadrements établis ailleurs au ­Canada afin d’assurer une cohérence avec ­ceux-ci tout en veillant à répondre aux besoins des consommateurs.

Or, ce règlement déçoit certains courtiers encadrés par l’Organisme canadien de réglementation des investissements (OCRI), qui devront avoir deux processus de traitement des différends : un pour le Québec, qui prévoit le règlement en 60 jours, et un autre pour le reste du ­Canada selon le cadre de l’OCRI, dont le délai est de 90 jours et dont la définition de plainte est différente de celle de l’AMF. « Au niveau opérationnel, c’est un moins pour nous », explique ­Julie ­Gallagher, ­vice-présidente principale et chef de la conformité à iA ­Gestion privée de patrimoine.

L’AMF précise que le nouveau règlement inclut une dispense permettant aux membres de l’OCRI d’être exemptés de son application s’ils sont déjà soumis à des règles équivalentes. Or, pour l’OCRI, une harmonisation de son cadre liée au traitement des plaintes avec celui du Québec n’est pas une priorité, selon Claudyne Bienvenu, vice-présidente pour le ­Québec et l’Atlantique de l’OCRI.

Se conformer au nouveau règlement sera un défi, surtout pour les petites et moyennes firmes. « ­Il faudrait allonger le délai de 60 jours à 90 jours, et l’étirer à 120 jours pour des cas complexes », estime ­Maxime ­Gauthier, directeur général de ­Mérici ­Services financiers. Pour monter un dossier, il faut obtenir la version complète et documentée du client, analyser la version du conseiller, concilier ces évaluations, discuter avec l’assureur, évaluer les dommages subis par le client et lui faire une proposition, énumère le dirigeant. Chacune de ces étapes prend une à deux semaines, ­dit-il.

Afin d’améliorer le processus de traitement des plaintes, il faudrait régler un autre enjeu, selon ­François ­Bruneau, vice-président administration du ­Groupe ­Cloutier.

Il note qu’une plainte adressée à l’AMF est souvent redirigée automatiquement à la ­Chambre de la sécurité financière (CSF) : « ­Le courtier reçoit un simple avis par écrit de l’AMF que la plainte a été transférée, mais pas d’informations sur la nature de la plainte, tandis que si le client se plaint directement au courtier, ce dernier peut traiter directement la plainte », mentionne le dirigeant.

Unifier la supervision des conseillers

Par ailleurs, certains répondants proposent d’unifier la supervision des conseillers et des courtiers en fonds communs de placement sous le chapeau d’un seul régulateur. L’OCRI devrait superviser les représentants en épargne collective plutôt que la ­Chambre de la sécurité financière.

« ­Nous veillons à ce que la ­CSF et l’OCRI collaborent adéquatement et échangent les informations pertinentes à leurs fonctions », répond l’AMF. Le régulateur ajoute que toute modification du rôle de la ­CSF ne peut être effectuée que par le biais d’une modification législative.

Consultations trop rapides

Le rythme de consultation de l’AMF est trop rapide, estiment des répondants. « ­Le calendrier des initiatives de l’AMF devrait être annuel pour permettre à l’industrie de voir venir les sujets dès le début de l’année », suggère un représentant. Certains changements introduits par l’AMF mobilisent beaucoup de ressources dans les firmes, ce qui engendre un risque important de fatigue, de ­non-conformité et d’inefficience, signale ­Maxime ­Gauthier.

Selon lui, l’AMF devrait fournir un plan d’ensemble des allègements réglementaires à venir sur plusieurs années, ce qui donnerait la chance aux firmes de mieux les assimiler.

François ­Bruneau souhaiterait avoir une fenêtre de cinq ans sur les prévisions de changements réglementaires en attente.

Les changements législatifs importants pourraient être testés sous forme de projets pilotes auprès de groupes cibles avant de les mettre en œuvre à grande échelle, suggère ­Carl ­Thibeault, ­vice-président, ­Services financiers (distribution) d’IG ­Gestion de patrimoine. « ­Cela permettrait d’avoir un meilleur ­GPS pour orienter les changements », ­soutient-il. Des réformes réglementaires précipitées obligent les firmes à revoir leurs infrastructures technologiques et à revenir sur des modifications déjà apportées aux systèmes. Cela nuit à la création de valeur, affirme le dirigeant.

Délai pour les transferts de comptes

Le processus des transferts de comptes suscite des frustrations chez les répondants. Il pourrait être plus simple et plus fluide. Certaines institutions financières étirent indûment les délais, signalent des répondants. Entre le moment où le client fait la demande et celui où les actifs sont transférés, il peut se passer entre un et trois mois. Le délai maximal devrait plutôt être de quatre semaines : deux semaines pour aviser d’une erreur puis deux semaines pour effectuer le transfert, sinon la volonté du client n’est pas respectée, selon ­Maxime ­Gauthier.

« ­Nous sommes au fait de ces enjeux du côté des courtiers et continuons d’en effectuer le suivi activement, ainsi que de considérer les solutions potentielles, en collaboration avec nos partenaires, qui incluent l’OCRI », signale l’AMF. Le régulateur ne régit pas le délai par lequel un assureur doit procéder au transfert d’un compte client. La ligne directrice de l’AMF sur les saines pratiques commerciales mentionne simplement qu’un assureur doit prendre « les mesures nécessaires » pour que les clients reçoivent un service continu et adéquat du début à la fin du contrat suivant le principe de proportion­nalité, c’­est-à-dire en adaptant les lignes directrices « au regard de la nature, de la taille et de la complexité de ses activités ».

On pourrait renforcer l’obligation existante de procéder avec diligence, déjà prévue par la réglementation, mais en lui donnant plus de mordant pour imposer des conséquences aux organisations qui ne suivent pas les délais, estime ­Carl ­Thibeault.

Par ailleurs, les formulaires de l’AMF qui touchent le renouvel­lement de permis et les formulaires de déclaration gagneraient à être simplifiés, selon des répondants. Quand il n’y a pas de changement par rapport à la déclaration, on devrait pouvoir passer directement au paiement, signale un représentant. L’AMF dit avoir tenu compte de ces préoccupations en réduisant le nombre de questions dans le formulaire de renouvel­lement du certificat de représentant au cours des dernières années. Elle a également remplacé le processus de déclaration relative au maintien de l’assurance de responsabilité professionnelle par une déclaration de la personne inscrite au formulaire de maintien d’inscription.

L’AMF « cherche en continu à améliorer sa prestation de services, incluant en effectuant la transition vers les services en ligne, lorsque possible », écrit le régulateur.

En collaboration avec Guillaume Poulin-Goyer

Pointage des régulateurs 2024

Pour voir ce tableau en grand, cliquez ici