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Ainsi, le sondage du Pointage des régulateurs révèle que l’OCRCVM affiche la meilleure note moyenne de tous les régulateurs sondés en 2018. Celle-ci est passée de 6,4 à 7,6 points sur 10, de 2017 à 2018, soit un bond significatif. C’est aussi un sommet en quatre ans.

Les critères pour lesquels l’OCRCVM obtient les plus fortes hausses par rapport à 2017 sont sa sensibilité aux préoccupations des petites firmes ainsi que l’impact financier de ses politiques, et son soutien lorsqu’il propose des changements au sein d’une firme. Les communications entre l’OCRCVM et l’industrie se sont également améliorées, les répondants accordant de meilleures notes à l’organisme pour sa rapidité à répondre aux questions et à communiquer ses priorités.

Différents facteurs semblent expliquer cette amélioration. L’implantation de la deuxième phase du Modèle de relation client-conseiller (MRCC 2), avec son point culminant en janvier 2017, a engendré de coûteux remous technologiques chez les courtiers dans les années qui ont précédé.

Or, notre sondage arrive peut-être lors d’une relative accalmie réglementaire momentanée. «Dans les cinq dernières idées, tous les organismes réglementaires [y compris l’OCRCVM] en ont trop fait en même temps : ils ont changé les règles, en ont ajouté et ajouté encore», dit Jean Morissette, consultant auprès de firmes de gestion de patrimoine et ancien président de Services Financiers Partenaires Cartier.

Si ces changements ont été relativement bien intégrés chez les membres de l’OCRCVM, c’est parce que ces derniers ont les moyens financiers de le faire, explique-t-il.

Le partage de revenus entre les représentants et les courtiers membres de l’OCRCVM laisse à la majorité de celui-ci assez de ressources pour maintenir des outils électroniques et soutenir leurs représentants afin qu’ils restent conformes, selon lui.

«Ce qui n’est pas le cas dans la majorité des cabinets en épargne collective où le représentant qui a un gros payout est laissé beaucoup plus à lui-même. Les firmes font bien entendu du soutien et de l’encadrement, mais, à la marge, comparativement à ce qui se fait chez les membres de l’OCRCVM», dit Jean Morissette. Ceci explique la satisfaction élevée à l’égard de l’OCRCVM, d’après lui.

Le fait que le régulateur diffuse ses priorités stratégiques a favorisé les relations avec l’industrie, selon un répondant, qui souligne cette amélioration : «On sait où ils s’en vont. On connaît les nouveautés à l’avance. On est moins pris par surprise.»

Cette initiative, entre autres, découle de la volonté d’Andrew J. Kriegler, président et chef de la direction de l’organisme depuis septembre 2014, d’écouter davantage l’industrie, selon Carmen Crépin, retraitée et ancienne vice-présidente pour le Québec de l’OCRCVM. «C’est une impulsion qui a commencé à porter [ses fruits].» Ces priorités circulent et permettent aux membres de se positionner sur des sujets qui les intéressent, selon elle, ce qui facilite le processus de consultation.

Sur ce dernier plan, Carmen Crépin souligne l’avantage de commencer par un livre blanc, dans lequel le régulateur demande à l’industrie s’il voit correctement le problème et la solution : «On va chercher ces commentaires avant de se faire une tête et de trouver une solution réglementaire. C’est une sorte de feedback et permet d’avoir différentes approches.» La solution proposée a ainsi de meilleures chances de tenir compte de l’impact de son implantation, ce qui répond à une critique selon laquelle le régulateur ignore l’impact de ses règles.

La nature structurée des firmes de courtage ainsi que leur expertise rendent leurs échanges avec l’OCRCVM plus faciles et plus constructifs. «À une table de concertation de l’OCRCVM, tu écartes assez vite les affaires inconséquentes et tu vas au fond des choses, dit Jean Morissette. C’est très productif.»

Par ailleurs, des répondants apprécient les inspections. «Ils tiennent compte de la réalité, éclairent les zones grises. Lors de vérifications, ils vont appliquer les règles selon le modèle d’affaires.»

Selon un autre sondé, «on a un meilleur suivi avec l’OCRCVM, les inspections sont plus rapprochées, il y a plus de communications, plus d’échanges sur une base continue, il y a plus de valeur ajoutée. Les recommandations sont pragmatiques. Ils ont une meilleure connaissance du terrain par rapport aux inspections de l’Autorité des marchés financiers, qui sont plus théoriques et éloignées de la réalité.»

Carmen Crépin souligne l’avantage d’avoir adopté une approche basée sur les risques en suivant davantage ce qui pose problème : «Les modules d’inspection ont été revus et adaptés au contexte. Les gens trouvaient que les inspections étaient beaucoup trop une check-list. Il y a des modules qui vont faire appel de la part des inspecteurs à plus de jugement dans l’appréciation des situations. Ça va ramener des constats plus nuancés.»

«Parce que les règles sont connues et intégrées dans les réseaux, quand l’OCRCVM débarque pour une inspection, les gens ne sont pas surpris», ajoute Jean Morissette.

En 2013, l’OCRCVM s’excusait d’avoir perdu un appareil portable qui contenait des renseignements personnels concernant 52 000 clients de 32 maisons de courtage. Le régulateur semble avoir regagné la confiance des courtiers, à en croire un répondant : «L’OCRCVM est beaucoup dans le cryptage, dans les communications sécurisées. On a confiance lorsque l’information est transférée entre eux et nous. Il y a eu beaucoup de changements pour les données sécurisées.»

Régulateur imparfait

Le régulateur reste toutefois imparfait. Des répondants critiquent son manque de sens pratique. «C’est bien de communiquer, mais il faut un lien avec la pratique, il y a une faille [sur ce plan]», dit un répondant. «L’OCRCVM adopte une ligne basée sur les principes, mais ça laisse place à l’interprétation et c’est moins clair. Même eux perdent leur latin», note un autre.

Le manque de clarté des principes a toutefois l’avantage de favoriser les plus petits courtiers, selon Carmen Crépin : «Ils diront : « Je respecte la règle, même si je ne le fais pas comme une grosse banque. »»

Selon une poignée de répondants, l’OCRCVM ne considèrerait pas le coût de leurs changements et manquerait de sensibilité à l’égard des petites firmes. «Tout changement exige des changements technologiques coûteux. Comme la conformité est essentielle, on avale la pilule, mais on ne sent pas d’empathie de l’autre côté de la table. Les grosses banques ont plus de ressources pour changer leurs systèmes», dit l’un d’entre eux.

«Les nouvelles réglementations sont faciles à implanter pour les grandes entreprises, mais pas pour les petites. Ça peut les mettre en péril», juge une personne interrogée. «Il y a de moins en moins de courtiers indépendants, ce n’est pas pour rien», ajoute une autre, déplorant le fardeau réglementaire élevé.

«Les autorités réglementaires disent qu’elles sont conscientes du fardeau, mais elles n’en enlèvent pas souvent», concède Carmen Crépin.

Lorsqu’elle a travaillé à l’OCRCVM, Carmen Crépin assure toutefois qu’il est faux de dire que les règles étaient inspirées par les plus grosses firmes : «Parfois, les plus grosses firmes pouvaient chialer autant que les petites par rapport aux règles. Je me demande ce qu’il faut faire pour casser cette perception.»

Jean Morissette souligne une faiblesse généralisée des régulateurs, à laquelle, entre autres l’OCRCVM devrait s’attaquer : «Ils énoncent un paquet de nouvelles règles qui, en soit, sont correctes, mais n’offrent pas le soutien correct. La formation n’est pas là. L’industrie a de la misère à se former.»