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Nous avons demandé à l’AMF de réagir aux bons et aux mauvais coups identifiés par les répondants de notre sondage. Voici, dans leur intégralité, les questions que nous avons posées au régulateur québécois, qui a préféré y répondre par courriel.

Finance et Investissement  (FI) : Pour chacune des quatre questions suivantes, j’aimerais aussi savoir si l’AMF a l’intention de mettre en place des mesures correctives pour solutionner ces problèmes. Si oui, quand l’AMF le ferait-elle?

  1. L’AMF devrait améliorer sa façon d’appliquer des règles, selon quelques répondants. «L’AMF a deux poids, deux mesures en fonction du courtier. Elle n’applique pas les mêmes règles à tous», allègue un répondant. François Bruneau, du Groupe Cloutier, comprend cette perception, qui semble fondée seulement pour des cas précis. Il donne l’exemple d’un questionnaire de profil d’investisseur qu’il a changé à la demande de l’AMF. Celle-ci trouvait illogique qu’un client qui vise à préserver son capital puisse avoir un profil audacieux s’il tolère bien la fluctuation de ses placements. «On a refait notre questionnaire il y a quatre ans, mais on voit des concurrents qui ont des profils d’investisseurs avec les mêmes problèmes et qui ne se font pas achaler», dit-il. Qu’en pensez-vous ?

L’Autorité des marchés financiers (AMF) : L’Autorité veille à ce que ses pratiques d’encadrement soient cohérentes, pertinentes et équitables. Pour ce faire, elle s’assure de valider la conformité des entités aux lois et règlements qu’elle administre tout en favorisant les différents modèles d’affaires ou les façons de faire. En général, notre cadre législatif est basé sur des principes et l’Autorité favorise le respect des nombreuses pratiques d’affaires lorsque celles-ci sont conformes à ces principes tout en assurant sa mission de protection des consommateurs. Cette approche favorise le développement des meilleures pratiques, une meilleure compréhension et un respect des différents modèles d’affaires.

Dans l’exemple soulevé, le questionnaire de profil d’investisseur est un outil qui peut s’inscrire dans un processus d’ouverture de compte. Cependant, le respect du principe de connaissance d’un client ne repose pas uniquement sur un questionnaire de profil de risque ou encore sur les tests de ce questionnaire. À ce titre, l’Autorité valide l’ensemble des pratiques, des formulaires et de leur utilisation par les cabinets et les entités visés.

FI : 2. Que pensez-vous de la critique à l’égard de l’AMF par rapport à la clarté difficile dans la réponse à ses questions ? Voici un paragraphe pertinent à évaluer : Si les répondants en épargne collective donnent à l’AMF une note peu élevée sur sa capacité à répondre aux questions soulevées, c’est notamment parce qu’elle n’aide pas en amont l’industrie à interpréter les règles, d’après François Bruneau: «L’AMF dit : « Respecte le règlement 31-103 et quand on t’inspectera, on te dira si c’est correct. » Sauf que des fois, tu as investi beaucoup d’argent et tu as mis beaucoup d’effort dans un projet, et tu risques de te faire dire par le service d’inspection, deux à quatre ans plus tard, que tu ne l’as pas fait correctement».

AMF : L’Autorité développe des outils afin d’aider l’industrie dans ses activités et ses relations avec l’Autorité, notamment le guide sur la gouvernance et la conformité des inscrits (assurance et planification financière) récemment publié ou des aides afin de compléter adéquatement les documents de l’Autorité. Elle entend poursuivre dans cette direction. Elle travaille notamment au développement d’un guide similaire à celui mentionné plus haut, mais destiné aux inscrits en valeurs mobilières.

Comme déjà mentionné, l’Autorité s’est donnée une orientation claire d’être un régulateur de proximité, qui peut se traduire notamment par une présence sur le terrain, un échange avec ses partenaires, une attention aux enjeux soulevés ou pressentis par l’industrie. Tout comme son engagement dans son plan stratégique, l’Autorité met au cœur de son action les thèmes de proximité, de proactivité et d’agilité. Ainsi, il faut être proactif, continuer d’identifier les zones grises dans la réglementation et réfléchir à des solutions pour renforcer l’encadrement sans qu’il soit trop lourd. Notre approche d’inspection respecte cette philosophie : elle est présente en amont pour assurer une prévention nécessaire à la mission de l’Autorité de protection des consommateurs mais également pour développer une culture de conformité dans une approche collaborative et d’accompagnement.

  1. L’Autorité des marchés financiers a des faiblesses sur le plan technologique, dans sa façon de communiquer avec l’industrie. Un répondant se plaint des «processus administratifs archaïques », notamment en assurance où ceux-ci sont encore sur papier. François Bruneau le confirme : «Juste pour le maintien de l’inscription d’un cabinet d’assurance de personnes, c’est beaucoup de papiers, une vingtaine de pages à remplir.» Qu’en pensez-vous ?

AMF : L’Autorité a récemment bonifié le formulaire de maintien de l’inscription d’un cabinet afin d’enrichir sa connaissance de l’environnement et des besoins de l’industrie qu’elle encadre. Les données recueillies lui permettront notamment de concevoir des outils pour aider l’industrie à se conformer au cadre réglementaire en vigueur, renforçant ainsi son rôle de régulateur de proximité. Ces données lui serviront également à alimenter sa réflexion pour le développement futur du cadre réglementaire.

Éventuellement, lorsque la base de données sera complète (le processus d’implantation se poursuit sur un an), l’Autorité agrégera cette information et la partagera à haut niveau avec l’industrie. Elle sera donc également utile pour l’ensemble des intervenants du secteur financier.

En ce sens, le questionnaire est plus long à remplir cette année, mais il faut le voir comme étant un effort d’investissement qui sera payant à moyen et long terme. De plus, les données inscrites la première année seront préremplies lors des années subséquentes. Ainsi, les réponses devront être ajustées uniquement en cas de modifications ou de changements et il sera moins long à remplir.

FI : 4. Que pensez-vous des lacunes identifiées par votre portail ? Le portail en ligne pour déposer des documents n’est pas user friendly, selon Maxime Gauthier, de Mérici Services financiers : «Par exemple, comme courtier, je dois déposer la même preuve de couverture d’assurance responsabilité pour un représentant que celle qu’il doit lui-même envoyer par son propre accès s’il est aussi conseiller en sécurité financière. C’est la même couverture, le même régulateur, mais il faut l’alimenter par deux pipelines différents.» Est-ce que l’AMF a l’intention de faire quelque chose pour corriger ça ?

AMF : L’Autorité déploie des efforts continus afin d’améliorer ses systèmes pour qu’ils soient les plus efficaces possible, efficients et conviviaux pour les utilisateurs. Beaucoup de travail a été fait en ce sens au cours des dernières années. Nos systèmes sont en constante évolution.

Or, tout virage ou développement technologique s’accompagne d’irritants et d’ajustements en fonction de ceux-ci. L’Autorité cherche constamment à s’améliorer et à écouter les commentaires de l’industrie. Tous les commentaires sont analysés et les ajustements à effectuer, le cas échéant, sont priorisés. Toutefois, un certain délai est parfois requis avant de pouvoir effectuer des modifications à des systèmes informatiques et d’assurer un résultat optimal.

FI : L’Autorité des marchés financiers s’est améliorée sur le plan de son processus de consultation. De plus, on souligne que le processus d’inspection des cabinets se passe bien. Qu’est-ce qui explique ces forces à votre avis?

AMF : Ces résultats reflètent une des orientations stratégiques que l’Autorité s’est donnée dans son plan stratégique 2017-2020, soit celle de renforcer son rôle de régulateur de proximité. L’Autorité a développé au fil des ans une culture d’ouverture soutenue par des communications formelles et informelles avec l’industrie. Ses processus de développement réglementaire reposent sur des mécanismes de consultation variés. Le dialogue qu’entretient l’Autorité avec tous les intervenants du secteur financier s’avère essentiel pour bien mesurer les impacts de son encadrement et nourrir sa compréhension du secteur.

Un des moyens que nous mettons de l’avant pour y arriver est d’offrir un accompagnement à l’industrie en appui à la conformité. En ce sens, nos équipes d’inspection travaillent avec les entités encadrées par l’Autorité afin de vérifier les environnements de contrôle en place, les mesures de suivis et de supervision ainsi que la conformité aux lois et règlements des structures opérationnelles. Les inspecteurs travaillent de pair avec l’entité inspectée pour faire progresser la culture de conformité et, le cas échéant, pour apporter les modifications nécessaires aux irrégularités observées pour améliorer la situation de l’entité. C’est un travail minutieux de vérification, de validation et d’analyse des environnements d’affaires et de contrôles. L’Autorité n’est pas en mode punitif. Ainsi, l’inspection des cabinets ne se fait pas en mode répression ni en mode dissuasion au sens strict : le rôle de l’inspection est d’être un vecteur pour instaurer et développer une culture de conformité et contribuer à prévenir la fraude et les crimes financiers au sein des marchés financiers québécois.