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La thèse d’investissement pour les cryptomonnaies comme le bitcoin a changé en 2022 alors que le secteur a plongé aux côtés des valeurs technologiques, suggèrent les experts.

Au cours des années précédentes, le bitcoin était présenté comme de « l’or numérique » et une classe d’actifs ayant peu ou pas de corrélation avec les autres.

Cependant, au cours du premier semestre de l’année, la monnaie numérique a été de plus en plus corrélée aux actions et autres actifs à risque. Malgré une légère reprise ces derniers jours, le bitcoin était en baisse de 36 % depuis le début de l’année à la clôture du marché le 17 mai dernier. Les valeurs technologiques telles qu’Amazon, Netflix et Meta Platforms (anciennement Facebook) sont en baisse d’environ 32 %, 68 % et 40 %, respectivement, depuis le début de l’année.

Le 12 mai, le bitcoin a même plongé sous les 26 000 dollars américains pour la première fois depuis décembre 2020. Plus de 200 milliards de dollars américains ont été effacés du marché ce jour-là.

Alex Tapscott, directeur général du groupe des actifs numériques chez Ninepoint Partners, qui gère le Ninepoint Bitcoin ETF, a observé une corrélation croissante entre le bitcoin et les valeurs technologiques au cours de l’année.

« Cela me dit deux choses : premièrement, c’est une classe d’actifs qui est plus largement détenue. Elle est détenue par de nombreuses institutions, elle est citée dans les médias grand public. Elle commence donc à se négocier comme un actif financier plus conventionnel, analyse-t-il. Mais c’est aussi un peu décevant, car l’un des grands attributs du bitcoin, historiquement, est qu’il est non corrélé, ce qui peut améliorer les mesures des rendements ajustés au risque lorsqu’il est ajouté à un portefeuille. »

Alex Tapscott pense toutefois que le bitcoin retrouvera ce rôle d’actif non corrélé à moyen et long terme. « Mais il est clair qu’en période de stress financier, sur tous les marchés, il commence à converger vers la performance d’autres types d’actifs. »

Greg Taylor, directeur des investissements chez Purpose Investments, estime qu’un certain type d’investisseurs pourrait contribuer aux turbulences du bitcoin.

« On a l’impression que beaucoup d’investisseurs ayant pris des positions plus risquées – que ce soit dans la technologie, les startups ou les actifs privés – détiennent également des bitcoins. Donc, ces parties du portefeuille sont touchées », résume Greg Taylor, dont la société gère divers FND de Bitcoin et d’Ether.

« Il se pourrait aussi qu’ils vendent simplement n’importe quoi pour satisfaire aux exigences de marge ou pour payer des factures ».

Selon les données d’avril sur les flux de FNB canadiens de la Banque Nationale, les FNB de cryptoactifs ont connu la « pire sortie mensuelle » depuis leur création en février 2021, avec 338 millions de dollars canadiens de sorties.

Malgré la chute spectaculaire du bitcoin le 12 mai dernier, Greg Taylor affirme qu’il n’y a eu aucune sortie importante pour les fonds de cryptomonnaies de Purpose. En fait, il rapporte même que la société a connu sa « plus grande journée d’entrées » pour son ETF Bitcoin en dollars américains la semaine du 8 mai.

« Compte tenu de l’espace et de la volatilité que nous connaissons, il y avait probablement un peu de « buy the dip« . Les gens ont ciblé le bitcoin pour qu’il revienne à 30 000 dollars. Donc, quand il a atteint ce niveau, c’est là que nous avons vu des achats se produire », commente-t-il.

Amy Arnott, stratégiste de portefeuille chez Morningstar, a écrit un article en avril sur la question de savoir si la cryptomonnaie permet vraiment de diversifier un portefeuille.

Amy Arnott a évoqué le rapport 2022 de Morningstar sur le paysage de la diversification, dans lequel le cabinet a examiné comment différentes classes d’actifs se sont comportées et comment les corrélations entre elles ont évolué au cours des deux dernières années.

« Nous avons constaté que si les cryptomonnaies ont une corrélation inhabituellement faible avec les classes d’actifs traditionnelles, leur volatilité les rend difficiles à utiliser dans un portefeuille diversifié », écrit-elle.

Amy Arnott citait la performance de l’indice CMBI Bitcoin en 2021, notant comment celui-ci avait augmenté de 104% au premier trimestre, avant de plonger de 40% au deuxième trimestre, puis de gagner 25,3% au troisième trimestre avant de tomber dans le rouge au quatrième trimestre, les actifs à haut risque ayant été vendus en décembre.

« Ces fluctuations de performances spectaculaires se sont poursuivies au début de 2022 », ajoute-t-elle.

« La valeur de diversification est une raison potentielle d’ajouter des cryptomonnaies à un portefeuille, mais les investisseurs devraient également tenir compte d’autres facteurs, tels que leur capacité à s’accrocher à travers les descentes périodiques de la cryptomonnaie, qui ont été inhabituellement rapides et sévères. »

Malgré la récente volatilité des cryptomonnaies, Alex Tapscott assure que le bitcoin est un bon diversificateur à long terme et « démontre une capacité à améliorer les rendements ajustés au risque. » Et signale que la montée en puissance jusqu’à ces derniers mois est stupéfiante, bien que volatile.

Alex Tapscott cite des données publiées l’année dernière par Charlie Bilello, fondateur et PDG de Compound Capital Advisors, qui montrent que de 2011 à 2021, le bitcoin était la classe d’actifs la plus performante sur la période de 10 ans, avec un rendement annualisé de 230 %.

Au moment de l’étude, le bitcoin se négociait au-dessus de 60 000 dollars américains, soit près de son sommet, et une grande partie de ses gains ont été réalisés pendant la pandémie, lorsque les valeurs technologiques ont également grimpé en flèche. Au début de 2020, le bitcoin se négociait à environ 7 300 dollars.

« Nous sommes toujours convaincus que la cryptomonnaie est quelque chose qui va rester avec nous pendant longtemps. Ce n’est pas un feu de paille – une utilité en sortira », affirme Greg Taylor.

Il compare ainsi la cryptomonnaie à la bulle Internet de la fin des années 1990.

« Beaucoup d’entreprises ont vu le jour, et beaucoup ont échoué. Mais, au bout du compte, vous aurez toujours les Amazon, les Facebook et les Google qui en sont issus », exemplifie-t-il. Il reste encore à « trier » les gagnants du marché des cryptomonnaies, précise-t-il toutefois.

Alex Tapscott et Greg Taylor ont tous deux reconnu la volatilité de la cryptomonnaie, c’est pourquoi ils recommandent une allocation de 5 % ou moins dans ce secteur pour l’investisseur moyen.