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Le niveau de littératie financière des Canadiens ne s’améliore pas malgré les tentatives faites par les gouvernements fédéral, provinciaux et d’autres groupes pour aider les consommateurs à mieux comprendre les concepts financiers et à gérer leur argent plus prudemment, selon une récente recherche réalisée par Credo Consulting, de Mississauga, en Ontario.

En 2016 et 2017, Credo a sondé plus de 24 000 Canadiens dans le cadre de l’étude en cours sur la Zone de confort financier, un sondage pancanadien qu’il mène auprès des consommateurs en partenariat avec le Groupe Finance de TC Media, de Montréal, qui publie Finance et Investissement.

Au cours du sondage, Credo a posé aux Canadiens 20 questions conçues pour évaluer chez les participants la compréhension des concepts financiers de base, entre autres la valeur de l’argent dans le temps, le budget, l’endettement et la diversification des placements.

En 2017, les répondants ont enregistré en moyenne une note de 75,3 sur 100 en littératie financière, qui était légèrement supérieure à la note moyenne de 75,0 qu’ils avaient enregistrée en 2016. Selon Credo, cette augmentation n’est pas significative sur le plan statistique.

Credo a également trouvé un lien entre les plus faibles niveaux d’éducation et de richesse chez les répondants et les plus basses notes moyennes de littératie financière par rapport aux participants au sondage ayant de plus hauts niveaux d’éducation ou davantage d’actifs à investir.

«Les données suggèrent que rien ne change réellement et que les initiatives importantes menées dans le but d’améliorer la littératie financière n’ont pas encore porté de fruits», dit Hugh Murphy, directeur général chez Credo.

Toutefois, Jane Rooney, chef du développement de la littératie financière du Canada à l’Agence de la consommation en matière financière du Canada (ACFC), à Ottawa, affirme que les efforts coordonnés d’organismes publics, privés et à but non lucratif déployés ces dernières années dans le but d’aider les Canadiens «à gérer leur argent et leurs dettes, à planifier et à économiser pour l’avenir ainsi qu’à se prémunir contre la fraude et l’exploitation financière» ont donné des résultats positifs.

«J’ai constaté de grands progrès», dit Jane Rooney, qui, en avril 2014, a obtenu un mandat de cinq ans afin d’assurer la direction à l’échelle nationale des efforts de renforcement de la littératie financière. «Nous nous classons très bien sur le plan de la recherche.»

Comme preuve, Jane Rooney cite, parmi d’autres études, la publication l’an dernier d’une étude internationale sur la littératie financière chez les personnes de 15 ans que l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a menée en 2015 et dans laquelle les Canadiens de 15 ans se sont classés au deuxième rang parmi 15 pays de l’OCDE et pays partenaires ayant participé à l’étude.

«[Les jeunes Canadiens] ont de bonnes connaissances, affirme Jane Rooney, parce qu’ils travaillent bien à l’école, mais aussi parce qu’ils ont des comptes de banque, qu’ils gagnent de l’argent et qu’ils parlent de l’argent avec leurs parents.»

Les programmes individuels en matière de littératie financière que l’ACFC a lancés ou appuyés sont contrôlés et mesurés quant à leur efficacité relative, dit-elle. Par exemple, le groupe de Jane Rooney a collaboré avec des étudiants universitaires pour mettre au point le programme «Vos outils financiers» afin d’aider les jeunes adultes à gérer leurs finances personnelles.

Après la mise en oeuvre, «nous avons constaté que les étudiants avaient un meilleur comportement [en matière de finance] et étaient plus confiants lorsqu’ils devaient prendre des décisions financières», dit-elle.

En 2019, dernière année du mandat de Jane Rooney, l’ACFC déploiera son «Enquête canadienne sur les capacités financières», une vaste étude des niveaux de littératie financière dans la population en général, qui est effectuée tous les cinq ans. L’étude a auparavant été réalisée en 2014 et en 2009.

Jane Rooney reconnaît que des progrès restent à accomplir, particulièrement pour aider les groupes prioritaires, tels que les gens à faible revenu, les nouveaux arrivants et les jeunes.

La recherche de Credo parvient à la même conclusion. Par exemple, les participants au sondage ayant des actifs à investir inférieurs à 5 000 $ ont affiché une note moyenne de 72,75 sur 100 en matière de littératie financière. En même temps, ceux ayant des actifs à investir de 250 000 $ à 500 000 $ ainsi que ceux ayant plus de 500 000 $ ont enregistré des notes moyennes de plus de 80,3 et 81,4, respectivement.

Concernant l’aide aux particuliers à faible revenu, Jane Rooney cite l’exemple du «Programme communautaire des bénévoles en matière d’impôt», administré en partie par l’Agence du revenu du Canada. Dans le cadre du programme, des bénévoles aident ces personnes à remplir leur déclaration de revenus et s’assurent qu’elles reçoivent leur remboursement d’impôt et le versement de leurs prestations.

Jane Rooney ajoute : «Par l’intermédiaire de ces comptoirs [de préparation des déclarations], nous distribuons cette année 15 000 éléments d’information pour aider les gens à mieux comprendre l’accès aux services bancaires de base ainsi que l’importance de faire un budget, de se constituer un fonds d’urgence, si possible, et de rembourser ses dettes.»

La recherche de Credo suggère également qu’il existe une corrélation entre les niveaux d’éducation des Canadiens et la littératie financière. Les personnes sondées qui détenaient seulement un diplôme du secondaire ont enregistré une note moyenne de 70,2. Comparativement, ceux ayant un diplôme universitaire ont enregistré une note moyenne de 79,7.

Jane Rooney affirme que son groupe a collaboré avec les gouvernements provinciaux pour étendre les programmes de littératie financière dans l’enseignement du primaire et du secondaire. Par exemple, le Québec a introduit l’an dernier un programme d’éducation financière obligatoire pour les élèves du secondaire.

Le conseil a un impact

Les conseillers en services financiers et les autres professionnels de ce secteur ont un rôle crucial à jouer afin de rehausser la littératie financière, ajoute Jane Rooney : «Les conseillers rejoignent les Canadiens à toutes les étapes de leur vie. Ils peuvent aider les gens à choisir les produits et les services qui répondent le mieux à leurs besoins, mais aussi à cerner les messages clés de la littératie financière : comment faire un budget, comment épargner, comment planifier pour l’avenir, et comment rembourser ses dettes.»

Selon Hugh Murphy, les conseillers peuvent avoir un impact positif sur le niveau d’éducation financière de leur client, même si cet impact est difficile à mesurer statistiquement.

Pour ce faire, les conseillers doivent prendre le temps d’expliquer et de s’assurer que leur client comprend vraiment, selon Sara Gilbert, conférencière et fondatrice de la firme Développement des affaires Strategist(e) : «Si vous lui demandez : « Est-ce clair ? », le client va dire « C’est clair. » Personne ne veut admettre qu’il ignore quelque chose. Vous pouvez poser de meilleures questions : « Quelles sont les principales idées que vous retenez ? », « Qu’en pensez-vous ? » Vous serez en mesure d’entendre vraiment ce que le client comprend.»