Quatre paires de mains d'homme d'affaire en train de féliciter quelqu'un en tapant dans les mains.
4zevar / 123rf

Le secteur des fonds négociés en Bourse (FNB) a traversé la crise de la COVID-19 de mars 2020 sans problème majeur, la majorité des FNB se montrant résilients durant les moments les plus extrêmes de la crise. Même les FNB obligataires, qu’on a cru les plus vulnérables, s’en sont tirés honorablement.

L’Organisation internationale des commissions de valeurs (OICV-IOSCO) en dit autant dans un récent rapport paru en août 2021 (« Exchange Traded Funds Thematic Note –Findings and Observations during COVID-19 induced market stresses »). « Au final, peut-on lire, tout indique ni risque majeur ni fragilité dans la structure des FNB, quoiqu’un sous-ensemble de ceux-ci a montré des comportements de négociation inhabituels. » Ce sous-ensemble est formé des FNB obligataires et des FNB « synthétiques », ayant recours à des dérivés financiers, notamment des contrats à terme.

Le rapport de l’OICV, colligé à partir d’observations provenant de 24 pays membres, ne porte pas sur l’expérience vécue au Canada. Cependant, les chiffres qu’affiche l’organisme ressemblent à ceux qu’on a souvent évoqués au pays.

Le secteur des FNB obligataires est celui dont on a le plus parlé au lendemain de la crise. Le problème auquel on a le plus souvent fait référence tient aux écarts prononcés qu’on a vu se creuser entre le prix d’un FNB et sa valeur liquidative (net asset value). Aux États-Unis, les FNB, en général, « ont présenté des niveaux de primes et d’escompte au-dessus de la moyenne en 2020. Les escomptes ont été les plus marquées dans les FNB obligataires […] À un moment, certaines obligations de qualité investissement et certaines obligations à haut rendement dans des cas extrêmes et pour de courtes périodes de temps se sont négociées à des escomptes allant de 6 % à 10 % ». Des écarts similaires ont été observés partout en Europe et en Asie.

Il en est de même pour les écarts entre cours vendeur et cours acheteur qui ont atteint entre 1 % et 2,5 % aux moments de plus grande volatilité pour les FNB en général. Cet écart s’est même établi à 5 % dans les titres de revenu fixe à haut rendement aux États-Unis, à 10 % en Asie.

De plus, le taux de rotation quotidien des FNB a bondi de 100 % en mars 2020 par rapport au mois précédent. « Aux États-Unis, la part des FNB dans les transactions boursières américaines a atteint environ 40 % au début du mois de mars 2020, par rapport à 20 à 30 % en temps normal. Cette augmentation des transactions peut renforcer l’idée que les FNB sont des outils pratiques et privilégiés par les participants au marché pour ajuster leurs expositions dans un marché en crise », lit-on dans l’étude.

Plusieurs observateurs craignaient des effets plus traumatisants sur les FNB que sur les fonds communs de placement (FCP). Il n’en fut rien. Au contraire, les rachats de parts dans les FNB obligataires ont représenté 2 % des actifs totaux, alors qu’ils se sont élevés à 6 % dans les FCP.

FNB en difficulté

L’étude de l’OICV relève aussi des difficultés pour les FNB pétroliers à base de contrats à terme et les FNB à effet de levier ou à levier inversé (FNB L&I). En avril 2020, les prix des contrats à terme pétroliers enregistraient beaucoup de volatilité, tombant même en terrain négatif. Dans le secteur des FNB L&I, les prix et les écarts acheteur/vendeur ont beaucoup fluctué « à cause d’une extrême volatilité et des coûts de transaction dans les marchés de dérivés sous-jacents », note l’étude.

Pour contrer l’ouragan, des mainteneurs de marché ont demandé aux manufacturiers de fonds des mesures de gestion de risques supplémentaires, notamment l’achat d’options d’achat sur des contrats à terme pétroliers et le déplacement vers des contrats à plus longue échéance. Du côté des FNB L&I, on a temporairement interrompu toute transaction et toute création de parts, et réduit l’effet de levier. « Dans des cas plus extrêmes, certains FNB L&I ont été liquidés », indique l’étude.

« Bien que ces FNB ne représentent collectivement qu’environ 2 % des actifs sous gestion du secteur, ces risques potentiels, s’ils ne sont pas correctement atténués, pourraient nuire à la viabilité de ces fonds », indique l’étude.

Il reste que l’OICV salue la stabilité des FNB tout au long de la crise, constat dont il faut faire ressortir un aspect majeur. « D’un point de vue structurel – et je ne parle pas d’achats/rachats, de valeurs liquidatives ou d’écarts vendeur/acheteur – les FNB en général ont très bien tenu la route et ont fourni la performance qu’ils annonçaient », affirme Andres Rincon, chef, ventes de FNB et stratégies, chez Valeurs mobilières TD.

Même les FNB du sous-secteur obligataire ont mieux performé que ce que l’étude de l’OICV fait ressortir, juge Daniel Straus, vice-président, groupe de recherche et stratégie ETF à la Banque Nationale.

Tant Daniel Straus qu’Andres Rincon font ressortir combien la valeur liquidative d’un FNB obligataire est un prix « théorique » – établi à partir de cotes soumises par les opérateurs dont on tire une moyenne –qui est parfois périmé et a très peu à voir avec la réalité des transactions ayant cours de minute en minute. Les prix de fermeture non plus ne sont pas représentatifs. « Ils n’indiquent pas du tout le niveau où ont eu lieu la plupart des transactions, ajoute Daniel Straus. Pour se donner une idée plus juste de ce que les investisseurs ont payé au cours des journées, il faut évaluer le prix pondéré selon les volumes (PPV). »

Il donne l’exemple des transactions sur le FNB BMO obligations totales (ZAG) le 18 mars. La valeur liquidative affichée était de 15,81 $, à côté de laquelle le prix de fermeture de 14,02 $ semble bien déprimé, soit 11,3 %. Cependant, en se basant sur le PPV, le prix de transaction effectif pendant l’ensemble de la journée était de 15,19 $, seulement 3,9 % sous la valeur liquidative.

Dans le secteur spécifique des fonds obligataires, l’IOCV relève « que certains régulateurs croient que les prix des FNB obligataires pourraient avoir servi de source additionnelle d’information sur les prix dans les marchés obligataires sous-jacents ». Cela constitue une victoire pour le secteur des FNB, car de nombreux commentateurs prévoyaient que, dans des conditions de marché extrême comme la pandémie, les FNB obligataires connaîtraient un blocage considérablement pire que n’en connaissaient les titres sous-jacents. En réalité, fait ressortir Daniel Straus, alors que les transactions sur les obligations sous-jacentes étaient paralysées, les FNB obligataires « fournissaient de la liquidité dans le marché et donnaient aux investisseurs un mécanisme de repérage des prix ».