Un homme d'affaire levant une main en signe d'indifférence.
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Non seulement les clients dont le conseiller est lié à une firme qui offre des fonds d’investissement maison sont beaucoup plus susceptibles de détenir les fonds de cette firme dans leur portefeuille, mais ces clients sont aussi fidèles à leur conseiller que les investisseurs qui ne possèdent pas de fonds maison dans leur portefeuille.

Les clients dont les portefeuilles comprennent une forte proportion de produits maison ne sont pas moins enclins à recommander leur conseiller à d’autres par rapport aux clients qui n’ont pas de produits maison dans leur portefeuille.

C’est ce qui ressort des résultats tirés de la dernière étude en cours sur la Zone de confort financier, un sondage pancanadien mené auprès des consommateurs du Canada par Credo Consulting, de Mississauga, en Ontario, en partenariat avec TC Media, de Montréal, qui publie Finance et Investissement.

«Quand [les conseillers doivent] choisir entre deux différents outils de placement à utiliser dans le portefeuille d’un client, l’un étant offert par un fournisseur externe indépendant et l’autre étant produit par leur propre firme, de nombreux conseillers se contentent d’opter pour le produit maison, écrit Hugh Murphy, directeur général chez Credo dans un rapport de présentation des résultats. L’étude de Credo conclut qu’en général, les décisions des conseillers [de recommander les produits maison] ne nuisent pas à leurs clients.»

Dans le cadre de l’étude, Credo a demandé à des clients de conseillers qui travaillent pour des courtiers de plein exercice détenus par des institutions financières, pour des cabinets de courtage en épargne collective ou pour des succursales bancaires de détail et des caisses s’ils détenaient un des fonds maison de la firme de leur conseiller. De façon constante et indépendamment du réseau de distribution, la probabilité qu’un client ait un ou plusieurs fonds maison de la firme à laquelle son conseiller est lié est plusieurs fois supérieure à la probabilité qu’un client ayant un conseiller et choisi au hasard ait un fonds de ce même manufacturier de fonds.

Par exemple, 52 % des clients dont le conseiller travaille chez RBC Dominion valeurs mobilières, la division de courtage de plein exercice de la Banque Royale du Canada (RBC), disent posséder des produits maison fabriqués par RBC Gestion mondiale d’actifs. En comparaison, seulement 11,4 % de tous les clients ayant un conseiller détenaient des fonds fabriqués par cet émetteur dans leur portefeuille.

«Credo a constaté que les conseillers de chaque courtier auquel un émetteur de fonds est associé ou lié utilisent les fonds de cet émetteur de fonds dans les portefeuilles de leurs clients dans une proportion bien supérieure à la moyenne», selon le rapport de Credo.

De plus, l’étude de Credo a montré que si on les compare par firme, les clients qui détiennent des fonds maison ont, dans l’ensemble, tout autant tendance à recommander leur conseiller à un membre de leur famille, à un ami ou à un collègue que les clients ayant un conseiller dans leur ensemble. Cette tendance s’est aussi confirmée quand Credo a comparé les clients d’une firme qui détenaient des fonds maison aux clients de la même firme qui ne détenaient pas de fonds maison.

«Dans l’ensemble de données que nous avons recueillies, il n’existe pas de forte preuve quantitative qui suggère que la pratique consistant à remplir les portefeuilles des clients de [fonds] maison met en péril la fidélité de l’investisseur», selon le rapport de Credo.

De même, les clients qui détenaient des fonds maison dans leur portefeuille avaient tout autant tendance à dire qu’ils considéraient avoir dépassé leurs attentes en matière de bien-être financier que les clients de la même firme n’ayant pas de fonds maison dans leur portefeuille.

Les clients «achètent» d’abord leur conseiller

Les résultats de Credo n’ont rien de surprenant, dit Sara Gilbert, fondatrice de Strategist(e) Développement des affaires : «En fin de compte, le client n’achète pas un produit, mais un conseiller et la confiance qu’il place en ce conseiller.»

Bien sûr, le fait que les conseillers recommandent les fonds maison à ce point peut soulever des inquiétudes parmi les critiques de l’industrie, d’une part concernant les conflits d’intérêts, et d’autre part, à savoir si le meilleur intérêt du client est respecté.

«Ce n’est pas surprenant que les entreprises aient une intégration verticale, qu’ils fabriquent des produits et en même temps offrent du conseil, parce que c’est une façon de conserver leur part de marché et, dans de nombreux cas, de la faire croître», remarque John De Goey, gestionnaire de portefeuille chez Industrielle Alliance Valeurs mobilières, à Toronto, et partisan de l’interdiction des commissions intégrées. «La question est : « Jusqu’à quel point un conseiller, au niveau micro, aide et encourage cette stratégie en recommandant ces produits à ses clients ? »«

Toutefois, l’étude de Credo suggère que les conseillers recommandent les fonds maison aux clients en toute bonne foi. Particulièrement, les conseillers recommandent les fonds maison s’ils ont l’impression que ces fonds sont pertinents pour les clients. «Quand [les conseillers] considèrent qu’il n’y a pas une grande différence entre deux instruments [de placement], sauf que l’un est produit par leur propre [firme], ils optent pour le produit maison», précise le rapport de Credo.

Il est également possible que les conseillers recommandent les fonds maison sans qu’il y ait de lien avec la firme à laquelle ils sont liés, dit l’analyste de fonds Dan Hallett, qui est aussi vice-président chez HighView Financial Group, de Oakville, en Ontario. C’est particulièrement vrai si les conseillers ont l’occasion d’interagir et de poser des questions aux gestionnaires de portefeuille des divisions de gestion d’actif de leurs firmes.

«Si l’accès aux personnes en coulisse est plus grand, je peux voir comment les conseillers pourraient avoir un degré de loyauté fondamental et naturel avec leur firme, dit-il, même s’il n’y a pas nécessairement de rémunération supplémentaire [associée à un produit maison] pour les inciter à recommander ces produits.»

Priorité à l’atteinte des objectifs

Certains clients pourraient aussi avoir confiance dans les produits qui portent la marque de la firme de leur conseiller, particulièrement s’il s’agit d’une des grandes banques, dit Dan Hallett : «Faire affaire avec une grande organisation donne une impression de confiance, on ressent un certain degré de sécurité».

Également, l’indifférence relative des clients quant au fait que leur conseiller recommande ou non des fonds maison plutôt que des produits équivalents d’un manufacturier indépendant pourrait montrer qu’ils sont davantage axés sur la voie à suivre pour atteindre les objectifs financiers plutôt que sur la marque des fonds de leur portefeuille.

«La proportion de clients qui veulent participer à la répartition du contenu d’un portefeuille est en fait très petite, remarque Sara Gilbert. Tout ce que les clients veulent savoir, c’est : « Avez-vous une feuille de route pour me rendre là où je veux aller ? [Si la réponse est oui], alors, allons-y. »«