Deux petits personnages un avec une ampoule au-dessus de la tête et l'autre semblant lui dire qu'il s'agit d'une mauvaise idée.
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L’avenir de l’option de souscription avec frais d’acquisition reportés (FAR) n’est pas encore scellé. Cependant, l’abolition de ces derniers est sérieusement envisagée par les régulateurs provinciaux, dont l’Autorité des marchés financiers (AMF). Cette abolition serait un souci de moins pour les chefs de conformité, même s’ils ne sont pas tous partisans de cette solution radicale.

À la question « Quel est votre niveau de satisfaction relativement à la possible abolition des frais d’acquisition reportés ? », 55 % des personnes interrogées ont répondu « satisfait » ou « très satisfait ». En tout, 26,7 % ont répondu « ni satisfait ni insatisfait », et 18,3 %, « peu satisfait » ou « pas du tout satisfait ».

« Pour les clients, c’était toujours un enjeu. Ils s’en plaignaient souvent. Ils n’étaient pas au courant des FAR », dit un répondant. « L’abolition est une bonne idée. Ces frais étaient mal expliqués et des conseillers en abusaient », note un autre. « Ça protégerait les gens. Pour le consommateur, il n’y a aucun avantage à avoir des FAR. Ce n’est qu’à l’avantage du conseiller », dit un autre.

Tous les répondants n’étaient pas en accord avec ces derniers commentaires. « Je suis contre l’abolition. Les petits investisseurs ne pourront plus avoir de conseils ! » lance un répondant. « C’est un modèle qui a sa place. Je suis contre leur abolition. On devrait avoir d’autres solutions », note un autre.

« L’abolition évite les transactions faites seulement pour se faire des commissions. Par ailleurs, j’aurais peur que les petits investisseurs soient délaissés, car ils deviendraient moins payants pour le conseiller en raison de l’abolition », mentionne un autre.

Les problèmes liés aux FAR et les plaintes des clients à leur sujet ont poussé certaines firmes à cesser de les utiliser. Dans les grandes institutions financières, les conseillers, qui sont salariés, ont rarement recours aux FAR, d’où leur relative indifférence par rapport à cet enjeu.

Il reste que la suppression des FAR est considérée comme une solution trop extrême par certains chefs de conformité. Certes, « l’abolition m’enlèverait un poids par rapport à la vérification de la conformité. Ça simplifierait beaucoup de choses : il n’y aurait plus de risque de conflit d’intérêts », reconnaît François Bruneau, vice-président administration et investissement, Groupe Cloutier Investissements. Maxime Gauthier, chef de la conformité et représentant en épargne collective chez Mérici Services financiers, confirme : « Si je me mets des œillères, c’est un élément de moins à surveiller pour moi. »

Toutefois, c’est plus compliqué qu’il n’y paraît. « Il y a des risques de migration vers d’autres solutions : ceux qui ont plusieurs permis iront sûrement vers d’autres produits qui sont sujets à moins de réglementation et qui sont commissionnés. Ils pourraient aussi passer des ententes d’honoraires avec les clients. Bref, ça va juste déplacer le problème là où on n’a pas la capacité d’encadrer quoi que ce soit », regrette Maxime Gauthier.

Même s’il ne croit pas que les conséquences soient importantes, Gino-Sébastian Savard, président de MICA cabinet de services financiers, s’attend lui aussi à « devoir accroître la surveillance de la facturation d’honoraires et de l’exode vers des fonds distincts », dont les frais de gestion sont souvent supérieurs aux fonds communs.

Modèle d’affaires attaqués

L’abolition des FAR forcerait les firmes à surveiller d’autres éléments alors qu’actuellement, les FAR ne causent pas tant de problèmes à plusieurs chefs de conformité, selon les personnes interrogées. De nombreuses firmes ont en effet mis en place des balises pour empêcher les abus. « Dans le cas de doubles structures, les frais de sortie sont remboursés aux clients ou le conseiller renonce à la deuxième commission », explique Maxime Gauthier.

Le Groupe Cloutier a aussi encadré l’utilisation des FAR. Par exemple, la double commission est interdite et les FAR ne peuvent pas être proposés à des personnes de plus de 70 ans. « On s’est autodisciplinés », affirme François Bruneau. Selon lui, la disparition des FAR se ferait au détriment des personnes les moins fortunées puisqu’elles ne seront pas en mesure de payer pour le conseil.

Dans ce contexte, les FAR ne posaient pas tant de problèmes aux chefs de conformité, selon ces trois intervenants. En revanche, leur éventuelle disparition les préoccupe quant à l’avenir de leur firme et de leurs conseillers. « Nous sommes totalement contre leur abolition, lance François Bruneau. Nous sommes un cabinet indépendant, nos conseillers ne sont pas salariés. Ils vivent des services qu’ils fournissent aux clients. Ces frais représentent donc un revenu pour eux. » Ils constituent même une grande part de la rémunération des conseillers indépendants en début de carrière.

À tel point que certaines firmes sentent leur modèle d’affaires vaciller. « On se pose des questions sur l’avenir de notre modèle d’indépendance avec des conseillers qui sont de purs entrepreneurs. C’est déjà difficile d’attirer la relève. Avec la fin des FAR, ça serait pire. Le secteur indépendant va peut-être devoir s’adapter et imiter les grands réseaux en fournissant un salaire fixe, un bureau et un bloc de clients à ses jeunes recrues. On va peut-être devoir fonctionner comme des banques mais… sans leurs moyens. La compétitivité va diminuer », craint François Bruneau.

Les chefs de conformité tout comme les dirigeants de firmes interrogés auraient préféré « le maintien des FAR, mais mieux encadrés pour obliger toutes les firmes à mettre en place des balises comme nous l’avons fait », avance François Bruneau. « Il faut juste rendre obligatoire que les clients aient des informations claires et un libre choix », estime pour sa part Gino-Sébastian Savard, qui pensait « qu’on allait nous demander de plus surveiller les FAR et j’étais d’accord avec ce surplus éventuel de surveillance ».

Pour le moment, les FAR existent toujours, le changement de réglementation n’étant pas encore intervenu.