Un petit personnage devant deux chemins qui se demande lequel choisir.
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L’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM) s’améliore. L’organisme d’autoréglementation obtient une note moyenne de 7,5 sur 10, soit la plus haute enregistrée depuis le début du Pointage des régulateurs, réalisé chaque année par Finance et Investissement depuis 2010.

Sa proximité avec l’industrie et son désir de l’écouter semblent plaire à certains répondants, tout comme ses efforts d’amélioration continue sur différents plans. Le régulateur obtient ses meilleures notes aux critères d’évaluation portant sur la clarté de ses documents, son équité et sa fermeté dans l’application des règles, et l’efficacité du processus d’audience disciplinaire.

« Je siège à des comités de l’OCRCVM et là, on donne plus facilement nos opinions. Ils sont plus ouverts à nos commentaires. Ils nous font parvenir des avis et ils nous demandent de les commenter », indique un répondant.

« Ils se sont améliorés sur le plan de la consultation. Ils sont plus à l’écoute de leurs membres », dit un autre.

Toutefois, l’OCRCVM peut encore faire mieux. Le régulateur obtient sa pire note du sondage de cette année pour sa capacité à tenir compte de l’impact financier de ses politiques sur l’industrie, cette note se dégrade par rapport à celle enregistrée au Pointage des régulateurs de 2018. Le régulateur affiche aussi de faibles notes sur le plan de sa sensibilité aux préoccupations des petites firmes et de sa capacité à maintenir le fardeau de la réglementation à un niveau acceptable pour la firme et le représentant.

« Les décisions ne tiennent pas bien compte de la réalité et du fardeau supplémentaire que les entreprises doivent mettre de l’avant en termes de conformité », dit un répondant.

« L’OCRCVM prend en considération l’impact financier, mais pas autant qu’on le voudrait, explique un autre. Par exemple, ça nous coûte cher d’implanter une nouvelle règle, mais ils nous disent de le faire quand même, sans tenir compte de notre effort financier. Ce n’est pas eux qui payent. »

Virage difficile

L’OCRCVM est consciente de la lourdeur de la réglementation, selon Richard Legault, président d’Industrielle Alliance Valeurs mobilières de 2012 à 2018, et aujourd’hui président de Phoenix Stratégies Conseils. Il a déjà siégé au conseil de la section du Québec de l’OCRCVM.

Autant les firmes que les conseillers et les clients souffrent de cette lourdeur, selon lui :

« Durant la rencontre d’ouverture de compte avec le client, on passe tellement de temps à remplir des documents et à s’occuper de la paperasse qu’il reste très peu de temps pour avoir de vraies discussions avec le client pour le connaître. Ça nous éloigne de l’objectif de bien le servir. »

La conformité amène aussi le client à se demander si la documentation à signer vise à le protéger réellement ou à protéger la firme.

Richard Legault comprend que les petites firmes se sentent parfois étouffées lorsqu’on les force à adopter de nouvelles règles : « Il faut investir dans le cadre réglementaire, les plateformes technologiques, les opérations et la croissance. Ça fait beaucoup d’endroits où investir quand vos ressources sont limitées. »

Selon lui, la division québécoise de l’OCRCVM a une réelle volonté de changer la réglementation et une sensibilité à l’égard des petites firmes, et la note de ce régulateur sur ces plans devrait s’améliorer avec le temps.

Cependant, le processus de changement est long et compliqué, poursuit-il : « Même si la direction du Québec est ouverte à certains enjeux, elle doit rapporter cette discussion sur le plan national et trouver un consensus national. Après consensus, il faut remonter aux Autorités canadiennes en valeurs mobilières pour approbation. »

Réévaluer les règles 

Le Pointage des régulateurs démontre encore une fois que l’industrie se sent essoufflée, trouve qu’il y a beaucoup de règles et juge qu’elle n’a pas assez de temps pour les assimiler avant de s’en faire imposer d’autres, selon Carmen Crépin, ex-vice-présidente pour le Québec de l’OCRCVM.

« La technologie facilite les choses, mais les autorités de réglementation devraient comprendre ses coûts et le temps nécessaire pour ajuster tout cela », souligne-t-elle.

Selon Carmen Crépin, autant l’OCRCVM que l’Autorité des marchés financiers devraient régulièrement remettre en question la pertinence des règles et se demander si elles répondent à leur objectif initial. « Le plus souvent, et je l’ai vécu, on ne sait plus trop ce qu’on voulait régler avec cette règle et on ne l’enlève pas, au cas où. Les seules fois où on a vu un vrai ménage dans les règles, c’est quand elles sont devenues obsolètes et que personne ne les applique. »

Ces régulateurs devraient aussi mieux promouvoir leurs efforts de réduction du fardeau de la réglementation et continuer d’inciter les firmes à développer une culture de conformité.

L’OCRCVM devrait aussi travailler sur ses faiblesses, notamment celles ciblées par les répondants au sondage qui sont résumées dans l’encadré ci-contre.

COMMENTAIRES PORTANT SUR L’OCRCVM

Éléments sur lesquels les répondants étaient majoritairement positifs

  • Ses priorités sont connues.
  • Il est possible de discuter avec l’OCRCVM. On apprécie sa proximité.

Éléments sur lesquels ils étaient divisés

  • Les consultations se passent mieux qu’avant, mais certains pensent que les dés sont pipés.
  • Les inspections se passent bien, il y a eu de l’amélioration, mais certaines faiblesses demeurent, comme le roulement de personnel et la structure inefficiente.
  • Le processus d’audience disciplinaire récolte une bonne note, mais ses délais sont trop longs.

Éléments sur lesquels ils étaient majoritairement négatifs

  • On tient peu compte du fardeau de la réglementation, qui s’alourdit continuellement, ni des coûts de celui-ci.
  • Les répondants se sentent submergés d’informations provenant du régulateur.
  • Il est difficile d’archiver ses communications cryptées avec les firmes.
  • Certains perçoivent que les grosses firmes décident des règles et que les petites ont peu d’influence.
  • Le site web devrait être plus facile d’utilisation.
  • Ses communications pourraient être mieux vulgarisées.
  • Il y aurait eu des disparités entre les directions régionales de l’OCRCVM, notamment sur le plan de la sévérité de son application des règles, prétend un répondant.

AVIS DE NOS COMMENTATEURS

Sur la perception que les dés sont pipés. « Ce n’est pas ma perception ni ce que j’ai vécu. Il y avait une réelle écoute. Pour faire bouger le cadre de la réglementation, il faut être patient.

C’est un gros bateau qui ne se tourne pas facilement. » – Richard Legault « Quand on consulte, quel est l’objectif ? Veut-on vraiment recueillir le point de vue de l’industrie et si notre idée n’était pas bonne, on la change. Ou alors on présente ce qu’on veut faire, on demande d’expliquer les impacts et s’ils sont trop négatifs, on va en tenir compte. Ce n’est pas pareil. Une réelle consultation et de la pré-information, ce n’est pas la même chose. » – Carmen Crépin

Sur les inspections. « Ça me surprendrait que l’OCRCVM ait une note fulgurante pour ses inspections. Les inspecteurs ne rentrent jamais au bon moment. Ils demandent beaucoup d’information, ce qui mobilise certaines ressources. Il faut s’expliquer et on a l’impression qu’ils cherchent des bobos. Dans ce cas, la meilleure solution est de bien communiquer. Ça peut être un fardeau un peu trop lourd. Sur le plan du roulement de personnel chez les inspecteurs, même si on a l’impression qu’il faut recommencer et réexpliquer, ça fait partie du processus et je ne sais pas comment on pourrait éviter cela. On vit la même chose avec les vérificateurs externes et internes. » – Richard Legault

Sur le processus d’audience disciplinaire. « Depuis trois ans, l’OCRCVM a fait des efforts. L’OCRVM a procédé à la réécriture de ses lignes directrices sur les sanctions et de son processus disciplinaire. Elle a aussi dit : « On est toujours prêt à négocier, mais si la négociation n’aboutit pas au bout de X temps, on va aller en audience disciplinaire. » » « Sur le plan des délais, il y a eu des efforts. Si tout est réglé en deux ans, ça a de l’allure, mais si ça prend de deux à trois ans pour l’enquête et de deux à trois ans pour un règlement, ça ne marche plus. À l’OCRCVM comme dans les tribunaux civils, on a à coeur de faire le travail en respectant tous les principes d’équité procédurale et en ayant une préoccupation sur les délais. D’ailleurs, les délais, c’est une question de bonne volonté des deux parties. » – Carmen Crépin

Sur le fait d’être submergés d’informations : « Il faut s’assurer d’utiliser les outils qui sont à la disposition. Il y a des programmes de formation, des rencontres et des conférences qui peuvent permettre de suivre le changement. Effectivement, ça peut être demandant d’être à l’affût de toute l’information et que rien ne nous échappe. Il existe des moyens pour avoir sa propre vigie de l’évolution du cadre réglementaire. » – Richard Legault

Sur les frais facturés par l’OCRCVM : « L’OCRCVM a fait un effort pour que ceux qui demandent plus d’efforts du régulateur, comme de plus longues inspections, paient plus cher. Par exemple, une partie de la facture est liée au processus disciplinaire. S’il n’y a pas eu de processus disciplinaire, ça va être à zéro. Les firmes auraient peut-être avantage à comprendre la grille de tarification [car plus elles sont conformes, moins elles paient]. En même temps, plus la réglementation coûte cher, moins c’est évident pour les petits acteurs par rapport aux plus gros. Et l’équilibre est important entre les petits et les gros. C’est important pour l’investisseur d’avoir des choix . » – Carmen Crépin

Sur les disparités régionales quant à la sévérité des règles : « Il faut s’assurer qu’il y ait une uniformité dans le traitement régional, mais c’est compréhensible que des disparités apparaissent. Ce n’est pas quelque chose qui est fait de mauvaise foi. En gardant un bon canal de communication avec l’OCRCVM, ça finit par se régler. » – Richard Legault « À l’OCRCVM, les modules d’inspection sont les mêmes partout. Les fonctionnaires utilisent les mêmes outils. Plus on veut aller vers une application qui tient compte des diverses réalités, c’est peut-être une nuance qu’il faut faire… Prenons l’exemple du processus disciplinaire. Ceux qui représentent l’OCRCVM font valoir la jurisprudence partout. Cependant, quelqu’un peut dire : « La jurisprudence que vous me citez, je la trouve trop sévère et je n’embarque pas. » Il faut alors évaluer si on n’a pas le même contexte. » – Carmen Crépin

Sur la vulgarisation des règles : « L’OCRCVM a fait toute une révision du rule book avec comme objectif de le mettre en langage clair. Il y a eu une amélioration. En même temps, quand on parle de règles, on utilise un langage juridique. Les règles s’adressent à des gens qui ne sont pas tous des avocats. Peut-être qu’il y a encore des efforts à faire. » – Carmen Crépin