Or, malgré leur baisse récente, le rendement des obligations fédérales de 10 ans a augmenté depuis janvier, suivant en cela, mais dans une moindre mesure, les obligations du Trésor américain de même échéance.

Évidemment, la contraction de l’économie canadienne au premier semestre a eu un effet sur les taux, comme en font foi les deux baisses de 0,25 point de pourcentage du taux directeur de la Banque du Canada, qui s’établissait à 0,50 % au moment de mettre sous presse.

Influences internationales

«Cependant, si la portion à court terme de la courbe des taux est influencée par la politique monétaire de la Banque du Canada, celle des obligations de 10 ans et plus est influencée par les tendances outre frontière, notamment aux États-Unis, où l’économie affiche jusqu’à présent une croissance plus résiliente qu’au Canada», explique Christian Pouliot, gestionnaire du Fonds d’obligations IA Clarington.

«Nous nous attendons à ce que la Réserve fédérale américaine (Fed) augmente son taux directeur cette année, ce qui nous porte à être légèrement défensifs, avec une duration de 7,25 ans, par rapport à 7,4 ans pour l’indice FTSE TMX Canada Universe Bond Index (le FTSE)», dit-il.

Dans les dernières années, les portefeuillistes qui avaient une duration très courte parce qu’ils anticipaient une remontée rapide des taux sur les obligations de 10 ans ont perdu beaucoup d’argent, selon Christian Pouliot.

«Chaque année, un événement se produisait qui empêchait la hausse de ce taux ou le faisait baisser. C’est pourquoi nous sommes très prudents et nous ajustons cette duration sur une base régulière, de manière tactique. Si nous étions vraiment convaincus qu’un important mouvement à la hausse des taux allait se produire, nous réduirions rapidement notre duration», poursuit Christian Pouliot, qui admet s’interroger davantage aujourd’hui sur la vigueur de l’économie américaine qu’il y a trois mois.

«Dans ce contexte incertain, le rendement espéré du fonds au cours de 18 à 24 mois pourrait osciller entre – 2 % et 2 %. Une fois la transition vers des taux plus élevés terminée, le rendement va s’améliorer», ajoute-t-il.

«Le segment du marché le plus problématique est celui des obligations de sociétés, où il y a des périodes où l’on peut acheter, mais où l’on ne peut rien revendre sur le marché secondaire. C’est le cas en ce moment», dit-il.

Christian Pouliot a commencé à se départir d’obligations de sociétés à plus long terme l’an dernier pour acheter des obligations avec des échéances de 6 à 18 mois.

Le pourcentage en obligations de sociétés a été graduellement réduit. Il est passé de 46 % en mai à 42 % en juillet, ce qui représente tout de même 12 points de pourcentage de plus que dans l’indice FTSE TMX Canada Universe Bond Index. Cette surpondération se fait aux dépens des obligations fédérales, qui comptent pour environ 19 % du fonds, par rapport à environ 36,5 % de l’indice FTSE.

Rendements presque nuls

Selon Derek Brown, gestionnaire du Fonds d’obligations Fiera Capital, le rendement total des fonds d’obligations devrait osciller entre 0 et 1 % au cours de la prochaine année. Les revenus d’intérêt devraient à peine compenser les pertes en capital qui résultent de la hausse modérée du taux des obligations du Canada de 10 ans. Et le rendement augmentera ensuite de manière significative, au fur et à mesure que les nouvelles obligations émises offriront un coupon plus élevé, estime Derek Brown.

«La plupart des fonds d’obligations canadiennes ont une duration semblable à celle de l’indice FTSE qui, à 7,4 ans, est un peu plus courte que la duration d’une obligation de 10 ans, qui est de 8 ans. C’est donc la portion à long terme de la courbe des taux d’intérêt qui influence le plus le rendement des fonds d’obligations», explique Derek Brown, gestionnaire du Fonds d’obligations Fiera Capital, dont la duration était récemment de 7,8 ans.

Il note que les rendements des obligations de 10 ans du Canada et des États-Unis évoluent dans la même direction, mais que l’amplitude des mouvements est plus importante aux États-Unis qu’au Canada.

L’anticipation de la hausse du taux directeur aux États-Unis y a cependant poussé les taux de deux à cinq ans à la hausse, alors que la baisse du taux directeur de la Banque du Canada les a poussés à la baisse ici.

«Une hausse du taux directeur aux États-Unis alors qu’il baisse au Canada n’est pas un phénomène fréquent. C’est une des raisons pour lesquelles, à court terme du moins, les taux d’intérêt au Canada restent plus bas», avance Derek Brown.

Ralentissement temporaire

Le ralentissement en cours de l’économie canadienne est probablement temporaire, selon lui. Il croit que la croissance de fond de l’économie américaine est forte et qu’elle continuera probablement de l’être pendant encore deux ou trois ans, ce qui finira par profiter au Canada à moyen terme.

Entretemps, l’ajustement au prix du pétrole à 45 $ US perdure, ce qui nuit à l’économie et contribue au plafonnement des taux canadiens. Ces taux ne devraient ni monter en flèche ni trop baisser non plus, selon Derek Brown.

«La faiblesse de notre économie ne fera qu’empêcher les taux de monter aussi rapidement qu’ils l’auraient fait de toute manière. Pour un détenteur d’obligations, le pire scénario est une hausse rapide des taux, comme en 2013, alors que le coupon encaissé ne permet pas de compenser la perte en capital», rappelle-t-il.

L’achat d’obligations par la Banque centrale européenne (BCE) contribue aussi à freiner la hausse des taux. Les taux canadiens demeurent attrayants par rapport à ceux des obligations allemandes ou françaises.

Ainsi, le marché restera volatil au cours des six prochains mois, alors que les intervenants tentent de comprendre les intentions de la Fed.

Les obligations fédérales n’offrent guère de valeur aux yeux de Derek Brown, puisqu’elles ne comptent que pour 16 % du portefeuille : «Il est possible que le rendement des titres de trois ans passe de 0,46 % à 0,20 %, mais il est plus probable qu’il remonte à 0,75 %». Les titres provinciaux et municipaux comptent pour 38 % du fonds.

Lui aussi juge les obligations de sociétés les plus attrayantes actuellement. Il y consacre 49,8 %, par rapport à 29 % dans le Financial Times Stock Exchange (FTSE). Leurs échéances se situent généralement entre trois et cinq ans.

Volatilité en vue

Le marché obligataire est volatil, comme en fait foi la montée en flèche du taux des obligations du Canada de 10 ans, passant de 1,26 % à la fin de janvier dernier à 1,90 % au début de juin, pour ensuite reculer à 1,44 % au début septembre.

Il va le demeurer au cours des 12 prochains mois, surtout dans le segment des obligations de 5 à 10 ans, que la Banque du Canada ne contrôle pas. C’est ce qu’avance Jennifer Hartviksen, gestionnaire principale du Fonds d’obligations canadiennes Trimark.

C’est d’abord la divergence des politiques monétaires entre le Canada et les États-Unis qui explique cette volatilité, selon elle : «Nous croyons que le Canada est en récession et que la Banque du Canada peut encore abaisser son taux directeur, ce qui contribuera à ancrer davantage à de très bas niveaux les taux à court terme au cours de la prochaine année».

Par contre, sur un horizon de 12 à 18 mois, les rendements des obligations du Canada de 10 ans seront de nouveau influencés par les obligations du Trésor américain de même échéance, prévoit Jennifer Hartviksen : «Le rendement de ces dernières va encore grimper, mais il n’atteindra sûrement pas 3,5 %, en raison des liquidités constantes qui arrivent dans le système, notamment par l’intermédiaire du programme d’assouplissement quantitatif en Europe».

La portefeuilliste considère les hausses à venir du taux directeur aux États-Unis comme la fin des mesures extraordinaires prises en 2008 pour maintenir les taux artificiellement bas : «On ne parle que de 25, peut-être de 50 points de base. De toute manière, ce sera inférieur aux hausses enregistrées dans les cycles précédents».

Titres provinciaux sous-pondérés

Avec une pondération de 12 % seulement, par rapport à 33,4 % dans l’indice FTSE, les titres des provinces sont clairement sous-pondérés dans le fonds de Trimark.

«Les finances des provinces sont inquiétantes, par rapport à celles du gouvernement fédéral, dont le ratio dette/PIB n’est que de 35 %, alors qu’il est de 55 % pour le Québec, par exemple», observe Jennifer Hartviksen.

De plus, les obligations provinciales se négocient actuellement près de la moyenne à long terme de leur écart avec les obligations fédérales, d’après elle : «Il y a de meilleures occasions dans les obligations de sociétés, qui comptaient pour 50,5 % du portefeuille à la fin de juillet, incluant 4,04 % en obligations à rendement élevé et 2,98 % en prêts à taux variables».

Dans le contexte économique actuel, elle favorise les obligations du secteur de la consommation, comme celles d’Alimentation Couche-Tard et de Kraft Canada, en raison de la prévisibilité de leurs résultats.

La duration du portefeuille Trimark était récemment de 7,26 ans, soit légèrement au-dessous de celle du FTSE. Elle peut varier dans une fourchette de + 1 ou – 1 an par rapport à cet indice.