Le torse d'un homme d'affaire, sa main en évidence. Il joue avec un petit sablier.
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Partout dans le monde, le cycle de règlement d’un ordre en valeurs mobilières, soit la durée entre le jour d’une transaction et le jour où celle-ci est livrée, s’étend de deux à quatre jours. Le passage à un jour de délai (T+1), prévu le 27 mai prochain au Canada et au Mexique, et le 28 mai aux États-Unis, devrait coûter très cher et causer beaucoup de maux de tête, prévoit TD Cowen, filiale européenne de Valeurs mobilières TD.

Régler une transaction 24 heures plus tôt, et après ? Ce n’est pas insignifiant : « Cela présentera des défis aux investisseurs internationaux du fait que les titres nord-américains, qui représentent la plus grande concentration d’actifs mondiaux, vont se régler un jour plus tôt que le reste du monde », affirme une note interne de TD Cowen.

Le problème est d’autant plus malvenu que les États-Unis, selon TD Cowen, se situent au point le plus malcommode dans la géographie des zones horaires pour prendre les devants dans cette initiative de raccourcir le cycle de règlement. En effet, les transactions devront être confirmées avant 21 h, heure de l’Est. Pour les Européens, cela ne correspond pas à 24 heures, mais à un délai « d’une nuit ». Dans la zone EMEA (Europe, Moyen-Orient, Afrique), « les employés devront travailler pendant les heures nocturnes pour honorer les délais raccourcis », fait ressortir TD Cowen. Certains devront recourir à leur personnel nord-américain pour y arriver.

Les problèmes internes aux États-Unis sont bien connus et imposent des coûts substantiels. TD Cowen réfère à un article de Bloomberg qui calculait que le passage à T+1 entraînerait des dépenses de l’ordre de 30 milliards de dollars américains à divers chapitres : financement, frais de gestion, réduction des prêts de titres, conversion de monnaies, rendements perdus, etc.

Un des principaux impacts tiendrait à une plus grande difficulté ou à des coûts plus élevés pour emprunter des titres. Par ailleurs, 96 % de firmes interviewées pour une étude rapportaient que la principale cause de transactions ratées était reliée à des problèmes d’inventaires; « l’accélération des règlements ne va pas nécessairement les résoudre », juge TD Cowen, mais va plutôt les exacerber.

Le fardeau pèsera surtout en Europe

Dans la zone EMEA, les défis seront accrus, d’autant plus que plusieurs fonds communs européens obéissent à un cycle de règlement T+3 ou T+4, un cycle qui est déjà mal aligné avec le cycle T+2 qui prévaut dans les marchés mondiaux d’actions. Cependant, TD Cowen ne chiffre pas ces obstacles.

Ainsi, les firmes financières seront appelées à passer beaucoup plus de temps à gérer leur encaisse dans les années à venir. « Aujourd’hui, écrit TD Cowen, les entreprises peuvent gérer le décalage existant entre les calendriers de règlement des fonds et des titres en utilisant des facilités de crédit à court terme ou en conservant des liquidités pour combler les écarts de financement. Toutefois, dans un marché qui s’est concentré ces dernières années, détenir davantage de liquidités n’est peut-être pas une option avantageuse du point de vue de la concurrence. »

Ces problèmes ne font que gratter la surface, affirme TD Cowen. En voici deux autres. Les titres ADR (American Depository Receipts, ces équivalents de titres étrangers, surtout chinois, négociés sur les parquets américains) suivront désormais le cycle de réglement T+1 alors que les actions étrangères sous-jacentes continueront de suivre celui T+2. Les fonds négociés en Bourse (FNB) hors Amérique du Nord qui détiennent des titres américains seront confrontés à un décalage des dates de règlement similaire à celui qu’on observe dans les fonds communs de placement européens.

Un autre problème qui sera exacerbé est celui des conversions de devises. Car les fonds européens sont souvent libellés dans des devises comme l’euro ou la livre sterling. Lorsqu’ils achètent ou vendent un titre américain, il y a donc une étape supplémentaire de conversion des devises. Les délais de confirmation s’accélérant, cela aura un impact sur les composantes de change et constituera un niveau additionnel de complexité. « Il existe quelques solutions à ce problème potentiel, mais toutes imposent un coût », fait remarquer TD Cowen.

Une aide à plus de concentration

La façon pour les acteurs européens de contourner ces défis est évidemment de transiter le plus rapidement possible au cycle de règlement des transactions T+1. Or les autorités règlementaires européennes ont bien d’autres chats à fouetter, soutient TD Cowen, notamment le besoin de réduire les niveaux de transactions ratées avant même qu’un passage à T+1 ne les augmente. Pour l’heure, le Royaume-Uni affiche la date la plus proche pour un passage à T+1 : le deuxième trimestre de 2026.

Autre problème significatif, l’imposition du cycle T+1 accélérera la tendance déjà bien engagée à une concentration accrue dans les milieux financiers. Cette nouvelle règle « semble favoriser les plus gros joueurs dans le marché, » souligne TD Cowen, essentiellement parce que les plus petits gestionnaires d’actifs peineront à en supporter les coûts majorés.