Ce dernier avance que la partie facile du cycle commencé en 2009 est probablement derrière nous. Durant cette période, les liquidités injectées par la Réserve fédérale américaine (Fed) ont haussé la valeur de tous les actifs.

«Je ne crois pas que le fait de maintenir les taux d’intérêt bas aujourd’hui poussera les actifs à la hausse de la même façon. De faibles taux d’intérêt aujourd’hui nous envoient le signal que la croissance économique sera insuffisante pour soutenir la croissance des bénéfices. Ce n’est pas positif», note Eric Bushell.

Profiter du dollar faible

Il prévoit que le dollar américain devrait continuer de s’apprécier en 2015, réduisant ainsi la capacité des pays émergents d’assurer le service de leur dette libellée dans cette devise. Cela diminuera de nouveau leur croissance et fera baisser encore le prix des matières premières. Ce cycle se répétera tout au long de 2015.

Dans ce contexte, le dollar canadien pourrait s’approcher de 80 cents US. «Les fonds mondiaux qui ne couvrent pas leur risque de change devraient offrir une bonne performance», prévoit-il.

Selon Eric Bushell, le marché obligataire et celui des actions ont deux visions opposées du monde. D’un côté, le marché obligataire observe que le ralentissement économique en Chine et dans les autres pays émergents, la capacité de production excédentaire partout dans le monde, ainsi que la démographie, pointent tous vers une croissance faible et des taux d’intérêt de plus en plus bas.

De l’autre, le marché boursier anticipe une expansion plus rapide de l’économie américaine et espère un découplage d’avec le reste du monde, comme à la fin des années 1990.

À son avis, un tel découplage est plus difficile en 2015, en raison notamment de la taille des économies et de leur interdépendance accrue. Eu égard au ralentissement ailleurs dans le monde, il adopte une stratégie qu’il qualifie de défensive.

Ainsi, à la fin de septembre dernier, il a ramené la pondération en actions du fonds de 70 % à 60 %, sa pondération neutre, pour la faire passer graduellement à 50 % en décembre. Le produit s’est retrouvé principalement en encaisse ainsi qu’en obligations gouvernementales. De sorte que l’encaisse oscillait récemment autour de 15 %. Les obligations à rendement élevé (ORÉ) affichent la même pondération. Les obligations de première qualité (investment grade) comptaient pour le reste, soit 20 %.

Rendements modestes

«Les rendements vont devenir beaucoup plus faibles maintenant que la Fed a réduit son assouplissement quantitatif. Je ne crois pas que les investisseurs sont prêts à cela. Je ne m’attends plus à des rendements supérieurs à 10 % pour notre fonds pour les années à venir. Des rendements de 5, 6 ou 7 % seraient plus dans l’ordre des choses», avance David Sykes, gestionnaire principal du Fonds de revenu mensuel tactique TD, qui continue toutefois à surpondérer les actions.

Cette surpondération est le résultat d’un pari important sur les actions américaines. Celles-ci comptent pour 28 % du fonds, alors que leur pondération neutre est de 15 %. À 34 %, la pondération en actions canadiennes est près de sa pondération neutre de 35 %. Les actions comptent donc pour 62 % du fonds, alors que leur pondération maximale est de 65 %.

«Nous aimons encore les actions américaines, en dépit de leur forte augmentation des dernières années. Par contre, les rendements ne seront pas les mêmes», dit David Sykes.

Au cours des dernières années, les profits des entreprises ont crû à un rythme de 12 à 14 %, alors que l’économie croissait à un rythme de 2 à 3 % ; de plus, le ratio cours/bénéfices est passé de 11 à 16, mentionne-t-il : «Nous pensons que le marché ne pourra plus compter sur une hausse de ce multiple pour progresser. À l’avenir, le rythme de croissance des bénéfices va se rapprocher de celui de la croissance nominale de l’économie», estime-t-il.

Il espère obtenir des rendements en dividendes de 3 % et plus, auxquels s’ajouterait une légère croissance des bénéfices. Il entrevoit un rythme de croissance des bénéfices de l’ordre de 4 à 6 % en 2015, pour un rendement total de 7 à 9 %.

Locomotive américaine

En comparaison, David Sykes estime que les titres à revenu fixe dégageront au mieux un rendement de 0 à 2 %. Il ne croit pas que l’économie soit assez forte pour soutenir des taux d’intérêt beaucoup plus élevés, principalement en raison de la faiblesse économique en Europe, de même qu’en Chine.

Le rendement des obligations américaines de 10 ans ne devrait donc pas augmenter au-delà de 50 à 75 points de base en 2015 par rapport à leur niveau de la fin de 2014.

David Sykes juge que le scénario économique le plus probable est la poursuite d’une croissance économique inférieure aux reprises passées, qu’il explique par l’ampleur de l’endettement dans les pays développés.

L’affermissement de l’économie américaine, de même que les politiques monétaires expansionnistes, notamment les nouvelles mesures que compte introduire la Banque centrale européenne (BCE), devraient réduire la probabilité de scénarios extrêmes, selon lui.

La surpondération en actions américaines se fait donc aux dépens des titres à revenu fixe, qui comptent pour 35 % du fonds, soit le minimum permis, alors que leur pondération neutre est de 50 %. Le fonds détient des unités du Fonds d’obligations canadiennes de base plus TD pour sa portion en titres à revenu fixe.

Une question de refuge

L’économie américaine est l’économie avancée la plus forte actuellement, et sa trajectoire est ascendante. La chute rapide de 2,39 % à 1,81 % du taux des obligations américaines de 10 ans entre le 6 novembre 2014 et le 15 janvier dernier a donc bien plus à faire avec un influx de liquidités en provenance d’Europe et d’Asie, où le ralentissement économique est bien réel, qu’avec des craintes d’une récession aux États-Unis à court ou moyen terme, selon Terry Carr, gestionnaire principal du Fonds d’occasions de rendement Manuvie.

«Dans un tel cas, le dollar américain et les obligations servent de placement refuge. Il faut comprendre qu’un rendement de 2,1 % peut paraître alléchant, lorsque celui d’une obligation allemande de 10 ans est de 0,62 %. Par ailleurs, une période de quelques mois pendant laquelle le pétrole est bon marché peut avoir un effet très stimulant pour l’économie. Si tel est le cas, notamment en Europe, cela permettrait une remontée des taux de leurs niveaux extrêmement bas», estime-t-il.

Cependant, le rendement des obligations gouvernementales est trop faible pour permettre au fonds d’atteindre son objectif ; celui-ci cible un rendement total net aux investisseurs (après tous les frais) de 6 % annuellement. Récemment, les ORÉ comptaient pour environ 52 % du portefeuille, et les obligations de première qualité, composées entièrement d’obligations de sociétés, pour 16 %. Les actions ordinaires comptaient pour 27 %, les actions privilégiées, pour 3 %, et l’encaisse, pour 2 %.

Cette pondération lui permet de dégager un revenu d’intérêt et de dividendes de 6,25 % avant les frais du fonds. Pour atteindre son objectif d’un rendement total de 6 %, il lui faut générer des gains de 2 % sur ses titres en tenant compte du ratio des frais de 2,3 %.

Difficile pour les ORÉ

«Dans un contexte où la qualité du crédit est très élevée, nous sommes à l’aise à l’idée de détenir des ORÉ et des actions ordinaires offrant un rendement en dividendes moyen de 3,5 %», assure-t-il.

Toutefois, le prix des ORÉ a reculé de près de 10 % depuis leur sommet de juin dernier, et leur rendement dépasse maintenant 7 %. La baisse du prix des ORÉ a suivi celle des prix du pétrole. C’est qu’environ 15 % des ORÉ sont émises par des sociétés pétrolières, par rapport à 5 % en 2005.

Or, les revenus de ces pétrolières vont pâtir, et certaines d’entre elles auront de la difficulté à respecter leurs engagements. Les ORÉ connaissent leur pire période depuis la crise financière de 2008.

«Les ORÉ du secteur de l’énergie ne comptent que pour 6 % de l’actif du fonds, mais pour la plupart, elles ne sont pas émises par des sociétés d’exploration et de production, directement exposées à la baisse du cours du pétrole. Les ORÉ connaissent des soubresauts, mais les données fondamentales solides des entreprises prévaudront», défend Terry Carr.

Ce dernier admet toutefois que si les économies de l’Europe et de l’Asie ne parviennent pas à redémarrer d’ici un an ou deux, celle des États-Unis finira par entrer en récession.

Il souligne que la duration de son portefeuille d’obligations n’est que de 3,5 ans, alors que celle de l’indice obligataire universel de rendement total FTSE TMX Canada (anciennement le DEX) est près de huit ans. Il se protège ainsi d’une hausse de taux d’intérêt. C’est que, à leurs niveaux si bas, une hausse des taux entraîne rapidement des pertes de capital.