«Je ne crois pas que nous devrions nous attendre à une très forte augmentation des taux réels dans les mois et les années à venir, vu l’état stagnant de l’économie mondiale. Dans ce type d’environnement, l’or a tendance à être influencé par les acheteurs majeurs», dit-elle.

Au cours des deux ou trois dernières années, les trois principaux acheteurs d’or ont été la Chine, l’Inde et les banques centrales, poursuit-elle : «L’an dernier, ces trois acheteurs ont totalisé 70 % de l’offre minière mondiale, et l’année précédente, ils en avaient accumulé 90 %. Une demande beaucoup plus forte de la part de pays asiatiques et un rôle beaucoup plus important des banques centrales constituent la nouvelle dynamique de la demande en or.»

Selon elle, la situation géopolitique instable et l’état très fragile de l’économie mondiale, où les politiques monétaires sont à la limite de leur capacité, militent en faveur de l’inclusion d’actifs réels dans un portefeuille.

«Occasions phénoménales»

Ani Markova croit que les gouvernements vont continuer d’imprimer de la monnaie pour stimuler leur économie. Aujourd’hui, c’est le Japon et l’Europe qui utilisent cette approche.

Depuis, l’or est en hausse en yen et en euro. «L’or a fait ce qu’il doit faire : être une mesure de ce que valent les choses», fait-elle remarquer.

«Une fois que l’on saisit les données fondamentales de cette industrie, on peut voir qu’elle offre des occasions phénoménales. L’or n’a pas la même élasticité que les monnaies de papier. Il est difficile à trouver, très difficile à extraire et il s’écoule beaucoup de temps avant qu’une mine atteigne le stade de la production. La production d’or a probablement atteint son pic cette année», note-t-elle.

Au cours des trois dernières années, les sociétés ont cessé d’explorer de façon intensive et donc, dans quelques années, l’offre diminuera alors que les réserves des entreprises s’amenuiseront, d’après Ani Markova : «L’an dernier, les réserves équivalaient à environ 12 ans d’exploitation et on s’attend à ce qu’elles s’établissent à 10 ans cette année. Au fil du temps, la rareté de l’or fera que sa valeur s’établira davantage en fonction de l’offre et de la demande qu’en fonction de son rôle de devise».

Ani Markova souligne qu’entre-temps, le fossé d’évaluation entre les titres aurifères et ceux qui composent l’indice S & P 500 n’a jamais été aussi grand et qu’un investisseur rationnel ne peut que s’y intéresser.

Toutefois, elle reconnaît que le prix de l’or doit se maintenir aux environs de 1 200 $ US pour justifier d’investir, et elle prévoit que l’or oscillera entre 1 200 $ US et 1 400 $ US au cours des 12 à 24 prochains mois. «Si vous pensez que le prix va tomber à 1 000 $ US, aucune de ces entreprises ne sera rentable et leurs cours vont baisser», reconnaît-elle.

Retour de la demande indienne

«Nous croyons que la dynamique baissière du prix de l’or tire à sa fin», explique Kevin Maclean, gestionnaire principal du Fonds de croissance de métaux précieux Sentry.

Selon lui, d’un point de vue macroéconomique, le principal facteur qui soutient le prix de l’or est le retour de la demande en Inde à environ 80 tonnes par mois, maintenant que les restrictions à l’importation imposées en août 2013 ont été levées et que l’impact des taxes est résorbé.

«Ces restrictions ont eu un impact majeur sur le prix de l’or au moment même où la poussée des marchés boursiers et obligataires rendait l’attrait de l’or inintéressant comme protection contre le risque», ajoute-t-il.

Kevin Maclean soutient que l’Inde importe entre le quart et le tiers de l’offre mondiale d’or. Un autre facteur est que la Chine est aussi devenue une importante acheteuse d’or. Il est convaincu que la consommation par habitant de l’or en Asie n’a pas fini d’augmenter.

«Nous n’avons pas besoin de la consommation des pays occidentaux pour que l’or performe bien. La croissance de la consommation en Asie est bien suffisante, sans compter le maigre succès des programmes d’exploration des dernières années. La production devrait commencer à diminuer cette année, et ce, pour plusieurs années. Le prix de l’or devra augmenter pour que l’on recommence à trouver de nouveaux gisements», prévoit-il.

Acheter à un creux

Kevin Maclean pense que les investisseurs comprennent donc qu’il n’y a plus de raisons pour que l’or recule et qu’il serait judicieux d’acheter un actif cyclique à son creux. C’est pourquoi ils ont commencé à accumuler les titres aurifères, ce qui modère l’amplitude de leurs baisses en Bourse lorsqu’elles se produisent.

Le gestionnaire juge que la qualité de son portefeuille aujourd’hui est supérieure à ce qu’elle était à la fin de décembre 2013, même si le prix de l’or est demeuré sensiblement le même. C’est que les marges d’exploitation des sociétés aurifères se sont redressées. Les coûts des producteurs canadiens sont en baisse en raison de la baisse du coût des intrants, qui résulte de la diminution de l’exploration.

Kevin Maclean est à l’aise avec des titres se négociant entre 1,1 et 1,2 fois la valeur de l’actif net (VAN), car il ne veut pas acheter des titres dans l’espoir que le prix de l’or monte.

«Nous ciblons des entreprises qui peuvent créer de la richesse, d’abord et avant tout par leur capacité à remplacer leurs réserves et, mieux encore, les remplacer par des réserves à plus forte teneur, afin de produire plus d’or à plus bas coût», résume-t-il.

Kevin Maclean souligne que le prix de l’or n’est faible qu’en dollar américain, car il a augmenté par rapport aux autres devises au cours des 18 derniers mois. Ainsi, l’or se négociait récemment à 1600 $ l’once, niveau où il se situait en mars 2013. L’or en euro a bondi de 23 % entre le 6 novembre 2014 et le 22 janvier 2015, et il a grimpé de 11,6 % pour l’année terminée le 27 février dernier.

Risque de correction

Les titres aurifères pourraient subir encore une plus forte correction à court terme pour s’ajuster à la correction du métal jaune, selon Frank Zwarts, cogestionnaire du Fonds métaux précieux BN, ce qui crée des occasions d’achat.

Il juge que le prix plancher de l’or oscille autour de 1 200 $ US : «Il peut descendre à 1 150 $ US, voire 1 100 $ US, mais il n’y restera pas longtemps. Je ne vois pas beaucoup d’entreprises en difficulté alors que l’once d’or est à 1 200 $ US, mais leur rentabilité est dans l’ensemble marginale», concède-t-il.

Plusieurs facteurs influencent le prix de l’or et il est difficile de départager ceux qui ont le plus d’influence durant une période précise, d’autant plus que certains ont un effet positif au moment où d’autres ont un effet négatif.

«Ce qui est important une semaine peut ne pas l’être une semaine plus tard. Cette fois-ci, le fait que certains gestionnaires ont liquidé les titres énergétiques et ont redéployé le produit dans des titres aurifères a joué un rôle non négligeable dans leur rapide ascension entre le début de novembre 2014 et la fin de janvier cette année», croit Frank Zwarts.

Il y a quatre ou cinq ans, les titres aurifères se négociaient entre deux fois et deux fois et demie la valeur nette de l’actif (net asset value ou NAV) et 15 fois les flux de trésorerie (cash flow), alors qu’aujourd’hui, ils se négocient entre une fois et une fois et demie la valeur nette de l’actif et cinq à huit fois les flux de trésorerie.

Importante recherche

«Les entreprises ont promis plus qu’elles n’ont livré, et les investisseurs ne veulent plus payer pour une croissance qui n’est pas au rendez-vous. Mon expérience m’a permis d’apprendre que des sociétés de qualité se négocient toujours à des multiples élevés, alors que d’autres qui ont davantage de problèmes opérationnels se verront accoler des multiples beaucoup plus bas. J’ai trop vu de sociétés affichant de bas multiples générer constamment des rendements inférieurs, parce qu’elles rencontraient problème sur problème, échec sur échec», relate Frank Zwarts.

Même si les neuf principaux titres qui composent le portefeuille sont des titres seniors, Frank Zwarts dit consacrer plus de temps à étudier des sociétés connues, mais moins bien suivies par le marché. Il affirme que ces sociétés, dont la capitalisation oscille entre 600 M$ et 1,4 G$, détiennent de très bons actifs, qu’elles sont bien dirigées et qu’elles offrent un bon potentiel de croissance. Semafo en est un exemple.