«Si les taux d’intérêt augmentent, tous les titres à dividendes baisseront probablement, quelles que soient leurs évaluations. Si une hausse du taux directeur de la Fed survenait en septembre et que les titres sensibles à une hausse de taux baissaient, cela présenterait une excellente occasion d’achat, eu égard à la croissance modeste des économies américaine et canadienne par rapport à leur norme historique», affirme Hovig Moushian, gestionnaire principal de la Catégorie Mackenzie Dividendes toutes capitalisations.

Croissance lente

En effet, cette croissance modeste empêchera la Fed de décréter des hausses successives rapides de son taux directeur, comme elle l’a fait dans des cycles passés.

Hovig Moushian anticipe que la dynamique fondamentale qui se dessine dans l’économie américaine ne sera pas compromise par une hausse de taux et, puisque le Canada est le plus important partenaire commercial des États-Unis, le marché canadien emboîtera le pas au marché américain et continuera de progresser, mais à un rythme plus lent.

Hovig Moushian juge que les évaluations actuelles sont en moyenne près de leur juste valeur marchande, voire légèrement supérieures dans certains secteurs boursiers.

«Ce n’est pas comme si un secteur était très bon marché et les autres chers», reconnaît-il.

FPI attrayantes

Parmi les titres qui offrent un dividende élevé et affichent une faible croissance de leurs bénéfices, ceux des fiducies de placement immobilier (FPI) lui paraissent avoir suffisamment reculé depuis leur niveau de la fin de janvier pour offrir un point d’entrée attrayant.

«Les FPI sont devenues meilleur marché par rapport aux autres secteurs au Canada», dit Hovig Moushian.

Selon lui, leurs coûts de financement sont très bas et leurs évaluations actuelles incorporent déjà les attentes de hausses du taux des obligations de 10 ans.

«Si ces titres reculent davantage après une hausse du taux directeur de la Fed, ils seront encore plus attrayants», dit Hovig Moushian, qui admet qu’une hausse rapide de leurs coûts de financement nuirait aux FPI.

Un ancien de l’équipe de Saxon dirigée par Robert Tattersall et Richard Howson, Hovig Moushian construit des portefeuilles où il y a peu d’écart entre la pondération individuelle des titres en portefeuille, qui oscille généralement autour de 2,5 %. Un des principaux objectifs du fonds est toutefois de maintenir une participation dans tous les secteurs boursiers.

Pour y parvenir, le fonds détient environ le tiers de son actif en titres américains, notamment dans les secteurs de la santé et de la technologie, peu représentés au Canada. Ces deux secteurs comptent pour 7,7 % et 4,6 % du fonds, respectivement. Et il élargit l’univers habituel des titres à dividendes.

Ainsi, seulement 54,5 % des titres du fonds ont une capitalisation boursière supérieure à 7,5 G$, par rapport à 80,6 % dans l’indice de dividendes composé S&P/TSX. De sorte que la capitalisation boursière pondérée moyenne du fonds est de 23,3 G$, par rapport à 38 G$ pour l’indice.

Beaucoup de titres chers

«Pour ce qui est des actions à revenu, je n’investirais certainement pas dans un fonds négocié en Bourse (FNB) de dividende, souvent dominé par les titres bancaires», affirme Brandon Snow, gestionnaire principal du Fonds canadien de dividendes Cambridge.

D’après lui, sous l’angle risque/rendement, ces titres ont actuellement un potentiel limité de hausse à ce stade-ci du cycle économique.

«Par contre, quand on constate les bouleversements récents de l’économie canadienne et le niveau de la dette des consommateurs, il y a un risque à la baisse important pour les bénéfices des banques», poursuit le portefeuilliste.

C’est pourquoi l’actif de ce fonds n’était composé qu’à 21,4 % de titres financiers au 30 juin (par rapport à 36 % pour l’indice composé S&P/TSX), et aucun d’entre eux n’était des titres de banques.

Rares aubaines

Brandon Snow juge que les actions à revenu de plusieurs secteurs sont également chères.

«Au cours des dernières années, les multiples des entreprises qui affichent un rendement de dividende élevé ont graduellement atteint des niveaux qui nous paraissent franchement élevés et qui ne sont tout simplement pas justifiés par les risques qu’elles encourent dans leurs activités. On en retrouve parmi les entreprises de services publics, de télécommunications et les fiducies de placement immobilier (FPI)», précise Brandon Snow.

Il ajoute que plusieurs d’entre elles ont accru leur endettement et augmenté le pourcentage des bénéfices qu’elles versent en dividendes.

«En haussant le rendement en dividende, leur but était de se voir accorder un multiple plus élevé. Maintenant qu’elles y sont parvenues, elles n’ont plus de marge d’erreur et leurs titres sont vulnérables, bien qu’ils soient perçus comme sûrs par le marché», soutient-il.

Brandon Snow cite l’exemple de la société de télécommunications BCE, qui oeuvre dans un secteur qui exige des quantités énormes de capitaux. Le titre se négocie à 16 fois les bénéfices prévus, un multiple qu’il juge élevé eu égard à la croissance que BCE génère.

«Je ne crois pas que le dividende soit en danger, mais le multiple pourrait fondre à 12 fois les bénéfices et le titre baisser de 25 % si les investisseurs se désintéressaient des titres à dividende élevé, en raison d’une hausse des taux d’intérêt des obligations par exemple», prévient-il.

Viser le potentiel de croissance

C’est pourquoi il préfère des sociétés qui affichent un rendement de dividende plus faible, mais dont le dividende peut croître. C’est encore mieux lorsqu’elles rachètent leurs actions.

Le rendement en dividende du portefeuille était de 2,96 % au 30 juin. Tous les titres en portefeuille versent un dividende, mais il n’y a pas de rendement minimum exigé. «Le dividende n’est pas la source principale de rendement de ce fonds», précise Brandon Snow.

À 13,3 %, l’encaisse est un peu élevée, reflétant la liquidation de certains titres qui ont connu une bonne performance et la difficulté de trouver de nouveaux titres se négociant à des cours attrayants, en particulier au Canada, reconnaît Brandon Snow. La pondération en titres canadiens compte pour 64 % du portefeuille, et la pondération en actions américaines, pour 22,5 %.

Biais favorable aux banques

En raison d’une pondération de 53 % dans le secteur des services financiers, il est facile de qualifier le Fonds de croissance de dividendes TD de sectoriel.

«Tout ce que nous essayons de faire dans ce fonds est d’acheter un flux de revenus qui croît au fil du temps. Le prix de ce flux de revenus devrait croître aussi. On peut considérer que notre fonds est sectoriel, mais le fait est que les titres du secteur des services financiers canadiens se sont avérés de bons placements à détenir sur plusieurs années, selon les contrôles ex post (back-testing) que nous avons effectués. Même des titres moins performants comme ceux de la CIBC et de la BMO ont affiché une meilleure performance que l’indice composé S&P/TSX», répond Doug Warwick, cogestionnaire du fonds avec Michael Lough, qui précise ne pas trop varier la pondération des secteurs dans le fonds.

Doug Warwick admet que le recul de 5,4 % (sans tenir compte des dividendes) des titres bancaires au 1er semestre, alors que l’indice composé S&P/TSX a progressé de 0,38 %, ne milite pas en faveur de cette approche.

«Cependant, lorsque je compare le rendement de dividende des banques à celui des obligations fédérales de 10 ans, je me dis que les banques devraient augmenter leurs dividendes à nouveau cette année, et je peux les acheter pour 5 % de moins aujourd’hui.»

Doug Warwick rappelle que les multiples des bénéfices prévus oscillent entre 10 et 10,6, ce qui se situe dans les limites inférieures de leurs fourchettes d’évaluation historique.

De plus, le rendement sur l’avoir des banques continue d’être élevé, variant entre 13 % et 19 %.

«Donc, même si la croissance des bénéfices est plus lente, et en dépit des marges d’intérêt compressées, les banques continuent de générer beaucoup de liquidités, même avec les normes de capitaux propres plus élevés en vigueur», souligne-t-il.

Comme la pondération en actions

Doug Warwick ajoute que si le secteur bancaire n’est pas anticyclique, il est moins cyclique que plusieurs autres.

Il soutient que les banques d’aujourd’hui sont très différentes de celles d’il y a 30 ans, puisqu’elles ont consolidé une bonne partie de l’activité financière au Canada.

Les banques d’alors étaient plus exposées au défaut de paiement des prêts accordés aux entreprises lors d’une récession. Les prêts aux consommateurs, les frais de gestion d’actif et les prêts hypothécaires diversifient les sources de revenus des banques. Le multiple accordé aux banques ne reflète pas tous ces changements, affirme-t-il.

Sur la question des prêts hypothécaires, Doug Warwick est conscient du fait que plusieurs fonds de couverture (hedge funds) vendent à découvert les titres bancaires ; ces fonds font un rapprochement entre le marché immobilier en surchauffe aux États-Unis qui a mené à la crise de 2008 et le marché immobilier canadien.

«Or, environ 600 G$ en prêts hypothécaires au Canada sont assurés par la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) et offrent une garantie gouvernementale. Pour le reste des prêts non assurés, soit environ 400 G$, il faut désormais une mise de fonds de 20 % au comptant», rappelle-t-il.

Doug Warwick concède toutefois que son fonds ne peut constituer à lui seul la pondération en actions d’un portefeuille.