Il semble que les organismes de réglementation comptent se pencher sur la question à savoir s’il faut bannir les commissions de suivi des fonds communs de placement comme l’ont fait l’Australie et le Royaume-Uni il y a deux ans. Mon opinion est qu’elles ne devraient pas l’être sans que les organismes de réglementation ne déterminent d’abord toutes les conséquences prévues et imprévues de les interdire, et si cela serait vraiment dans l’intérêt du public à long terme.

Il y a environ deux semaines les Autorités canadiennes en valeurs mobilières ont publié les résultats d’une étude qu’elles avaient commandée, qui révélaient que les vendeurs de fonds communs de placement sont plus influencés par les commissions qu’ils reçoivent des compagnies de fonds que par le rendement des fonds, et cela au détriment des investisseurs.

En particulier, l’étude réalisée par Douglas Cumming, Professeur à la Schulich School of Business, et les co-auteurs Sofia Johan et Yelin Zhang portait sur l’impact des commissions de suivi. Il s’agit de commissions payées par les compagnies de fonds communs aux maisons de courtage. Elles peuvent représenter jusqu’à 1 % des actifs qu’une maison de courtage a sous sa gestion pour une compagnie de fonds spécifique. Le courtier verse une portion aux vendeurs selon la valeur des actifs de cette compagnie de fonds dans le compte des clients du conseiller.

Les commissions de suivi, ainsi que les frais différés au rachat, ont fait leur apparition au milieu des années 80 en réponse aux plaintes des courtiers et conseillers qui voulaient des produits qui puissent rivaliser avec les fonds sans frais d’acquisition. Il en résulte que les frais de gestion — les frais que les investisseurs paient aux compagnies de gestion de fonds — sont plus élevés qu’ils ne le seraient s’ils n’avaient pas à prendre en compte les commissions de suivi.

Les discussions sur les conflits d’intérêt au sujet des commissions de suivi et la façon de les traiter font rage depuis la création des commissions de suivi. Le conflit d’intérêt réside dans le fait que les commissions de suivi encouragent les conseillers à faire en sorte que leurs clients gardent leurs fonds malgré leur piètre performance, parce qu’ainsi les conseillers continuent quand même à être payés. D’un autre côté, on peut invoquer l’argument que les commissions de suivi encouragent les conseillers à échanger les fonds de leurs clients pour d’autres fonds aux meilleurs rendements, puisque de meilleurs rendements signifient plus d’actifs sur lesquels on peut prélever des commissions.

Dans son rapport publié en 1995, Regulatory Strategies for the Mid-’90s: Recommendations For Regulating Investment Funds In Canada, l’avocate en valeurs mobilières Glorianne Stromberg a considéré recommander l’interdiction des commissions de suivi mais ne l’a pas fait.

Elle a écrit : « Un partie de ma réticence à simplement recommander l’interdiction des commissions de suivi ou des frais de services est due à la préoccupation exprimée par les participants de l’industrie que l’interdiction de ces frais ne ferait qu’encourager les représentants à augmenter les transactions aux seins des comptes de leurs clients ou d’abandonner les clients une fois la vente initiale conclue. On craint que même en améliorant les procédures de surveillance et les contrôles, il ne soit pas réaliste de penser que les mesures seront suffisantes pour empêcher les transferts entre les comptes et le gonflement des transactions dans le compte. »

Il est apparent ou au moins perçu comme apparent que dans un environnement sans commission de suivi, il est probable que les petits investisseurs ne reçoivent pas le moindre service. Un bon exemple serait le cas d’un particulier investissant 50 000 $ avec un conseiller en fonds communs de placement dans des fonds d’actions. La commission de suivi sur ce montant serait de 1 % soit 500 $, dont le vendeur en recevrait environ la moitié selon son entente avec le courtier.

Quel genre de service un client avec un compte de 50 000 $ recevrait-il? J’ai vu certaines situations où le niveau de service était déplorable et d’autres où il était formidable (principalement parce que le compte promettait de croître ou parce qu’il faisait partie des comptes d’une famille nantie). Mais ce que j’ai vu peut ne pas être représentatif de l’industrie.

Je recommande que les organismes de réglementation provinciaux et territoriaux, en coopération avec l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels, embauchent des chercheurs pour interviewer un grand nombre d’investisseurs dans les fonds communs pour déterminer quel niveau de service, le cas échéant, ils reçoivent de leurs conseillers en échange de leurs commissions de suivi. Cela signifierait examiner les services spécifiques que les courtiers fournissent à leurs clients sur une base continue pour le service et les commissions de suivi qu’on leur verse et rattacher ces services à la valeur en dollars de ces commissions de suivi.

Les organismes de réglementation devraient aussi examiner les cas de l’Australie et du Royaume-Uni pour voir si les petits investisseurs ont été abandonnés par leurs conseillers.

De plus, ils devraient examiner les ententes que les courtiers à escompte ont avec les compagnies de gestion des fonds. Je soupçonne qu’ils trouveront que si les compagnies de fonds ne paient pas de commissions de suivi aux courtiers à escompte, ces courtiers ne vendront pas les fonds. Je soupçonne aussi que les organismes de réglementation voudront considérer une interdiction des commissions de suivi payables aux courtiers à escompte qui n’offrent pas de conseils.

De plus, de nombreux conseillers se considèrent comme des gens d’affaires indépendants dont la valeur de leur entreprise est basée surtout sur les commissions de suivi que génèrent leurs comptes chaque année. Les organismes de réglementation devraient déterminer quel impact aurait l’interdiction des commissions de suivi sur la valeur comptable des entreprises et aussi sur la capacité de l’industrie à attirer les personnes jeunes pour remplacer ceux qui prennent leur retraite.