Ça fait des années que l’on parle d’un organisme national réglementant les valeurs mobilières. Je me rappelle avoir écrit plusieurs articles à ce sujet dans le Financial Times of Canada au milieu des années 70. De nos jours, les règlements sont relativement uniformisés au niveau national par des associations professionnelles comme l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM) et l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (ACCFM).

Steven G. Kelman est Président de Steven G. Kelman & Associates Limited. Sa firme offre des publications spécialisées et un service de formation pour l’industrie des fonds communs de placement. M. Kelman est l’auteur de plusieurs livres sur la finance personnelle, incluant REER et autres stratégies de retraite et Stratégies de fonds mutuels. Il a siégé sur de nombreux comités dans l’industrie des services financiers et il est l’auteur ou le co-auteur de plusieurs cours offerts par l’Institut des fonds d’investissement du Canada, incluant les cours d’éducation continue Conduite et comportement éthique et Fonds d’investissement des travailleurs. Il est titulaire d’un B.Sc. de l’Université McMaster, d’un MBA de l’Université York et détient le titre d’Analyste financier agréé (CFA).

De plus, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières, organisme constitué de représentants des 10 provinces et trois territoires, ont au fil des années introduit plusieurs textes de loi dans des secteurs comme les inscriptions des courtiers et des conseillers, les dispenses et les prospectus.

Il y a encore certains segments du monde des placements où règne la loi de la jungle. Vient à l’esprit le segment des titres dispensés de prospectus, où chaque province établit ses propres normes régionales, et dont j’ai parlé plusieurs fois. Néanmoins, les conseillers accrédités par l’OCRCVM et l’ACCFM ont des règles spécifiques à suivre avant de pouvoir vendre un titre dispensé donné.

Les dernières manifestations du mouvement en faveur d’une autorité nationale de réglementation des valeurs mobilières sont le Protocole d’accord concernant le régime coopératif de réglementation des marchés des capitaux , la Loi proposée sur les marchés des capitaux provinciaux (Provincial Capital Markets Act )et la Loi proposée sur la stabilité des marchés des capitaux.

Chaque individu évoluant dans le domaine des placements devrait lire intégralement les documents du projet de consultation et tous les commentaires que les cabinets juridiques ont publiés et continueront à publier. La législation proposée change les règles du jeu et fera augmenter les coûts de conformité — de même, à l’inverse, que les coûts de non-conformité. De plus, elle prévoit tout un ensemble de pénalités pouvant aller, selon la gravité de la transgression, jusqu’à 25 millions $ d’amende pour les sociétés et 14 ans d’emprisonnement. Les pénalités maximales sont énormes par rapport aux maximas actuels prévus par les lois sur les valeurs mobilières consignées dans la législation des provinces ayant adhéré au nouveau régime.

Les instances qui soutiennent le concept sont la Colombie-Britannique, le Nouveau-Brunswick, l’Ontario, l’Île-du-Prince-Édouard, la Saskatchewan et le gouvernement fédéral. Le site Web du régime coopératif en matière de réglementation des marchés des capitaux dit que cette initiative « protégera mieux les investisseurs, renforcera le secteur des services financiers canadiens, appuiera des marchés des capitaux efficients et resserrera la gestion du risque systémique ».

Cela sera peut-être le cas, mais ce qui est sûr, c’est que de nombreuses parties prenantes de l’industrie et d’autres entités inquiètes de la délégation de pouvoirs aux bureaucrates et aux tribunaux et du châtiment potentiel qu’elles encourent auront beaucoup à dire sur la proposition. Et puis deux provinces clés, l’Alberta et le Québec, n’appuient pas ces initiatives, et donc, même si les propositions sont adoptées, nous n’aurons toujours pas un régime vraiment national.

Les règlements pressentis pour remplacer ceux des provinces participantes devraient être publiés et soumis aux commentaires des parties prenantes le 19 décembre 2014. Les parties qui poussent à l’adoption du nouveau régime s’attendent à ce que la Loi sur les marchés des capitaux provinciaux et la Loi sur la stabilité des marchés des capitaux soient mises en application d’ici la fin du mois de juin prochain.

Sous le nouveau régime, le gouvernement fédéral aura la responsabilité de s’attaquer au risque systémique, que la loi proposée définit comme « une menace à la stabilité ou à l’intégrité du système financier canadien qui émane des marchés des capitaux, est propagée par leur entremise ou les entrave et qui est susceptible d’avoir des conséquences négatives sur l’économie canadienne ». Un objectif essentiel est de « protéger ces marchés contre les crimes financiers. »

Les participants de l’industrie des valeurs mobilières qui connaissent les diverses lois provinciales trouveront la Loi sur la stabilité des marchés des capitaux assez terrifiante de par les pouvoirs qu’elle confère.

Un exemple typique est celui du droit d’entrée. Le document déclare que, « dans le cadre de l’examen (…) des affaires et du comportement de tout système de négociation, de toute chambre de compensation, de tout organisme de notation ou de tout intermédiaire qui sont d’importance systémique ou de tout répertoire des opérations désigné, (une) personne désignée peut entrer dans tout lieu dont elle a des motifs raisonnables de croire que s’y trouve toute chose utile à l’examen, et (…) examiner toute chose se trouvant dans le lieu ». Pour peu qu’on soit cynique, on pourrait ironiser que pour entrer dans des locaux commerciaux il faudrait se procurer un permis de pêche provincial et attraper ainsi au lancer « toute chose se trouvant dans le lieu ». De mon point de vue, je préfère laisser à un agent de la réglementation le soin de convaincre un juge de l’opportunité d’accorder un mandat de perquisition pour un local commercial, comme le prévoit la Loi ontarienne actuelle sur les valeurs mobilières. Par ailleurs, je n’ai pas non plus trouvé, à quelque endroit que ce soit du texte de loi proposé, le mot « appel ».

Tous ceux qui sont soucieux du respect de la vie privée devraient trouver déconcertante la déclaration suivante relative à la divulgation d’informations personnelles : « Tout système de négociation, chambre de compensation, organisme de notation, intermédiaire, répertoire des opérations, organisme d’autoréglementation, agence réglementant le secteur financier, organisme de réglementation, autorité administrative ou autre personne peut communiquer à l’Autorité des renseignements personnels, s’il le fait pour l’exécution de la présente loi, ou pour appuyer l’exécution de la législation en matière financière ou de marchés des capitaux, au Canada ou à l’étranger. »