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Les récents changements à la direction de Valeurs mobilières Desjardins (VMD) sèment de nouveau de l’incertitude chez les conseillers de VMD.

Le 23 octobre, Luc Papineau a annoncé son « départ à la retraite » dans une communication interne, confirme le Mouvement Desjardins, dans un courriel. La nouvelle a surpris bon nombre de conseillers et membres de l’organisation qui « ne l’avaient pas vu venir », selon une source de l’industrie financière.

Apprécié par ses collègues et respecté des conseillers, Luc Papineau était un « super ambassadeur pour VMD », d’après une deuxième source. « C’est malheureux de perdre un talent comme cela. Luc avait beaucoup d’expérience dans l’industrie », ajoute cette source. Selon une troisième source, il était aussi un excellent patron.

Son départ définitif de la direction de VMD se ferait toutefois « d’ici quelques mois » dans le but de faciliter le transfert de ses responsabilités à Marjorie Minet qui lui succédera, selon une source.

« Je vous confirme la nomination de Marjorie Minet à titre de vice-présidente Service-conseil en Gestion de patrimoine », écrit Chantal Corbeil, porte-parole, Relations publiques, Mouvement Desjardins, dans un courriel. Marjorie Minet était jusqu’à tout récemment directrice principale, administration des affaires, courtage et gestion privée, Mouvement Desjardins.

« Marjorie Minet est bien perçue. Elle sait ce qu’elle fait. Elle va faire une bonne vice-présidente de VMD », dit une source de l’industrie.

La période de transfert des responsabilités devrait aider Marjorie Minet car, chez VMD « l’ambiance n’est pas bonne », dit cette source. « Comme elle est organisée, je ne suis pas inquiète pour elle [Marjorie Minet] », poursuit-elle. « C’est une personne de très grande qualité », dit une autre source.

De « ennemi » à « grand patron »

Cette ambiance difficile découle notamment d’une restructuration qui perdure au Mouvement Desjardins et qui touche notamment VMD. Déjà, en avril 2018, Vincent Hogue devait quitter son poste de premier vice-président et chef des services aux particuliers de Desjardins Gestion de patrimoine. Luc Papineau l’a remplacé pour une partie de ces fonctions.

Au début de 2019, Éric Lachaîne, premier vice-président Réseau des caisses et Services aux membres et clients, du Mouvement Desjardins, aurait causé la surprise en annonçant une forte diminution des recommandations à VMD en provenance du réseau qu’il dirige, comme l’annonçait Finance et Investissement.

À ce moment, une source de l’industrie estimait que le Mouvement Desjardins se dirigerait, comme d’autres institutions financières, vers la mise en place de services financiers offerts par des conseillers salariés. Les marges bénéficiaires de ces derniers services seraient généralement plus élevées par rapport aux marges bénéficiaires des divisions de courtage de plein exercice.

En 2016, VMD avait accru la rémunération de recommandation qu’elle remet aux caisses, car celles-ci s’en seraient plaintes. En conséquence, la rémunération des conseillers en placement de VMD a ainsi été réduite.

« Le niveau de référencement qu’il y avait chez VMD était beaucoup plus élevé que dans d’autres grandes banques canadiennes. Ce qui est en train d’être fait, c’est de rétablir l’équilibre et de s’assurer que les services de gestion privée et le Service Signature et le courtage aient chacun leur juste part. Il y avait peut-être un déséquilibre dans le passé. Il y a un réajustement qui est fait. C’est comme n’importe quel changement, ça crée peut-être un peu de remous », déclarait Luc Papineau, en mars dernier.

Il reste que cette annonce a créé de l’incertitude, selon les commentaires recueillis anonymement auprès des conseillers en placement interrogés dans le cadre du Top 8 des courtiers québécois de 2019. « Il y a une culture de changement en ce moment. On ne sait pas où on s’en va. Il y a de l’inquiétude », énonçait un conseiller.

Certains conseillers montraient alors du doigt l’état, conflictuel à leurs yeux, des relations avec le réseau des caisses. « On est en train d’adopter la culture de Desjardins. On n’a plus notre âme chez Valeurs mobilières Desjardins », disait un conseiller. « Il y a du changement et la direction n’a pas d’intérêt à développer activement VMD. Nos pires compétiteurs sont à l’intérieur de la firme, ce qui rend notre travail délicat », affirmait un autre.

Éric Lachaîne était alors « un peu perçu comme un ennemi » des conseillers en placement, d’après une source.

La restructuration s’est poursuivie. À la fin de septembre, Gregory Chrispin, qui assumait le rôle de premier vice-président Gestion de patrimoine et Assurance de personnes depuis plus de trois ans, quittait ses fonctions. Denis Dubois lui a succédé dans ces fonctions. La semaine dernière, c’était au tour de Luc Papineau de « prendre sa retraite ».

Selon une source, Éric Lachaîne serait devenu le premier vice-président qui gère maintenant VMD. Il n’a pas été possible de discuter de cette situation avec la porte-parole Chantal Corbeil avant de publier ce texte. Finance et Investissement n’a pu rejoindre Luc Papineau avant de mettre en ligne.

« C’est clairement le Service Signature Desjardins qui prend du galon », affirme une source. Le Service Signature Desjardins (SSD) vise les clients qui ont des actifs de 250 000 $ ou plus à investir en leur offrant une panoplie de services financiers, allant des valeurs mobilières, à l’assurance de personnes en passant par les prêts hypothécaire et l’assurance de dommage.

SSD permet aux directeurs des caisses de garder dans leurs caisses certains clients qu’ils auraient référés à VMD à une autre époque, selon une source. Beaucoup de conseillers ont bénéficié de ces recommandations au fil des ans si bien que plusieurs auraient une part importante de leur bloc d’affaire de clients codés comme recommandés. De plus, dans certaines régions, l’omniprésence du Mouvement Desjardins ferait en sorte que la vaste majorité des clients sont recommandés.

Au Mouvement Desjardins, un client recommandé du réseau des caisses ne cesse jamais de l’être contrairement à ce qu’on voit chez d’autres courtiers de plein exercice. Cette liaison perpétuelle a créé au fil du temps des tensions entre le réseau des caisses et celui des conseillers de VMD. Le départ de Luc Papineau et le vent de changement au Mouvement Desjardins ne fait qu’accentuer les craintes.

« Les conseillers n’ont pas besoin d’inquiétude comme cela. Ils doivent se soucier des clients, des mouvements des marchés financiers. Il ne faut pas qu’ils perdent le focus sur ce qui se passe en raison de trop de politique », estime une source.

SSD rachèterait des blocs d’affaires

Selon deux sources, SSD serait prête à racheter les blocs d’affaire de certains conseillers en placement afin qu’ils deviennent des salariés, à l’emploi de caisses. « C’est un gros changement. Plusieurs conseillers vont accepter cette offre-là parce qu’ils n’ont pas le choix », dit une source.

Les conseillers ayant les blocs d’affaires les moins importants pourraient s’en tirer à bon compte, selon cette source. D’autres conseillers ayant des blocs d’affaires plus importants seraient frustrés par cette situation, poursuit-elle.

Une chose semble certaine : la turbulence des derniers mois chez VMD risque d’accentuer les opérations de maraudage de la part de ses concurrents de VMD. Dans l’industrie du courtage de plein exercice, il est commun qu’un conseiller ayant un gros bloc d’affaires soit courtisé par des courtiers concurrents, ces derniers souhaitant croître par l’acquisition de nouveaux talents.

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