Cet écart a varié entre 500 et 726 points de base au cours des 52 dernières semaines. Il s’est élargi de son creux en juin 2014 à son sommet en décembre 2014, en raison de la déconfiture des ORÉ de sociétés pétrolières actives dans l’extraction de gisements de pétrole de schiste aux États-Unis.

L’écart a reculé depuis et s’établissait récemment à 491 points de base, ce qui est égal à sa moyenne à long terme de 492 points de base, si l’on remonte jusqu’en 1980. Il avait atteint un sommet de 2 145 points de base le 15 décembre 2008, au coeur de la crise financière. Immanquablement, l’écart s’élargira de nouveau lors de la prochaine récession.

L’indice Barclay Capital U.S. High Yield, couvert en dollars canadiens, n’a dégagé qu’un rendement total de 2,1 % pour la période de 12 mois terminée le 31 mai 2015, le rendement de coupon compensant modestement la baisse du prix des ORÉ.

Impact limité à prévoir

«Aujourd’hui, il est difficile d’affirmer catégoriquement qu’il y a de la valeur dans les obligations. Disons que pour les 6 à 12 prochains mois, le danger est faible que le rendement des OTA de 10 ans explose à la hausse et que les obligations perdent de la valeur», explique James Dutkiewicz, stratège en chef des placements de Sentry et gestionnaire principal du Fonds d’obligations tactique Sentry.

Ces OTA sont, en gros, à leur juste valeur et leur rendement devrait osciller dans une fourchette allant de 2 à 2,5 %, ajoute-t-il. «La Réserve fédérale américaine [la Fed] veut commencer à augmenter ses taux à l’automne, mais l’économie a été faible au premier trimestre et l’activité économique n’est pas assez soutenue pour justifier un resserrement important», précise James Dutkiewicz.

Il compare l’économie américaine à une voiture roulant avec le frein d’urgence activé : elle veut avancer, mais, après deux trimestres de bonne croissance, quelque chose se produit et elle ne peut passer de la troisième à la quatrième vitesse, et régresse quelquefois en deuxième.

C’est pourquoi, même s’il est d’avis que la Fed va augmenter les taux à l’automne, elle le fera très prudemment. Il s’attend à une ou deux modestes augmentations de taux au cours de la prochaine année.

«Le risque est plutôt qu’elle décide de ne pas les augmenter. Par conséquent, le rendement des OTA de 10 ans ne devrait pas augmenter sensiblement, ce qui veut dire que l’impact sur le rendement des ORÉ devrait être relativement limité», soumet-il.

«La courbe actuelle des taux d’intérêt jusqu’à 10 ans ne tient pas compte du resserrement des taux que la Fed anticipe faire. Cela veut-il dire que le marché obligataire a tort et que la Fed a raison ? Pas nécessairement. Cela veut dire que si la Fed obtient la croissance supérieure à la tendance qu’elle souhaite, le marché obligataire est probablement coûteux et que, par conséquent, les ORÉ aussi sont probablement coûteuses. Le risque pour les ORÉ est que le rendement des OTA augmente», raisonne-t-il.

James Dutkiewicz trouve que le rendement actuel des ORÉ est bas, parce que celui des OTA est bas. Il place ce rendement absolu à 8 sur une échelle de 1 à 10, 10 indiquant qu’elles sont très chères. Quant à leur évaluation par l’écart de rendement entre les ORÉ et les OTA, il le situe à 6, indiquant qu’elles sont un peu chères.

Il juge toutefois que le rendement est raisonnable comparativement aux autres types d’actif, notamment les actions, alors que le multiple des bénéfices prévus de l’indice S&P 500 est passé de 13 à 18 au cours des dernières années, de même que les OTA de 10 ans avec leur rendement récent de 2,32 %.

Un rendement de 6,53 % des ORÉ lui semble une solution mitoyenne sur l’échelle de risque.

Une bonne valeur

Les ORÉ ne sont pas surévaluées, juge pour sa part Geof Marshall, gestionnaire principal du Fonds d’obligations à rendement élevé Signature de CI.

«Les remarques de la présidente de la Fed, Janet Yellen, indiquant qu’elles le sont, visent à contrer la complaisance qu’elle perçoit dans les marchés obligataires. Le fait est que les achats massifs d’obligations qui se produisent en Europe poussent les rendements à la baisse et les investisseurs cherchant du revenu sont poussés vers des obligations de moindre qualité. C’est le but des programmes d’assouplissement quantitatif», rappelle-t-il.

Il est conscient que les ORÉ ont perdu 5,75 % entre le 8 mai et le 24 juin 2013 lorsque le prédécesseur de Janet Yellen, Ben Bernanke, avait annoncé la fin du programme d’assouplissement quantitatif. «Mais c’était une surprise pour les marchés, alors que la hausse possible du taux directeur plus tard cette année a été bien communiquée», défend Geof Marshall.

Selon lui, la Fed n’augmentera pas les taux parce que la croissance est excellente ou que l’inflation s’emballe. Elle le fera strictement parce qu’elle veut mettre fin à sa politique de taux à 0 %, plus appropriée dans une situation d’urgence, ce qui n’est plus le cas.

«Le marché obligataire croit qu’une augmentation des taux fera basculer l’économie en récession. Je ne crois pas que si la Fed augmente son taux directeur, le rendement des OTA de 10 ans montera en flèche», estime-t-il.

Geof Marshall croit que les ORÉ représentent une bonne valeur pour plusieurs raisons : d’abord, l’écart de rendement actuel avec les OTA peut rétrécir de 50 à 100 points de base au cours des prochains mois. Deuxièmement, le taux de défaillance de remboursement demeurera bas pour un an, voire deux, car l’économie américaine s’en tire bien.

De plus, leur prix a baissé depuis mai 2013. Geof Marshall rappelle que le fait que les ORÉ soient rachetables à prime à des dates précises par l’émetteur, qui peut alors se refinancer à un taux d’intérêt plus bas, a pour effet de mettre un plafond sur la hausse de valeur des ORÉ.

En mai 2013, plusieurs ORÉ se négociaient près de cette valeur de rachat (call price), voire au-dessus : il n’y avait plus de possibilité d’appréciation. «Aujourd’hui, les prix sont en moyenne au pair et il y a un potentiel d’appréciation de 400 points de base», souligne le gestionnaire de Signature.

«Enfin, il n’y a pas beaucoup d’autres placements qui vous donnent un rendement de 6,5 % de nos jours», conclut-il.

En position défensive

«Comme pour toutes les obligations, la majeure partie du rendement espéré des ORÉ devrait toujours provenir du coupon d’intérêt. Or, actuellement, vu que les taux d’intérêt sont si bas, les investisseurs achètent des obligations pour le gain en capital et des actions pour le rendement de dividende, ce qui est une recette très dangereuse à long terme», lance Marc-André Gaudreau, gestionnaire du Fonds d’obligations à haut rendement Dynamique.

Cela dit, il juge les ORÉ encore attrayantes dans un contexte où le rendement de l’encaisse est nul, et celui des OTA de 10 ans, de 2,32 %.

Selon lui, nous sommes encore dans un environnement de croissance faible. Les indicateurs avancés qu’il surveille, notamment l’indice manufacturier ISM et l’indice de confiance des consommateurs, montrent que, pour l’instant, la probabilité d’une récession en 2015 aux États Unis est faible.

«Dans ce contexte, il est tout à fait possible que l’écart entre les ORÉ et les OTA puisse rétrécir à nouveau, si la Réserve fédérale repousse dans le futur les hausses de taux et prévient les intervenants que les hausses seront minimes. Si, par contre, la Fed estime que l’économie est assez solide pour encaisser des hausses de taux, les ORÉ souffriront et l’écart avec les OTA s’élargira», avance-t-il.

Il pense plus probable que la Fed devance les hausses de son taux directeur, ce qui devrait augmenter la volatilité dans les marchés obligataires. Cela le porte à se positionner de façon défensive : «Les belles années sont derrière nous : les cycles économiques modernes durent entre 7 ans et 10 ans. La fin du cycle en cours devrait normalement se produire entre 2016 et 2018», prévoit Marc-André Gaudreau.

«Plus les taux d’intérêt sur les obligations de qualité montent, moins les ORÉ sont intéressantes. Si je suis capable d’acheter une obligation de Bell offrant un rendement à échéance de 4 % et qu’une obligation de Bombardier m’en donne un de 5 %, je vais vendre cette dernière et acheter celle de Bell. En achetant celle-ci, la probabilité de défaut est beaucoup plus faible. Le jeu n’en vaut pas la chandelle pour 1 % de plus», dit-il.

«C’est pourquoi nous disons que le moment est venu de prendre des profits sur certaines ORÉ pour en acheter de plus grande qualité», affirme le gestionnaire de portefeuille de Dynamique.

Il a déjà commencé à augmenter la qualité du portefeuille, réduisant les obligations plus à risque cotées CCC à 2 % du portefeuille, par rapport à une pondération de 14 % dans l’indice. L’encaisse dégagée est allouée aux ORÉ cotées BB.

Marc-André Gaudreau s’en tient essentiellement aux ORÉ offertes sur le marché américain et n’aime pas du tout celles offertes sur le marché canadien : «J’ai vu mourir ce marché deux fois dans ma carrière».