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La Chambre de la sécurité financière (CSF) répond par écrit aux responsables de la conformité sondés.

Finance et Investissement (FI): La CSF obtient sa meilleure note pour le soutien qu’elle a offert afin de permettre à l’industrie de composer avec les mesures sanitaires. Certains notent que « la CSF a déployé des outils et des FAQ qui ont été utiles aux conseillers ». Qu’en est-il?

CSF : Afin de soutenir nos membres, qui ont tous dû basculer en télépratique le 13 mars 2020, nous avons considérablement augmenté les contenus sur InfoDéonto (avec sa boîte à outils), répondu à des milliers de demandes d’information de la part des membres et publié sur le site web une foire aux questions, Info COVID-19, mise à jour régulièrement. Les équipes ont, de plus, conçu un outil pratique pour aider les membres à guider les personnes en situation de vulnérabilité et développé d’emblée des webinaires (« La conformité à l’ère du numérique», «La protection des données des clients à l’ère COVID-19 »et « La responsabilité professionnelle envers les clients ») de même qu’un événement ProLab (« Comprendre le phénomène des conseillers-robots » et « Que veut le consommateur de demain ?») traitant de sujets d’actualité et pertinents pour l’avenir de la profession. De plus, les infolettres hebdomadaires ont permis aux membres de demeurer informés sur toutes les mesures, nouveautés ou obligations professionnelles liées au contexte de santé publique.

FI : La CSF affiche une hausse de sa note concernant la pertinence de ses interventions en réponse aux changements technos. Qu’avez-vous fait à ce chapitre dans les deux dernières années ?

CSF : Nous avons adopté une position de leadership quelques mois avant la pandémie en participant à un groupe de travail France-Québec sur l’intelligence artificielle (IA) appliquée à l’assurance. Ce groupe de travail composé de chercheurs universitaires, de régulateurs, d’assureurs, d’éthiciens, de juristes et de fournisseurs de technologies a produit un livre blanc qui a permis de jeter les bases de la réflexion sur l’IA en assurance et a permis aux participants de mieux comprendre l’incidence des technologies numériques sur l’activité de conseil.

Ce travail a été précédé par notre premier ProLab sur l’intégration de l’IA dans les services financiers. La discussion sur nos technologies et intérêt envers ces questions se sont poursuivis au ProLab 2020, qui avait pour objectif de sensibiliser nos membres à l’avenir du conseil et aux moyens de se démarquer; cette formation est toujours accessible aux conseillers. En outre, nous avons réalisé un sondage auprès des consommateurs sur les besoins futurs en collaboration avec Léger Marketing. Nous avons aussi élaboré plusieurs formations traitant des enjeux liés à la technologie et à la sécurité des données personnelles, dont une formation avec deux spécialistes de l’Université de Montréal sur l’intégration des plateformes robotisées dans la distribution de produits financiers.

De plus, grâce à la mise à niveau de notre plateforme numérique, aux importants travaux réalisés pour protéger les données et leur mise en valeur ainsi qu’aux outils libre-service mis à leur disposition, nous avons pu mieux servir nos membres.

FI : Certains responsables de la conformité semblent critiques envers la CSF sur sa capacité réelle d’intervenir de façon proactive en cas de comportements déviants. Est-ce que ce jugement est juste ?

CSF : Lorsqu’il est urgent d’agir pour la protection du public, notre syndic peut recourir à la radiation provisoire, une mesure rare et exceptionnelle, mais qui peut être utilisée très rapidement si la situation l’exige. Notre considération principale, à travers notre syndic, demeure la protection du public de la manière la plus efficace et la plus diligente possible.

Chaque demande d’enquête et chaque signalement font l’objet d’un examen rigoureux et de vérifications (communications avec le demandeur d’enquête, demandes de renseignements au cabinet, etc.). À la suite de ces enquêtes, diverses mesures administratives peuvent être prises, notamment sur le plan de la prévention, et lorsque la protection du public l’exige, le syndic peut alors déposer une plainte auprès de notre comité de discipline.

FI : Des éléments d’amélioration en ce sens sont-ils prévus?

CSF : Notre transformation vise à permettre de travailler davantage avec nos parties prenantes, dont les responsables de la conformité et les dirigeants-responsables des cabinets et des courtiers. La collaboration avec le Conseil des fonds d’investissement du Québec (CFIQ) mérite d’être soulignée. De cette collaboration est né un nouveau portail qui permettra aux responsables de la conformité et aux dirigeants-responsables des cabinets et des courtiers de consulter, en temps réel, le dossier UFC de leurs représentants qui y consentiront. Le nouveau portail permet même d’envisager d’autres services à valeur ajoutée pour l’avenir, dont l’offre de formation et la déontologie.

FI : La CSF devrait-elle davantage coordonner ses interventions avec l’Autorité des marchés financiers (AMF) afin de mieux intervenir conjointement dans la détection de comportements déviants et/ou dans la mise en œuvre de mesures afin de contenir ou de limiter les comportements déviants ? Par exemple, en s’assurant de communiquer avec l’AMF dès l’étape de l’enquête du syndic, voire de collaborer avec elle, lorsque la CSF soupçonne qu’un conseiller a commis une faute et que celle-ci pourrait découler de mesures de supervision inadéquates?

CSF : Ce travail est au cœur de notre transformation, qui considère primordial de travailler en collaboration avec les partenaires de la protection du public, dont les responsables de la conformité. Plusieurs avancées ont porté leurs fruits. C’est d’ailleurs ce qui a permis d’intervenir rapidement dans plusieurs situations, notamment dans le cas d’une personne vulnérable où nous sommes intervenus conjointement avec l’AMF. Il convient de noter que peu importe où une plainte est déposée, les collaborations étroites et développées entre l’AMF et nous permettent d’assurer la protection du public en toutes circonstances, et ce, grâce à nos divers moyens d’action. Nous coopérons efficacement au chapitre des enquêtes en fonction de leurs rôles, qui sont complémentaires et bien définis.

Nous travaillons avec nos parties prenantes externes ainsi que nos partenaires de l’industrie dans un souci de collaborer davantage à la protection du public. Il faut savoir aussi que les rôles de la CSF et de l’AMF sont bien déterminés. Les enquêtes concernant des fautes disciplinaires sont toujours de notre responsabilité, mais si, au cours d’une enquête, le syndic a de bonnes raisons de croire que celle-ci dépasse son mandat, le dossier sera signalé immédiatement à l’AMF, de qui relèvent les infractions pénales, par exemple.

FI : Sur le plan de l’efficacité du processus d’audience disciplinaire, un répondant juge que les délais d’enquête sont «très longs malgré les efforts déployés». Ce genre de commentaire revient d’année en année à la CSF. Cette critique est-elle méritée?

CSF : Cette critique apparaît injuste à la lumière de la compréhension de deux processus indépendants : il faut bien distinguer l’enquête du syndic et le processus disciplinaire du comité de discipline.

Pour le processus d’enquête, diverses initiatives ont été mises de l’avant afin d’améliorer l’ensemble des processus. Ainsi, entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2021, le syndic a réduit de près de 80 % le nombre de dossiers sous enquête depuis plus de 12 mois (de 125 à 26). En date d’aujourd’hui, nous comptons 23 dossiers en cours depuis plus de 12 mois. Tout peut se faire rapidement quand les faits, les preuves et les témoignages sont clairs et sans équivoque, et que les parties collaborent. Certaines situations peuvent toutefois entraîner des délais plus longs puisqu’elles sont plus complexes et demandent davantage de travail, sans compter que certaines peuvent faire l’objet d’interventions procédurières.

Le temps moyen d’une audience disciplinaire varie souvent en fonction de facteurs hors du contrôle du comité de discipline en raison des recours que peuvent entreprendre les parties en cours d’instance, dont les reports d’audience, les mesures intérimaires et les appels aux tribunaux supérieurs.

FI : La récente hausse de frais semble déplaire à certains répondants. L’indexation de 5 % des frais exigibles à la CSF de 2021 à 2022 et la hausse de la cotisation annuelle à la CSF de 5,2 % sur la même période correspondent à la hausse de l’Indice des prix à la consommation (IPC) du Québec (environ 5,1 %). Que leur répondez-vous ?

CSF : La cotisation annuelle est augmentée chaque année selon le taux d’IPC, conformément au règlement sur la cotisation approuvé par nos membres. Le taux d’IPC a été élevé pour tous cette année, comparativement aux faibles augmentations de la cotisation dans les deux années antérieures.

Les frais exigibles servent à la reconnaissance des activités de formation continue offertes par les fournisseurs. Ces frais représentent une faible portion de nos revenus, mais permettent d’assurer la qualité des services offerts. Ils sont augmentés annuellement, conformément à notre règlement sur les frais exigibles; ils sont ajustés selon le seuil le plus élevé entre 2 % et l’IPC, au 30 septembre de chaque année.

On s’adapte constamment et met à jour nos contenus en fonction de l’évolution réglementaire et accélère la numérisation de nos services.

FI : Les sondés semblent assez satisfaits de la rapidité de réponse de la CSF aux questions soulevées par l’industrie. Or, un répondant dit : « Il semble toutefois qu’il n’y ait pas assez de coordination/d’échanges entre l’Autorité des marchés financiers et la CSF ». Qu’en pensez-vous ?

CSF : Nos collaborations ont beaucoup évolué au cours des dernières années. Ce travail continu est au cœur de notre transformation, qui considère primordial de travailler en collaboration avec les partenaires de la protection du public, dont les responsables de la conformité et l’AMF. Plusieurs avancées ont porté leurs fruits et c’est notre volonté de continuer sur cette lancée :nous travaillons à poursuivre ces collaborations, notamment au chapitre des enquêtes et de la formation.

Les partenariats avec l’AMF et l’industrie nous permettent notamment d’améliorer nos façons de faire. Nous échangeons en continu avec l’AMF plusieurs informations sur nos activités, dont les enquêtes, et avons récemment formé conjointement un comité sur la gouvernance des données.

FI : Les règles de la CSF semblent relativement bien comprises par les responsables de la conformité, selon notre sondage. Toutefois, un répondant juge que « le Code de déontologie doit être mis à jour ». Qu’en pensez-vous?

CSF : Notre Code de déontologie énonce des principes éthiques qui évoluent avec la jurisprudence et l’évolution des pratiques. Puisque ces principes sont toujours d’actualité, il n’a pas été nécessaire d’ajuster le Code de déontologie. Ainsi, faire preuve d’intégrité, de loyauté et de compétence, agir dans l’intérêt du client, bien connaître les produits offerts, et offrir des conseils et des produits qui correspondent à la situation du client sont des obligations déontologiques qui ont évolué au fil des années. Ce sont des principes et non des règles prescriptives qui ont permis d’assurer la protection du public et, si requis, ils pourront faire l’objet d’une éventuelle révision.

FI : La CSF obtient certaines de ses pires notes pour sa capacité à maintenir le fardeau de la réglementation à un niveau acceptable pour le représentant. Est-ce que cette perception est juste ?

CSF : Nous encadrons nos membres en fonction de notre Code de déontologie et de notre Règlement sur la déontologie, et nous n’avons pas introduit de nouvelles règles depuis notre création, en 1999. Cette perception de l’augmentation du fardeau réglementaire imposée est erronée.

Nous avons mis en place une nouvelle structure de vigie réglementaire qui nous permet d’être à l’avant-garde des besoins de formation des membres et de demeurer à l’affût des nouveaux développements en matière de conformité.

Des membres de l’industrie s’expriment

Sur les notes de la CSF « Ils ont bien réussi leur mandat de communication tant avec les clients qu’avec les conseillers ou les firmes », juge Lilly Marcotte, directrice de succursale, conformité chez CI Gestion de patrimoine Assante. Elle note aussi que le site Internet de l’organisme présente des sujets d’intérêt de manière « conviviale, simple et agréable ».

La CSF a réussi son rapprochement avec les services de conformité des firmes, qui comprennent mieux son rôle, selon Flavio Vani, représentant en épargne collective et président de l’Association professionnelle des conseillers en services financiers (APCSF). Il précise:«la CSF commence à passer le message qu’on devrait la voir comme un allié».

Sur le soutien de la CSF relativement aux mesures sanitaires. « La CSF a été très proactive. Ils ont fait des questions et réponses qui nous ont beaucoup aidés », dit Nancy Lachance, chef de la conformité de MICA Cabinets de services financiers. Par exemple, le point expliquant comment un conseiller peut témoigner de la signature d’un client alors qu’il est en visioconférence a été utile, selon elle.

Sur le processus d’enquête. « On aimerait être au courant de l’objet des enquêtes de la CSF, sans avoir tous les détails, pour nous permettre d’agir auprès du représentant », souligne Nancy Lachance. Elle ajoute : « Deux ans pour traiter le dossier d’un conseiller hyper anxieux qui va peut-être se terminer par la fermeture du dossier ou une lettre de mise en garde, c’est très long et éprouvant. »

Flavio Vani juge qu’accélérer le processus d’enquête ne doit pas se faire aux dépens de sa qualité. « En allant trop vite, on peut faire des erreurs », affirme-t-il. Selon lui, la CSF a bien expliqué le processus du syndic, ce qui a aidé à sa compréhension.

Sur la pertinence de mettre à jour le Code de déontologie. Selon Flavio Vani, on devrait faire cette mise à jour, afin de tenir compte de certains changements technologiques, comme la responsabilité partagée entre le conseiller et le cabinet ou l’assureur lors d’une vente en ligne.

Par contre, Nancy Lachance n’en voit pas la pertinence, car le document est « assez complet ». Selon elle, les obligations déontologiques n’évoluent pas dans le temps, mais sont plutôt interprétées de manière différente selon le contexte ou les nouvelles exigences réglementaires.

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