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L’Autorité des marchés financiers (AMF) s’exprime par écrit sur les différents constats qui se dégagent du sondage mené auprès des responsables de la conformité.

Finance et Investissement (FI): L’AMF obtient parmi ses meilleures notes au critère du soutien qu’elle a fourni afin de permettre à l’industrie de composer avec les contraintes liées aux mesures sanitaires en 2020 et 2021. Alors que certains parlent d’un soutien impeccable, d’autres sont déçus du fait qu’il soit « très difficile de rejoindre quelqu’un. On doit envoyer un courriel pour demander à quelqu’un de nous appeler ». Qu’en dites-vous?

AMF : La pandémie a obligé toutes les entreprises, et bien évidemment l’AMF, à déployer des outils et des façons de faire que personne n’avait été amené à envisager ou à mettre en place auparavant. Nous sommes très satisfaits de la rapidité et de l’agilité dont a fait preuve notre organisation afin de s’assurer que l’industrie puisse composer de la meilleure manière avec les contraintes liées aux mesures sanitaires. Dans l’ensemble, l’AMF a su apporter le soutien et l’écoute nécessaires dans les circonstances.

FI : Pourriez-vous nous indiquer les principaux éléments de soutien aux membres et à l’industrie financière que vous avez mis de l’avant depuis février 2021 relativement aux mesures sanitaires?

AMF : Dès les premiers moments de la pandémie, l’AMF a rapidement mis en place une série de mesures pour soutenir l’industrie et a ajusté ses communications avec cette dernière afin de maintenir le bon fonctionnement des services et des opérations. Depuis février 2021, nous avons principalement révisé ou mis à jour ces mesures sans en ajouter de nouvelles à proprement parler. L’industrie peut les consulter : lautorite.qc.ca/professionnels/covid-19

FI : Au critère de ses interventions en réponse aux changements technologiques dans l’industrie, l’AMF obtient une note supérieure à celle de l’an dernier. Alors que certains parlent du fait que vous soyez proactive, deux répondants jugent que les firmes de courtage manquent de soutien et de guides quant aux meilleures politiques à adopter et à la sécurité de l’information. Qu’en pensez-vous?

AMF : L’Autorité est fort consciente des enjeux liés aux changements technologiques dans l’industrie et nos efforts d’accompagnement se poursuivent. En matière de cybersécurité, nous avons d’ailleurs publié des avis avec les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) dans le passé, auxquels les sociétés peuvent se référer :

  • Avis 11-336 du personnel des ACVM : Résumé de la table ronde des ACVM sur les mesures à prendre en cas de cyberincident (lautorite.qc.ca)
  • Avis 11-332 du personnel des ACVM : Cybersécurité (lautorite.qc.ca)
  • Avis 11-326 du personnel des ACVM : Cybersécurité (lautorite.qc.ca)

Nous entendons poursuivre notre travail d’accompagnement de l’industrie afin que les attentes du régulateur soient bien comprises en cette matière.

FI : Un participant au sondage dit:» L’AMF ne regarde pas dans le marché de façon proactive pour les firmes qui font du courtage illégal (il y en a beaucoup). Elle attend une plainte pour agir, alors qu’elle devrait être proactive et faire des inspections éclair dans les firmes susceptibles d’être en défaut. Ces firmes en défaut sont nombreuses et faciles à trouver. Ce n’est pas notre rôle de dénoncer ces firmes ». Qu’avez-vous à lui répondre?

AMF : L’AMF n’inspecte que les firmes inscrites. Ce n’est donc pas au moyen de l’inspection que l’on peut détecter le courtage illégal, mais par notre travail d’enquête. Or, malgré nos travaux de détection, les signalements du public et de l’industrie demeurent la meilleure source d’informations pour nos équipes d’enquête. D’ailleurs, nous invitons toute personne qui constate un manquement potentiel à nous en faire part. Nos équipes analysent chaque signalement reçu en évaluant notamment sa pertinence et nos opportunités d’intervention. Nous misons également sur notre programme de dénonciation, un guichet sécurisé qui offre les meilleures conditions de confidentialité aux dénonciateurs. Ceux-ci apportent une contribution précieuse en communiquant de l’information à laquelle les enquêteurs auraient difficilement eu accès. Grâce aux dénonciateurs, l’AMF peut être en mesure de détecter plus d’infractions, d’intervenir plus tôt et de réduire au minimum les conséquences des infractions sur les victimes. Dans certains cas, l’apport des dénonciateurs contribue même à prévenir des infractions.

FI : Un répondant dit ceci de votre processus de consultation: « Délais de consultation courts, souvent pendant la période estivale. Les documents de consultation sont souvent longs, équivoques et tirent dans toutes les directions, ce qui rend les commentaires difficiles à formuler. La conclusion des consultations est souvent aux antipodes des positions ou craintes exprimées, ce qui fait qu’on se demande à quoi cela peut servir de participer. » Cette perception est-elle juste ?

AMF : Nous prenons note du commentaire, car l’AMF vise toujours à s’améliorer. Toutefois, le cadre réglementaire est en soi complexe, et l’industrie des valeurs mobilières évolue rapidement. L’AMF a le souci de maintenir un cadre qui demeure équilibré entre les obligations de l’industrie et l’impératif de protection des investisseurs. Les consultations estivales sont évitées lorsque cela est possible. Les documents sont parfois longs afin que les parties prenantes puissent être informées de toute la réflexion effectuée par les régulateurs dans le cadre des projets de réglementation avant qu’elles donnent leur point de vue.

L’AMF accorde beaucoup d’importance aux commentaires reçus dans le cadre des consultations, par l’entremise de ses comités consultatifs et à l’occasion des rencontres de discussion qu’elle organise. À titre d’exemple, le grand projet de réglementation qui a abouti aux réformes axées sur le client a donné lieu à plusieurs discussions, et les commentaires reçus de l’industrie ont grandement contribué à forger les modifications mises en oeuvre en 2021. Un autre exemple est celui des récentes modifications au Règlement 33-109, qui comporte les formulaires à utiliser pour les personnes inscrites:nous avons simplifié ce régime à bien des égards à la suite des commentaires reçus.

FI : Un répondant dit: « Nous attendons toujours le chantier sur la simplification… En attendant, on rajoute des couches d’obligations qui se superposent les unes aux autres depuis 20 ans. » Pourriez-vous nous faire une mise à jour concernant les travaux d’optimisation de la charge de conformité pour le secteur de la distribution de produits et services financiers?

AMF : Cette question est importante et l’Autorité y est sensible. Par des suggestions et des échanges constructifs provenant de nos différents canaux, tels que les comités consultatifs ou des discussions avec l’industrie, nous sommes à mettre en commun une liste d’initiatives qui nous permettront, à terme, d’optimiser la charge de conformité. Nous entendons communiquer ces initiatives, notamment au moyen de notre énoncé annuel des priorités, pour informer l’industrie de la nature de celles-ci.

Nous vous dirigeons aussi vers le projet de modification du Règlement 33-109 mentionné précédemment. Ces modifications ont été adoptées en fin d’année 2021 et entreront en vigueur en juin 2022. Le projet pancanadien de fusion des deux organismes d’autoréglementation devrait aussi contribuer à terme à simplifier les opérations de plusieurs courtiers. Par ailleurs, l’AMF est ouverte à toute nouvelle suggestion.

FI : Quelques responsables de la conformité jugent que l’AMF a une sensibilité trop faible aux enjeux des petites firmes. L’un d’entre eux cite « les exigences imposées à des petites firmes lors d’inspections et enquêtes d’avoir des systèmes TI dignes d’une grande firme ». Comment réagissez-vous à ce commentaire?

AMF : L’Autorité est consciente que les petites sociétés et petits cabinets doivent faire face à des enjeux particuliers. Dans le cadre de leurs interventions, les équipes d’inspection modulent la portée de leurs vérifications afin de les adapter à la structure, à la taille adapter à la structure, à la taille et au modèle d’affaires des entités inspectées. Ils font cela tout en s’assurant d’appliquer le cadre réglementaire en vigueur de manière uniforme dans l’industrie et en veillant à la protection des investisseurs et consommateurs de produits financiers.

FI : Le commentaire suivant est-il juste ? « Les inspections des courtiers par l’AMF manquent d’homogénéité, ce qui fait que certains courtiers reçoivent des irrégularités dans leur rapport d’inspection qui n’ont pas été vérifiées chez d’autres. »

AMF : L’inspection des sociétés et des cabinets inscrits est une activité basée sur les risques. La portée d’une inspection peut varier d’une société ou d’un cabinet à l’autre en fonction de ces risques. Dans certains cas, l’inspection peut se concentrer sur certains éléments plus spécifiques du programme d’inspection tout en s’assurant d’appliquer avec rigueur le cadre réglementaire de manière uniforme dans l’industrie.

FI : Une proportion importante de répondants juge que les inspections se passent bien en général, mais que les délais sont très longs. Qu’en pensez-vous?

AMF : L’Autorité déploie tous les efforts pour mener ses inspections dans un délai raisonnable, et la durée dépend de la portée de l’inspection et de la taille du cabinet. Une bonne collaboration des inscrits contribue à l’efficacité et à la rapidité de l’inspection.

FI : Un responsable de la conformité du secteur de l’assurance émet le jugement suivant:» On a l’impression que l’Autorité avait un message à passer. Elle n’a pas cru bon de laisser l’institution formuler des réponses aux questionnements supplémentaires qu’elle pouvait avoir avant de sortir des recommandations et des impressions qui auraient pu être expliquées. Certaines recommandations sont justifiées par des extraits très vagues de la documentation observée, souvent pris hors contexte. L’AMF ne tient pas compte non plus de l’impact potentiel des recommandations ».

AMF : L’inspection est un processus de vérification qui s’inscrit dans un cadre préventif, et tout au long de ce processus, le dirigeant responsable, le répondant ainsi que l’ensemble du personnel de l’entité inspectée sont invités à poser les questions qu’ils jugent pertinentes. La remise de chaque rapport d’inspection inclut une discussion durant laquelle les inspecteurs présentent leurs observations aux dirigeants de la société. L’Autorité tient toujours compte des représentations et commentaires de l’inscrit en tout temps en cours d’inspection, y compris après la communication du rapport.

FI : Est-ce que l’AMF devrait davantage coordonner ses interventions avec la Chambre de la sécurité financière (CSF) afin de mieux intervenir conjointement dans la détection de comportements déviants et/ou dans la mise en œuvre de mesures afin de contenir ou limiter les comportements déviants ? Par exemple, en s’assurant d’être informée lorsque la CSF soupçonne qu’un conseiller a commis une faute et que celle-ci pourrait découler de mesures de supervision inadéquates.

AMF : Lorsque l’Autorité détecte un comportement déviant qui pourrait découler de mesures de supervision inadéquates, des actions sont entreprises afin de régler la problématique dans son ensemble. L’Autorité et la CSF échangent de l’information à cet égard et coordonnent leurs travaux d’intervention dans la mesure du possible en tenant compte du cadre légal existant. Nous prenons toutefois note du commentaire et invitons les sociétés à nous faire part de cas où, à leur avis, la coordination entre l’Autorité et la CSF n’aurait pas été à son meilleur niveau. Nous sommes toujours ouverts à l’amélioration.

D’autres avis de répondants

Éléments sur lesquels les répondants étaient positifs

  • L’AMF a offert un bon service et répondu aux questions de façon précise et à temps, selon bon nombre. Or, d’après un autre sondé, l’AMF devrait mieux se coordonner avec la Chambre de la sécurité financière pour ses réponses.

Éléments sur lesquels ils étaient divisés

  • Le site de l’AMF a été amélioré, mais certaines sections, notamment sur la formation, méritent d’être revues, car on y trouve beaucoup d’informations inconsistantes.
  • Le processus de consultation est efficace et adéquat, de l’avis de nombreux répondants, qui se sentent entendus. Or, les conclusions déplaisent à plusieurs, qui se demandent si leur avis a réellement changé quelque chose.
  • L’AMF considère l’impact financier de ses exigences, perçoivent certains. D’autres jugent que ça n’a pas été le cas pour l’abolition des frais d’acquisition reportés, pour les réformes axées sur le client et pour la distribution d’assurance en ligne.
  • Puisque les règles sont basées sur les principes, il est bien d’avoir de la latitude, mais il y a nécessité de clarifier les zones grises, selon certains répondants.
  • La charge réglementaire est correcte et l’AMF donne le temps de mettre en place les processus, estiment certains sondés. Un répondant estime que le rythme des nouvelles réglementations de l’AMF est effréné.

Éléments sur lesquels ils étaient négatifs

  • « L’AMF se dit préoccupée par les problèmes des petites firmes. Cependant, ses actions ne reflètent pas ses paroles », dit un répondant.
  • Le fardeau de la réglementation reste inacceptable pour le représentant, qui doit consacrer encore plus de temps et d’argent à se conformer aux réformes axées sur le client.

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