Un homme d'affaire sur un trait qui se divise en arbre de flèche. Il porte un gros signe de dollar qu'il tente de poser sur un des traits.
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Étant donné la volatilité chronique des marchés financiers, il est important de savoir comment traiter les gains et les pertes sur les placements, particulièrement dans un contexte de décès. Regardons les principales règles s’appliquant en cas de décès d’un client.

REER et FERR

Dans le cas d’un régime enregistré d’épargne-retraite (REER) ou d’un fonds enregistré de revenu de retraite (FERR), le montant de la juste valeur marchande (JVM) au décès s’ajoute à la dernière déclaration de revenus du défunt. Toutefois, cela ne s’applique pas aux situations de remboursement de primes, dans le cas du REER, ou de prestation désignée, dans le cas d’un FERR. Dans ces deux cas, c’est la personne qui reçoit l’argent qui est imposée.

Au décès, les placements du REER ou du FERR sont ainsi transférés à la succession, une autre fiducie, à moins d’être transférés directement dans un compte enregistré du conjoint s’il est clair que ce dernier héritera de ces montants. C’est le cas, notamment, s’il est un bénéficiaire reconnu par le Code civil du Québec dans un contrat de rente établi auprès d’un assureur ou s’il est le seul héritier.

Même si la durée de vie d’une succession est limitée, il peut arriver que les placements perdent de la valeur entre le moment du décès et celui où elle distribue ses biens à ses bénéficiaires, c’est-à-dire les héritiers. Si tel est le cas, le liquidateur de la succession pourra demander une déduction égale à la baisse de valeur des placements, toujours dans la dernière déclaration de revenus du défunt. Cette déduction est le fruit d’une modification de la loi à la suite des rendements boursiers catastrophiques en 2008.

Pour être admissible à cette déduction, le transfert aux héritiers doit avoir été effectué avant l’échéance régulière touchant les comptes enregistrés, soit le 31 décembre de l’année qui suit le décès, à moins d’une situation exceptionnelle.

Dans le cas où la valeur des placements augmente entre la date du décès et celle de la distribution, la plus-value est imposée entre les mains de la succession si aucun roulement fiscal au conjoint n’est effectué.

Le roulement est une forme de transfert sans impact fiscal. Dans le cas d’un roulement (au conjoint ou à un enfant à charge handicapé), une autre déduction, égale à cette plus-value, permet d’annuler l’imposition éventuelle jusqu’au 31 décembre de l’année qui suit celle du décès. Après cette date, les revenus de placement générés ne pourront être roulés.

On comprend donc que si un REER ou un FERR fait l’objet d’une variation de sa JVM, les montants qui correspondent à la JVM au moment du transfert pourront être entièrement roulés au conjoint, sans double imposition grâce aux deux types de déduction.

CELI

La situation est légèrement différente pour le compte d’épargne libre d’impôt (CELI). Aucun ajout ne se fait sur la dernière déclaration de revenus du défunt. Par conséquent, aucune déduction n’est nécessaire non plus pour éviter la double imposition lorsque les placements perdent de la valeur.

En cas de diminution de valeur après le décès, la situation est donc la même pour un CELI que pour un REER ou un FERR : le montant transférable correspondra à la JVM au moment du transfert. Sans qu’il y ait double imposition, des «droits de cotisation» sont cependant perdus, car le montant transférable aurait été plus élevé si le transfert avait eu lieu au moment du décès.

En revanche, si la JVM des placements augmente entre le décès et le transfert, l’augmentation de valeur du CELI est imposée comme du revenu régulier. Cela signifie que, peu importe la nature des gains réalisés – et même non réalisés -, lorsque le CELI n’est pas transféré directement dans le CELI du conjoint (ce qui est le cas la plupart du temps), il peut y avoir un gros désavantage.

À l’opposé du REER ou du FERR, où une déduction existe jusqu’au 31 décembre de l’année qui suit le décès, aucune déduction ne permet d’éliminer l’imposition de la plus-value dans le cas du CELI. Évidemment, si les placements ne génèrent que peu d’augmentation, cela peut être négligeable. Dans certains cas, cependant, les gains pourraient être relativement importants.

À mon avis, le cas de perte de «droits de cotisation» lors d’un roulement au conjoint (ou à un enfant à charge handicapé), c’est-à-dire le fait d’effectuer un transfert à une valeur plus faible que celle du jour du décès, devrait aussi être regardé d’un point de vue financier, et non seulement fiscal.

Une lorgnette «fiscale» nous fait dire que c’est injuste parce que, quelles que soient les raisons, on ne transfère pas un montant aussi élevé qu’il aurait pu être si le transfert avait eu lieu à un autre moment.

Cependant, la lorgnette «financière» nous fait voir les choses autrement. Si le transfert se fait «en biens» (plus complexe dans le cas d’un conjoint de fait sans testament) ou par l’achat des mêmes titres ou, à défaut, de titres très semblables, le conjoint se retrouve dans la même situation que si le transfert avait eu lieu au moment du décès, donc à une valeur plus élevée.

À noter que le concept de «perte apparente» ne s’applique pas en cas de décès. Vous n’avez donc pas à attendre 30 jours pour racheter les mêmes titres. À moins de vouloir absolument cristalliser la perte, elle n’existe pas réellement, tant pour le CELI que pour les autres comptes.

Autrement dit, si le transfert avait eu lieu à une valeur plus élevée (donc avec une fiscalité plus avantageuse), la valeur de ces mêmes titres aurait fluctué de la même façon aux mêmes dates. Le conjoint survivant n’aurait pas plus d’argent dans son compte en ayant fait le transfert plus tôt.

Quant à l’autre problème du CELI, celui d’imposer la plus-value après le décès, je ne vois malheureusement pas d’autre solution que de procéder rapidement au transfert pour éliminer au maximum l’imposition de cette plus-value.

Songer à un prêt

Par ailleurs, pour vraiment maximiser les sommes transférables d’une personne dont le décès est prévisible à court terme, pourquoi ne pas emprunter pour remplir l’espace REER et CELI ? De cette façon, des sommes additionnelles vont certainement faire l’objet d’un transfert qui n’aurait pas été possible autrement.

Dans le cas du REER ou du FERR, les mêmes paramètres d’analyse de la rentabilité de l’opération que ceux utilisés du vivant s’appliquent. On compare le taux de rendement par rapport au taux d’emprunt et les taux d’imposition au moment de la cotisation et du retrait, dans le cas du REER ou du FERR.

Ainsi, s’il est prévu qu’il est rentable d’investir dans le REER, ou le FERR, on pourra emprunter pour se prévaloir d’un maximum de droits de cotisation inutilisés. Dans le cas d’un compte non enregistré, il faut regarder le rendement et le taux d’imposition après impôt, les intérêts de l’emprunt étant déductibles.

Si ce n’est pas rentable, on laisse tomber et on se contente de transférer les sommes accumulées.

Dans le cas du CELI, si l’emprunt était avantageux parce que le taux de rendement prévu serait supérieur au taux d’emprunt, ce dernier pourrait générer, au conjoint survivant, les droits de cotisation du défunt. Une fois que les sommes cotisées auraient été transférées au CELI de l’héritier, celui-ci pourrait les retirer pour rembourser l’emprunt. L’héritier retrouverait alors les droits de cotisation découlant de ce retrait au début de l’année civile suivante.

Voilà. Maintenant, assurez-vous de bien comprendre le fin détail de ces règles pour conseiller votre client de la meilleure façon possible.

* Directeur planification financière et optimisation fiscale, SFL Expertise