Objets cylindriques avec des coches sur fond bleu.
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Le règlement québécois sur le traitement des plaintes entrera en vigueur le 1er juillet et continue d’irriter certains responsables de la conformité du secteur financier, selon le Pointage des régulateurs 2025. Malgré tout, d’autres organisations en défendent la pertinence et espèrent que d’autres régulateurs l’adoptent.

Deux éléments déplaisent aux quelques responsables de la conformité interrogés à l’occasion du sondage : le délai du traitement des plaintes de 60 jours et le manque d’harmonisation entre ce règlement de l’Autorité des marchés financiers (AMF), valide au Québec, et celui des autres organismes de réglementation en assurance ou en valeurs mobilières, comme l’OCRI, dont le délai est de 90 jours.

En tout, 63 % des répondants jugent que le manque d’harmonisation entre le règlement sur le traitement des plaintes de l’AMF et celui des autres régulateurs, notamment sur les délais de règlement, est susceptible de leur compliquer la tâche.

Parmi ce groupe, quelques répondants gèrent cette situation en faisant une distinction entre les plaintes provenant des résidents du Québec et ceux du reste du Canada. Un répondant prévoit une approche proactive afin de réaliser les étapes cruciales du règlement des plaintes dans les premiers moments suivant leur réception. D’autres semblent se résoudre à embaucher plus de personnel. « Le processus va demeurer le même, cependant le volume peut nous obliger à augmenter le nombre d’employés affectés à cette fonction plus rapidement… donc on anticipe une augmentation potentielle des coûts », dit l’un d’eux.

Le délai de 60 jours pour traiter une plainte ou un différend suscite le plus d’irritation. « Nous appliquerons la norme la plus sévère (celle de l’AMF), même si nous sommes en désaccord avec celle-ci, qu’elle est irréaliste et que nous aurons souvent besoin du délai additionnel », dit un répondant.

« La période exigée par l’AMF est très courte, estime François Bruneau, vice-président administration chez Cloutier Groupe Financier, parce que ce qui est long est de récupérer toute l’information. » Obtenir le contenu du dossier du client auprès du conseiller et permettre au plaignant de répondre aux questions du courtier peut parfois traîner. « Des fois, on n’a pas la collaboration rapide de l’un ou de l’autre, mais l’exigence de l’AMF demeure là », dit-il.

Par ailleurs, il déplore que le délai de réponse au Québec soit désharmonisé de celui de l’OCRI, qui est de 90 jours.

« Je ne remets pas en question le bien-fondé du règlement, mais l’AMF aurait très bien pu dispenser les courtiers en épargne collective et les courtiers de plein exercice de son règlement pour autant qu’ils suivent les règles de l’OCRI », abonde dans le même sens Élisabeth Chamberland, chef de la conformité, Services en placement PEAK, qui déplore le désarrimage entre les règles de l’OCRI et celles de l’AMF.

« Le Règlement sur le traitement des plaintes et le règlement des différends dans le secteur financier prévoit des exigences qui s’inspirent des meilleures pratiques adoptées sur le plan canadien et international, lesquelles prévoient notamment un délai de traitement des plaintes en moins de 60 jours. Il a pour objectif d’améliorer la protection des consommateurs en s’assurant d’un traitement équitable de leurs plaintes, peu importe le secteur financier avec lequel ils font affaire », répond l’AMF.

Dans l’élaboration de son règlement, l’AMF a tenu compte des commentaires formulés dans le cadre des deux consultations qu’elle a menées auprès des parties prenantes afin de trouver un équilibre entre la charge administrative qu’il impose et ses objectifs d’harmoniser le traitement des plaintes pour les consommateurs de produits et services financiers québécois et de rehausser le traitement équitable de leurs plaintes, précise le régulateur.

L’OCRI aurait plutôt dû adopter le délai de traitement de 60 jours de l’AMF et ainsi normaliser ce délai à travers le Canada, juge Jean-Paul Bureaud, directeur général de FAIR Canada : « On est profondément déçu que l’OCRI ait décidé dans sa consultation (de mars dernier sur la phase 5 du projet de consolidation de ses règles) de suggérer de garder le délai actuel, qui est de 90 jours, pour fournir une réponse détaillée à la plainte d’un client. »

Dans sa consultation, l’OCRI reconnaît le délai de 60 jours de l’AMF, mais, étant donné que les autres membres des ACVM recommandent un délai de 90 jours conformément à l’Instruction générale relative au Règlement 31-103, l’OCRI propose des règles « qui s’harmonisent avec les pratiques courantes dans le secteur ».

« On est déçu parce que l’OCRI est un régulateur d’intérêt public. Il devrait faire plus que simplement respecter le minimum, lequel a été établi il y a plusieurs années. Ça ignore les meilleures pratiques actuelles parmi les organismes pairs internationaux. Par exemple, au Royaume-Uni et en Australie, les firmes de l’industrie financière ont 45 jours pour répondre aux plaintes et même en certains cas, ils n’ont que 30 jours », poursuit Jean-Paul Bureaud.

Dans d’autres secteurs réglementés, de réduire les délais pour répondre aux clients a contribué à diminuer l’attrition des plaintes. Ce phénomène survient lorsqu’un consommateur finit par abandonner sa plainte au bout d’une certaine période, las d’attendre la réponse.

« D’une certaine façon, les délais de réponse créent un fardeau pour les investisseurs. Ils doivent attendre plus longtemps, et certainement au moment où ils sont le plus vulnérables », dit Jean-Paul Bureaud.