Un avion en papier dans un ciel de soleil couchant.
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Selon des intervenants consultés, s’il est adopté dans sa forme actuelle, le projet de loi rétablit le droit, pour un courtier en épargne collective ou en plans de bourses d’études, de partager la commission qu’il reçoit avec un autre courtier, un cabinet ou un représentant autonome, lesquels sont encadrés par différentes lois du secteur financier, dont la Loi sur la distribution de produits et services financiers (LDPSF) et la Loi sur les assureurs.

Ce partage de commission n’est plus permis depuis le transfert des disciplines de valeurs mobilières de la LDPSF à la Loi sur les valeurs mobilières (LVM), le 28 septembre 2009. Or, de nombreux représentants continuent de le faire, ce qui a poussé certains membres de l’industrie qui se conforment à cette règle à se plaindre à l’Autorité des marchés financiers (AMF). En janvier 2016, l’AMF a rappelé aux courtiers cette interdiction et annoncé son intention de «prendre les mesures appropriées pour que toutes les personnes inscrites [la] respectent».

Cette intention a alors poussé certains membres de l’industrie financière à dénoncer ce durcissement de ton. Gino Savard, président de MICA Cabinets de services financiers, avait alors écrit au ministre des Finances du Québec pour qu’il autorise de nouveau le partage de commission. Il voulait même que Québec aille plus loin et permette aux représentants en épargne collective de se constituer en société le plus tôt possible, comme le proposait le projet de loi 58, déposé en novembre 2013 par Nicolas Marceau, alors ministre péquiste des Finances et de l’Économie.

Or, rien dans le projet de loi 141 ne vient permettre la constitution en société des représentants en épargne collective ni des conseillers en placement d’ailleurs. «Je n’ai rien vu qui permette à un représentant en valeurs mobilières de s’incorporer. On revient en arrière, dans le but d’écraser l’avis de l’AMF de janvier 2016. On dit que, pour un représentant en épargne collective qui a son cabinet en assurance ou en planification financière, un courtier peut faire le partage de commission avec lui», explique l’avocat Yvan Morin, vice-président, affaires juridiques, chef de conformité chez MICA.

«C’est une bonne nouvelle. Ça rend légale une pratique usuelle de l’industrie», dit Gino Savard.

«Je ne vois pas d’ouverture à court terme pour l’incorporation en épargne collective, mais je n’arrêterai pas de faire des représentations pour autant», ajoute-t-il.

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«[Le retour du partage de commission] est un pas en avant, indique pour sa part Flavio Vani, président de l’Association professionnelle des conseillers en services financiers. Nous aimerions avoir la possibilité de nous former en société comme les autres professionnels. J’ai l’impression que nous sommes considérés par le gouvernement comme des citoyens de seconde classe qui ne peuvent pas s’incorporer.»

Qu’est-ce qu’un partage raisonnable ?

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Le projet de loi 141 ne définit pas ce qu’est un partage «raisonnable» de commission entre un courtier en épargne collective et un cabinet d’assurance, par exemple.

Généralement, les autorités fiscales acceptent que la part de commission partagée avec un cabinet corresponde aux services que le cabinet a rendus au conseiller. «Dans le cas où un courtier en épargne collective partage sa commission avec une autre personne, aux fins de la Loi sur les impôts (LI), il y a lieu de déterminer si ce partage correspond à une rémunération gagnée par cette autre personne pour des services qu’elle a rendus au courtier», indique Geneviève Laurier, porte-parole de Revenu Québec, dans un courriel.

«Si ce n’est pas le cas, poursuit-elle, l’article 314 de la LI pourrait avoir pour effet d’imposer entre les mains du courtier la partie de la commission qui a été payée ou transférée à l’autre personne. Notons également qu’une autre règle d’application générale, prévue à l’article 420 de la LI, limite la déduction des dépenses que pourrait réclamer un courtier à un montant raisonnable.»

D’après Yvan Morin, les autorités fiscales vont évaluer si le fractionnement de revenu est légitime. «Dans l’oeil du fisc, si tu verses 30 % de la rémunération que tu reçois personnellement en épargne collective dans ta société, est-ce qu’en échange ta société t’offre des services équivalents pour égaler des frais qu’elle assume et qui te permettent de faire fonctionner ta business d’un point de vue personnel : les frais de téléphonie, de bureau, le paiement de personnel qui te sert pour ta clientèle en épargne collective, etc.»

Les représentants qui envoient une grande proportion de leur revenu dans leur cabinet incorporé pourraient se faire opposer certaines objections des autorités fiscales, avertit Yvan Morin. «Il existe un certain flou» sur ce qu’est un partage raisonnable, à savoir quelle part un courtier peut partager avec un cabinet, estime par ailleurs Yvan Morin.

Gino Savard se dit bien content que le projet de loi ne fixe pas le pourcentage du partage de commission : «En ne le précisant pas, ils permettent aux gens de justifier le niveau de partage, qui dépend des situations.»

Gino Savard a en tête le cas d’un représentant de la relève qui achète un bloc d’affaires hybride, dont les clients ont des produits d’assurance, des fonds distincts et des fonds communs. La façon la plus économique de financer une telle transaction, en tenant compte de la fiscalité, est de faire payer le remboursement du capital et des intérêts de cet emprunt par un cabinet constitué en société plutôt que par un représentant personnellement.

«Comment voulez-vous que ce ne soit pas payé à 100 % dans le cabinet ? La dette et les dépenses sont toutes là, il faut que les revenus rentrent là», estime Gino Savard.

Selon lui, des conseillers qui ont financé l’achat de leur bloc d’affaires dans leur cabinet n’auraient pas été capables de rembourser leur emprunt s’ils avaient dû tout payer personnellement. «C’est ce que j’ai fait valoir au cabinet du ministre à l’époque : « Vous allez jeter à terre tous les jeunes conseillers qui ont acheté de la clientèle dans les dernières années et qui ont fait leur financement dans le cabinet si vous interdisez le partage de commission. »»

Nonobstant le financement d’un bloc d’affaires, le partage de commission offre plusieurs avantages fiscaux, selon Flavio Vani. Le représentant a notamment une meilleure maîtrise de sa fiscalité en fractionnant ses revenus avec sa société par actions. Il peut aussi faire fructifier des sommes plus importantes dans la société puisqu’elles y ont été imposées à un taux moindre par rapport à une situation où elles sont imposées personnellement.

D’après Gino Savard, le partage de commission favorise la croissance des représentants travailleurs autonomes. «Disons qu’il te reste 50 000 $ en bénéfices non répartis dans ton cabinet plutôt que 30 000 $ dans tes poches comme représentant : tu accumules plus rapidement de l’argent pour faire des acquisitions ou grossir ton entreprise.»