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Dans cette chronique, je vous fais part de mes observations provenant d’un cas réel.

Monsieur X a 40 ans, il est marié avec 2 enfants et est entrepreneur. Il y a 10 ans, il a acheté un triplex pour 700 000 $ sous les conseils judicieux de son père. Il a versé 35 000 $ comptant et contracté une hypothèque de 665 000 $. Dix ans plus tard, Madame X décide qu’elle en a assez des locataires du triplex et veut déménager dans une grosse maison unifamiliale. Monsieur X est d’accord, mais il aimerait conserver le triplex pour plusieurs raisons.

Premièrement, les dépenses de l’immeuble et l’hypothèque sont autofinancées à même ses revenus. Deuxièmement, Monsieur X est entrepreneur et n’a pas d’argent économisé pour sa retraite autre que ses REER. Il croit donc que la valeur de l’immeuble net de l’hypothèque pourrait lui servir de fonds de pension lorsqu’il prendra sa retraite ou carrément vivre des revenus de loyers lorsque l’hypothèque sera entièrement remboursée. Finalement, il contemple l’idée de refinancer le triplex afin de réaliser l’accumulation de la valeur économique de l’immeuble et utiliser cet argent comme mise de fonds pour acheter un autre immeuble à revenu.

La juste valeur marchande (ci-après « JVM ») du triplex est maintenant de 800 000 $ et le solde de l’hypothèque est de 487 000 $. Considérant le déménagement et pour des raisons de protections d’actif et de responsabilités personnelles en tant qu’entrepreneur, Monsieur X décide de transférer le triplex dans une société incorporée. Si Monsieur X veut faire le transfert complètement libre d’impôt, il perdra le droit à l’exemption pour résidence principale sur la partie qu’il occupait du triplex. Soit environ 10 000 $1 d’économie d’impôt. Quel gâchis!

Considérant que Monsieur X effectue un changement d’usage partiel du triplex qui deviendra uniquement locatif, la partie du logement qu’il occupait, soit le 1/3, est réputée être disposée2 pour un montant égal à sa JVM. Monsieur X devra donc s’imposer sur le gain d’environ 35 000 $, mais pourra l’exempter à 100 % en désignant le logement comme résidence principale3.

Par la suite, Monsieur X pourra transférer l’immeuble dans une société libre d’impôt en contrepartie d’un billet à payer de 248 000 $4 et d’actions de la société pour une valeur de 552 000 $. Il est à noter que les droits de mutation ne s’appliqueront pas à cette transaction si M. X conserve 90 % ou plus des droits de vote pendant 24 mois suivant la transaction.5 Les taxes de vente ne s’appliqueront pas non plus, car la vente d’un immeuble d’habitation résidentiel est exonérée6. Subséquemment, Monsieur X pourra refinancer l’immeuble à l’intérieur de la société auprès d’une institution financière et se verser jusqu’à 248 000 $ libre d’impôt.

Malheureusement, la production d’un choix fiscal7 afin de pouvoir réclamer l’exemption pour résidence principale pendant 4 années supplémentaires n’est pas acceptée par les autorités fiscales pour l’instant. En fait, ce choix peut être fait lorsque le changement d’usage du bien est complet et non partiel comme dans le cas d’un duplex ou d’un triplex. Dans son chapitre traitant sur la résidence principale, le Centre québécois de formation en fiscalité suggère aux gouvernements de modifier la loi afin de la rendre conforme à la politique fiscale et ne pas désavantager fiscalement un propriétaire de duplex/triplex vis-à-vis un propriétaire de condominium pour ce qui est des règles se rapportant au changement d’usage.

Après analyse, force est de constater que j’aurais dû suivre les conseils de mon père. Encore une fois!

1 – 1/3 x (800 000 – 700 000) = 33 333 x 0,5 x 0,53 = 8 833 $

2 – Selon l’alinéa 45(1)c) de la loi de l’impôt sur le revenu (ci-après « LIR »)

3 – Selon la position administrative de Revenu Québec communiquée dans la cadre de la table ronde 2017 de l’APFF.

4 – (700 000 + 35 000) – 487 000 = 248 000 $

5 – Paragraphe 19a) de la loi concernant les droits sur les mutations immobilières

6 – Selon le paragraphe 136(2) de la loi sur la taxe d’accise et l’article 31 de la loi sur la taxe de vente du Québec.

7 – 45(2) et 45(3) LIR