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Mon collègue Jean-Philippe Binette, lors de sa chronique précédente, nous a présenté la situation d’un contribuable qui tire des revenus de location d’une partie de son immeuble. J’ai décidé de présenter le cas de ce même Monsieur X qui décide maintenant de faire construire un triplex pour le louer par la suite.

La construction du triplex

Pour débuter son projet de construction, Monsieur X fait appel à un courtier immobilier commercial pour trouver le terrain. Il fait ensuite appel à un arpenteur pour en mesurer la superficie, à un ingénieur pour une étude de la qualité du sol et à son comptable pour évaluer la faisabilité financière du projet. Le total de ces frais relatifs à la préacquisition du terrain s’élève à 63 236 $ taxes incluses.

Monsieur X décide alors de procéder à l’acquisition du terrain pour 120 724 $ taxes incluses. Une fois propriétaire, Monsieur X doit faire changer le zonage auprès de la Ville afin de permettre la location résidentielle. Le total des frais pour la modification du zonage s’élève à 11 498 $ taxes incluses.

La construction débute et Monsieur X doit assumer des frais durant cette période, comme les taxes municipales et scolaires et les intérêts sur l’emprunt de construction. Ces frais totalisent 40 000 $ (exonérés de taxes), auquel s’ajoute des paiements à l’entrepreneur général pour 701 348 $ taxes incluses.

Monsieur X ayant choisi un emplacement très prisé, son triplex se remplit rapidement. Si rapidement que l’entrepreneur doit encore effectuer des travaux d’aménagement paysager pour 34 493 $ taxes incluses même si les trois logements sont habités depuis maintenant deux mois.

L’impact sur l’impôt payé

Le traitement fiscal des frais listés ci-dessus n’est pas uniforme et a un impact majeur sur l’impôt payé par Monsieur X dans le temps. En effet, il n’est pas possible de déduire les « soft costs » ou coûts accessoires de construction lors de la période de construction. Pour Monsieur X, il est avantageux de déduire le plus de frais possibles dans ses déclarations fiscales personnelles, car ses revenus sont imposés au taux marginal de 53,31 %.

La période de construction devient alors l’enjeu critique. Afin de maximiser les déductions fiscales, il faut que la période de construction débute le plus tardivement possible et qu’elle se termine le plus rapidement possible. Ainsi, il sera possible de déduire les coûts accessoires de construction plutôt que de les capitaliser au coût du bâtiment.

Au niveau des frais d’investigation du site, la Loi de l’impôt sur le revenu du Canada (« LIR ») permet la déduction de ces frais dans l’année où ils sont payés (en vertu de l’alinéa 20(1)dd) LIR). Les frais d’investigation du site comprennent les frais d’arpentage, les frais d’analyse de sol et les frais d’évaluation de la faisabilité financière totalisant 55 000 $ taxes exclues.

Au niveau des frais de démarchage, la LIR permet la déduction de ces frais dans l’année où ils sont payés (en vertu de l’alinéa 20(1)cc) LIR). Les frais de démarchage comprennent les frais engagés pour la modification du zonage de 10 000 $ taxes exclues.

Ces déductions sont possibles car les coûts accessoires de construction décrits ci-dessus ont été engagés avant que la période de construction ne débute. En effet, selon le Bulletin d’interprétation IT-153R3 publié par l’Agence du Revenu du Canada, la période de construction nécessite de la part du développeur des actions positives sur le site de construction, comme y installer des services. Ainsi, la période de construction n’est pas réputée avoir débuté si les seules activités entreprises jusqu’à présent ont eu lieu hors du site de construction, ce qui est le cas pour Monsieur X.

Naturellement, lorsque l’entrepreneur général débute ses travaux, la période de construction débute et les coûts accessoires de construction doivent être capitalisés au coût du bâtiment. Parmi ces coûts accessoires de construction, on compte les taxes municipales et scolaires et les intérêts sur l’emprunt de construction totalisant 40 000 $ (exonérés de taxes).

Il importe maintenant de savoir quand la période de construction se terminera. La LIR stipule que la capitalisation des coûts accessoires de construction arrête au plus tôt du jour où la construction est terminée ou du jour où 90 % du bâtiment est utilisé aux fins pour lesquelles il a été construit.

Le triplex de Monsieur X a été construit aux fins de location résidentielle. La période de construction peut donc se terminer lorsque le triplex est complètement loué, même si la construction n’est pas terminée. C’est donc dire que les coûts accessoires de construction, comme les taxes municipales et scolaires et les intérêts sur l’emprunt de construction peuvent être déduits dès que les trois logements sont loués.

Finalement, au niveau des frais d’aménagement paysager de 30 000 $ (taxes exclues), la LIR permet la déduction de ces frais dans l’année où ils sont payés (en vertu de l’alinéa 20(1)aa) LIR).

En suivant une bonne planification fiscale, voici le portrait de l’imposition de Monsieur X durant ce projet de construction.

Les frais relatifs à la préacquisition du terrain de 55 000 $ et les frais pour la modification du zonage de 10 000 $ peuvent être déduits du revenu annuel de Monsieur X, diminuant ainsi son fardeau fiscal de 34 650 $ (65 000 $ au taux marginal d’impôt de 53,31 %). Le coût du terrain de 105 000 $ sera capitalisé.

Durant la construction, Monsieur X engage des coûts accessoires de construction totalisant 40 000 $ et des coûts de construction de 610 000 $ qui doivent être capitalisés. Les coûts d’aménagement paysager de 30 000 $ pourront cependant être déduits de son revenu annuel, diminuant ainsi son fardeau fiscal de 16 000 $ (30 000 $ au taux marginal d’impôt de 53,31 %). Aux fins des déclarations fiscales personnelles, tous ces frais sont traités avant taxes.

Un fiscaliste qui ne connaît pas suffisamment le domaine de l’immobilier aurait pu conseiller, à tort, de capitaliser tous les coûts accessoires de construction, car il s’agit de la règle générale. Pour Monsieur X, se priver des exceptions prévues par la LIR représente une économie d’impôt de 50 650 $ dans les deux premières années de ce projet, plutôt qu’à la vente du triplex.

L’impact sur les taxes à la consommation payées et réclamées

Monsieur X doit choisir s’il s’inscrit aux taxes à la consommation (TPS et TVQ) au début du projet de construction ou non. Une inscription au début du projet de construction lui permet de réclamer, au fur et à mesure de la construction, les taxes payées à l’achat du terrain et sur les factures des professionnels et de l’entrepreneur. Lors de son inscription aux taxes, Monsieur X pourrait choisir une période de déclaration mensuelle, ce qui lui permettrait de réclamer et d’encaisser plus rapidement le total de 121 299 $ en taxes payées sur ces achats.

Dès que la construction est complétée à 90% ou lorsque le premier locataire habite le triplex, selon l’événement qui arrive en premier, Monsieur X devra remettre les taxes sur la juste valeur marchande du triplex à cette date comme s’il se vendait le triplex à lui-même (ce qu’on appelle une autocotisation). En prenant pour hypothèse que la juste valeur marchande du triplex est semblable au coût total de construction de 850 000 $, cela signifie que Monsieur X devra remettre une somme de 127 288 $ (14,975 % x 850 000 $) à cette date s’il s’est inscrit aux taxes au début du projet de construction, ou de 5 989 $ (127 288 $ – 121 299 $) s’il a attendu l’autocotisation pour réclamer les taxes payées sur ses achats.

Lors de la production de l’autocotisation, Monsieur X aura aussi droit à un remboursement partiel des taxes payables de 127 288 $. En effet, il existe un incitatif qui permet d’obtenir un remboursement de 36 % sur les taxes payables lors de l’autocotisation (ou l’acquisition) d’un immeuble locatif neuf. La juste valeur marchande de chaque unité de triplex doit être inférieure à 200 000 $ pour maximiser ce remboursement, mais peut augmenter jusqu’à 450 000 $ pour tout de même y avoir droit partiellement. Pour Monsieur X, en prenant en compte certaines hypothèses sur la valeur des unités de triplex, ce remboursement pourrait totaliser 14 000 $.

La construction du triplex entraînera donc un remboursement net de taxes estimatif de 8 000 $, mais le moment des décaissements et encaissements variera énormément selon le moment de l’inscription aux taxes.

Conclusion

En conclusion, pour construire un triplex d’une valeur de 850 000 $, Monsieur X aura déboursé 971 000 $ en frais de construction, encaissé un montant net approximatif de taxes de 8 000 $ et réalisé des économies d’impôts totalisant 51 000 $, pour des débours nets durant la période de construction de 912 000 $.

Ce texte a été écrit par Olivier Rénald, CPA, CA, Directeur principal | Certification chez Demers Beaulne S.E.N.C.R.L.