Un homme d'affaire devant un mur où on peut voir un graphique de croissance.
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L’apport financier de Luge capital, Investissement Québec et Tactico permettra à la plateforme d’assurance vie axée sur la famille de se déployer dans d’autres provinces, de doubler la taille de son équipe et de lancer bientôt deux nouveaux produits.

Créée en 2017 par les frères Félix et Jacomo Deschâtelets, la jeune pousse qui a fait sa marque grâce à une assurance vie pour les femmes enceintes vendue exclusivement en ligne concrétise ses projets de croissance. L’entreprise, qui gère actuellement près de deux milliards de dollars (G$) en couvertures, mettra à profit le capital de risque récemment levé pour étendre son offre de services au marché canadien.

Les investisseurs, Luge Capital, Investissement Québec et Tactico, apportent chacun 2 millions de dollars (M$). «Ils ont de l’expérience en investissement dans les fintechs et comprennent la dynamique de l’environnement fortement réglementé dans lequel nous évoluons », a déclaré Félix Deschâtelets, P.-D.G. d’Emma, en entrevue, qui reste actionnaire majoritaire avec son frère. Liam Cheung, fondateur de la firme de capital-risque Tactico, se joint au conseil d’administration. Deux administrateurs externes, dont les noms seront bientôt dévoilés, s’y ajouteront.

La firme commencera par acheter des permis d’exercice dans les autres provinces canadiennes. (La firme possède déjà des permis pour le Québec et l’Ontario.) Ces démarches, entamées dans plusieurs provinces, devraient être complétées d’ici la fin juillet. La conformité ne sera pas un enjeu, estime le P.-D.G. « Au niveau technologique, on dispose d’un processus de réglementation étoffé. L’AMF (Autorité des marchés financiers) a pris position sur l’offre de services en ligne. La réglementation québécoise s’exporte bien dans les autres provinces », résume-t-il.

Certaines différences, comme la désignation des bénéficiaires, nécessiteront des adaptations qualifiées de mineures par l’entrepreneur. La firme s’appuiera sur l’expérience acquise depuis deux ans en Ontario pour ajuster son approche à cet égard.

Faire connaître la marque

Le principal défi pour Emma consistera à faire connaître sa marque et à bâtir sa crédibilité sur ces marchés, indique Félix Deschâtelets. L’assurtech répétera la recette mise en place au Québec et en Ontario, qui repose sur l’utilisation des médias sociaux pour rejoindre une clientèle composée à 70 % de jeunes femmes, et dont la moyenne d’âge est de 29 ans. Dans les autres provinces, les efforts marketing seront davantage axés sur les médias régionaux, plus porteurs qu’au Québec, où la stratégie consiste plutôt à utiliser des influenceurs.

La firme entend doubler la taille de l’équipe en place, qui compte une quinzaine de personnes, en recrutant des ressources en marketing et en technologie, notamment en vue de réduire le temps nécessaire pour compléter une souscription sur la plateforme, un processus qui prend de 10 à 20 minutes actuellement.

De nouveaux conseillers s’ajouteront également afin de répondre aux questions des visiteurs via le module de clavardage en direct, en fonction des fuseaux horaires sur le territoire. Les conseillers d’Emma sont salariés et non rémunérés à la commission, précise Félix Deschatelets, un modèle qui leur permet d’être « concentrés sur le conseil et non sur la vente de produits ».

Un testament simplifié en ligne

La croissance d’Emma passera par l’ajout de nouveaux produits. La firme offrira ainsi une assurance pour enfant au coût de 1 $ par mois d’ici l’automne prochain. Ce produit existe déjà au Canada, mais la plateforme permettra aux parents d’y avoir accès de manière plus simple et plus rapide, indique le cofondateur.

La firme proposera également un module permettant aux clients de compléter un testament en ligne en quelques minutes. L’entreprise a constaté que 80 % de ses clients n’ont pas de testament. Elle a repéré un besoin à combler dans ce domaine. La plateforme permettra d’établir une première version simple du document. Les clients avec des besoins plus complexes seront orientés vers des ressources professionnelles spécialisées.

L’assurtech prévoit de continuer à agrandir son terrain jeu au cours des prochaines années pour offrir divers types d’assurance : automobile, habitation, vie. Pour soutenir ce développement, elle lancera d’ici environ 24 mois une ronde de financement de série B dont le montant reste à préciser.

Travailler en partenariat avec les assureurs

« On arrive dans la cour des grands, mais comme un ami plus qu’un compétiteur direct. La chaine de valeur de l’industrie est très complexe. On a besoin du support et de la collaboration des grandes institutions pour se développer », souligne Félix Deschâtelets. Il souhaite répéter auprès d’autres assureurs l’expérience du partenariat établi avec Humania, qui a permis à la firme d’innover en matière de tarification pour créer son premier produit d’assurance pour les jeunes familles.

Dans ce contexte, l’entrepreneur envisage l’avenir comme un mélange d’opportunités et de défis. L’arrivée dans le marché de grands joueurs comme Amazon et Google pousse les compagnies traditionnelles à s’allier pour innover, constate-t-il. Toutefois, il ne considère pas les Big Tech comme une menace imminente, mais plutôt comme une occasion pour l’industrie d’accélérer le virage technologique. « Les assureurs ont avantage à ouvrir leurs horizons à la collaboration avec de jeunes fintechs, car cela leur apportera l’agilité indispensable pour innover, ce qui représente le talon d’Achille de l’industrie canadienne actuellement. »