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Les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) n’ont pas encore publié leur proposition de réforme des organismes d’autoréglementation (OAR) au Canada. Pourtant, un bras de fer est déjà commencé entre l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (AFCM) et l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM).

L’OCRCVM souhaite fusionner avec l’ACFM, mais cette dernière rejette cette option, préférant la création d’un tout nouvel OAR ayant des pouvoirs élargis.

Les propositions des deux OAR soulèvent plus de questions qu’elles n’amènent de réponses, juge Maxime Gauthier, chef de la conformité de Mérici Services financiers.

« Ce n’est pas que les propositions présentées soient bonnes ou mauvaises, mais on est beaucoup dans un positionnement préalable et on nous présente peu de substance précise », indique-t-il.

L’idée de réunir au sein d’un même organisme l’OCRCVM et l’ACFM tout en conservant les deux ensembles de règles « n’est pas une solution très concrète », selon Maxime Gauthier.

« On a bien beau dire qu’on va garder les ensembles de règles, mais, avec le temps, on va faire la jonction de tout ou d’une partie des deux. Sinon, on vient de perdre l’avantage de simplicité et de synchronisation des exigences, ajoute-t-il. J’aurais beaucoup de difficulté à être d’accord avec ça sans savoir quelles vont être ces synchronisations et ces harmonisations. On ne peut pas faire un chèque en blanc et penser que tout va bien aller. Il y a beaucoup de questions à poser. »

Parmi les questions demeurées sans réponse, il y a celle de la place du Québec au sein d’un organisme qui découlerait de la fusion de l’ACFM et de l’OCRCVM ou d’un nouvel OAR tel que proposé par l’ACFM, d’après Maxime Gauthier. De plus, on ignore l’influence relative qu’auraient les autorités de réglementation du Québec face à un OAR pancanadien plus fort et influent.

« On vient dire : “Cette entente est bonne pour neuf provinces et trois territoires, mais au Québec, il y a un état de fait. C’est l’Autorité des marchés financiers et la Chambre de la sécurité financière. On prévoira des discussions avec elle et on développera peut-être des choses”. C’est une autre forme de chèque en blanc qui est demandé. On va laisser s’opérer une consolidation partout au Canada et augmenter le poids et la force d’un OAR qui a essayé déjà de rentrer au Québec [NDLR : l’ACFM], ce qui a suscité des heurts très importants? »

Maxime Gauthier se questionne également concernant la suite des choses pour le Québec dans le cas où l’une ou l’autre de ces propositions était retenue par les ACVM.

« Est-ce qu’on dit “On verra plus tard”, dans le sens qu’on va intégrer le Québec plus tard? Ou c’est “On verra plus tard” pour créer une certaine cohérence avec le Québec, mais en lui laissant la pleine latitude sur son mode d’encadrement? »

Selon Maxime Gauthier, la réforme sera guidée par l’influence de différents groupes qui préféreront la proposition qui avantage le plus possible leur modèle d’affaires, même si cela se fait au détriment de celui de leurs concurrents.

« Quand je joue à un jeu de société, je m’attends à ce que les règles soient les mêmes du début à la fin. Et si on les change, tous les joueurs doivent être d’accord », illustre-t-il.

La réforme des ACVM devrait maintenir la réglementation par principe, estime Maxime Gauthier. « J’ai toujours reproché à l’ACFM d’avoir une approche très prescriptive. Ça amène un bénéfice de clarté, mais aussi une certaine lourdeur et vient nuire à la créativité des inscrits. Avec l’approche par principe, on se gratte plus la tête, mais on a une capacité d’innovation et une flexibilité opérationnelle qui permet à des modèles différents d’émerger pour s’assurer de bien répondre aux besoins des consommateurs. »

Peu de répercussions au Québec

La fusion OCRCVM-ACFM ne changerait pas grand-chose pour la Chambre de la sécurité financière (CSF), qui a déjà des ententes avec l’ACFM, estime Richard Boivin, ancien sous-ministre adjoint aux politiques relatives aux institutions financières et au droit des entreprises au ministère des Finances du Québec de 2013 à décembre 2018.

Pour ce qui est de l’AMF, ce projet lui donnerait du travail en matière d’harmonisation avec le reste du Canada sur le plan de ses « dispositions juridiques différentes [de celles] d’un autre régulateur pour les représentants en épargne collective ».

Richard Boivin se dit favorable à la fusion OCRCVM-ACFM, bien que la réalisation d’un tel projet pourrait amener les autorités à devoir considérer « certains problèmes techniques ou juridiques ».

« Le problème est surtout au Québec, parce qu’on est toujours à part des autres. Donc, quand on s’inscrit dans une démarche pancanadienne, il va falloir avoir des exceptions pour le Québec sur la façon dont on traite la réglementation qui va s’appliquer aux inscrits qui vont pouvoir faire un mélange d’actions, d’épargne collective », souligne Richard Boivin, qui a été directement impliqué dans la création du projet de loi 141.

Avec la collaboration de Richard Cloutier, Finance et Investissement.