Un homme d'affaire qui se gratte la tête surpris, un dossier entre les mains.
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Le contenu du rapport de l’ACFC, rendu public le 20 mars dernier, inquiète Fabien Major, conseiller en épargne collective, conseiller en sécurité financière, associé principal et fondateur de Major Gestion Privée.

« C’est urgent, il faut s’occuper de ça, indique l’auteur de Petits secrets et gros mensonges de votre banquier. Les banques ont lamentablement échoué à s’autoréglementer. »

Me Élise Thériault, avocate et conseillère budgétaire chez Option consommateurs, a une lecture semblable du rapport de l’ACFC : «Il ne faut pas toujours se fier à l’autoréglementation parce que manifestement dans le cas des banques ça ne marche pas. »

Elle ajoute d’ailleurs que le contenu du rapport ne la surprend pas : « Ce n’est pas du jamais vu, on se doutait déjà de ce qu’on lit dans ce rapport. Rien là-dedans ne me surprend, mais je suis contente qu’on puisse le constater. Option consommateurs se doutait de cet état de fait depuis longtemps, notamment grâce aux contacts que nous avons avec les consommateurs. »

Rappelons que, dans la foulée du scandale qui a frappé la Banque TD l’an dernier, l’ACFC est l’un des organismes qui mènent actuellement des enquêtes sur les pratiques bancaires au détail. Le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) et le Comité permanent des finances publiques de la Chambre des communes se penchent également sur les pratiques des banques.

« Il y a plusieurs enquêtes qui sont menées en même temps sur les pratiques bancaires, celle de l’ACFC a le mérite d’avoir analysé des milliers de plaintes et fait des centaines d’entrevues avec des employés de banque, rappelle Fabien Major. J’aimerais que (les résultats de l’enquête de l’ACFC) débordent à l’Autorité des marchés financiers (AMF). Il faut enquêter sur les pratiques similaires ailleurs dans l’industrie, comme chez Desjardins par exemple. »

Lire notre dossier complet – Les pratiques des banques sur la sellette

Rappelant les cadres législatifs mis en place autour du secteur des télécommunications, mais aussi la plus récente révision de la Loi sur la protection du consommateur au Québec, Élise Thériault souligne qu’il est possible pour le législateur d’intervenir. Option consommateurs milite d’ailleurs depuis plusieurs années pour l’inclusion de la notion de prêt responsable, c’est à dire de donner l’obligation aux banques de vérifier que le client a non seulement un bon dossier de crédit, mais également qu’il est capable de payer le prêt que l’institution financière souhaite lui faire.

« Ça a été inclus dans la Loi sur la protection du consommateur. On a instauré l’idée du prêt responsable pour toutes les entreprises qui font du crédit parallèle, donc tout le monde sauf les banques et les caisses. C’est bien, sauf que la majorité des prêts est faite chez les banques et les caisses. Or, rien n’empêche le gouvernement fédéral d’inclure une disposition semblable dans la Loi sur les banques », explique-t-elle.

« Ce ne sont pas les moyens qui manquent, c’est la volonté, ajoute Élise Thériault. Ça fait des années qu’on le réclame au provincial et au fédéral. »

Réponse des banques

L’Association des banquiers canadiens (ABC) rappelle que dans le cadre de son examen, l’ACFC n’a pas constaté que la vente abusive était une pratique généralisée.

« Le rapport ne critique pas des pratiques abusives, mais identifie plutôt des domaines où les banques peuvent apporter un changement qui pourrait atténuer le risque de pratiques abusives, écrit Peter Marisette, spécialiste en communications à l’ABC, dans un courriel adressé à Finance et Investissement. Comme le constate le rapport de l’ACFC, les banques introduisent actuellement des modifications afin de saisir ces occasions d’amélioration et de bonifier leur surveillance et leur gestion des risques liés aux pratiques de vente. »

Contactée dans le cadre de cet article, la Banque Nationale a rappelé qu’elle « n’avait pas fait l’objet des plaintes soulevées l’an dernier dans les médias, mais elle a néanmoins pleinement collaboré avec l’ACFC durant les travaux menant au dépôt de son rapport ».

Jean-François Cadieux, directeur principal affaires publiques à la Banque Nationale explique, dans un courriel adressé à Finance et Investissement que « la Banque est claire à ce sujet : c’est l’intérêt du client qui prime et le consentement du client aux services que nous offrons doit être éclairé ».

De son côté, la Banque TD a remercié l’ACFC pour son travail en indiquant aussi être heureuse que le rapport reconnaisse « que les consommateurs réalisent des millions d’opérations bancaires chaque jour sans incident, et les banques et leur personnel s’efforcent dans l’ensemble de se conformer aux obligations en matière de pratiques commerciales. »

«  Cette constatation confirme les conclusions de l’examen rigoureux que nous avons nous-mêmes effectué à l’interne. Des milliers de banquiers de la TD se présentent au travail tous les jours pour servir des millions de clients avec excellence et intégrité et nous sommes fiers de ce qu’ils accomplissent », a souligné Mathieu Beaudoin, directeur Affaires internes et publiques au Groupe Banque TD, dans un courriel adressé à Finance et Investissement.