Photo de ­Guy ­Cormier avec son prix du Top des leaders de l'industrie financière 2023-2024
Crédit : Louis-Charles Dumais

En 2023, les marchés financiers ont été secoués par l’inflation, la hausse des taux d’intérêt et les conséquences des bouleversements climatiques. Face à ces défis, le Mouvement ­Desjardins a choisi la voie de la diversification pour maintenir sa croissance, explique ­Guy ­Cormier, président et chef de la direction de la coopérative financière.

Le dirigeant souligne la force de ­Desjardins, souvent perçue soit comme une banque, soit comme une compagnie d’assurance. « C’est cette diversification des sources de revenus qui nous a permis d’afficher une meilleure performance cette année. »

Pour la période de neuf mois se terminant le 30 septembre 2023, le Mouvement Desjardins a enregistré des excédents avant ristournes de 1,5 G$, par rapport à 784 M$ pour la période correspondante de 2022. Les résultats de cette année ont été retraités à la suite de l’adoption en 2023 de la norme comptable IFRS 17. Le revenu net total s’est élevé à 9 G$ pour les neuf premiers mois de 2023, comparativement à 7,5 G$ en 2022. La dotation à la provision pour pertes sur créances est quant à elle passée de 197 M$ en 2022 à 298 M$ en 2023.

Cette progression s’explique notamment par la hausse des revenus nets d’intérêt et l’amélioration des résultats en assurance.

Compte tenu des nombreuses réalisations du mouvement coopératif, en 2023 et dans les années précédentes, ainsi que de son engagement lié aux facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), le jury du ­Top des ­leaders de l’industrie financière a nommé ­Guy ­Cormier Personnalité financière de l’année et lauréat de la catégorie ­Institutions financières à portée nationale. « ­Il dirige une institution financière de premier plan affichant une performance remarquable, se démarquant par ses actions en faveur de la diversité, de l’équité et de l’inclusion. »

Le jury a également souligné « l’engagement exceptionnel » de ­Guy Cormier envers la jeunesse. « Dynamique, charismatique, proche des gens de toutes les régions du Québec, il prend des décisions en accord avec les valeurs du ­Mouvement ­Desjardins », précise le jury, qui lui a attribué une mention spéciale pour son engagement communautaire.

Dans de nombreux secteurs où Desjardins est présent, la hausse des taux d’intérêt a contribué à accroître les revenus en 2023, selon ­Guy ­Cormier. De plus, ­Desjardins a réalisé des avancées dans plusieurs secteurs, notamment grâce à une gestion rigoureuse des coûts. Parmi les initiatives mises en place, la réduction jusqu’à 20 % de la superficie de son parc immobilier au ­Canada s’inscrit dans une adaptation au télétravail.

L’accent mis sur la numérisation et l’automatisation a également porté ses fruits, avec une augmentation notable des transactions opérationnelles (paiement de compte, dépôt mobile, renouvellement hypothécaire, réclamation pour assurance de dommages) effectuées de manière numérique, passant de 25 à 30 % il y a deux ans à 35 à 40 % aujourd’hui.

Autre exemple de transformation numérique : dans les centres d’appels, la reconnaissance vocale a permis de réduire considérablement les délais d’attente des clients. « C’est notre manière de rendre notre offre de services encore plus efficace, tout en réduisant nos coûts opérationnels par la numérisation de nos processus et de notre offre de services », mentionne Guy ­Cormier.

La diversification de ­Desjardins lui a permis de générer des revenus supplémentaires et de consolider sa position de l’une des institutions financières les mieux capitalisées enn Amérique du ­Nord, avec un ratio de fonds propres de la catégorie 1A de 20,8 % au 30 septembre 2023. Selon son président, cette position lui permet de réaliser des économies d’échelle importantes.

Depuis que ­Guy ­Cormier est devenu président, en 2016, l’actif de Desjardins est passé de 257 à 414 G$ en 2023. Malgré des investissements importants en technologie, l’objectif du mouvement reste de maintenir une croissance des coûts à l’intérieur de l’inflation.

Le secteur du financement commercial a été particulièrement performant, affichant une croissance de plus de 10 % du volume d’activité pour 2023, alors que les entreprises ont fait face à des défis accrus, marqués par la hausse des coûts d’intérêt et des perturbations dans la chaîne d’approvisionnement.

Desjardins a accordé une attention particulière à l’accompagnement des clients, notamment ceux du secteur commercial et des services aux particuliers. Des appels ont été effectués en 2023 auprès de plus de 70 000 membres possédant des hypothèques à taux variables afin de les aider à ajuster les modalités de remboursement en fonction des hausses de taux.

Plus de 75 % des clients ont pris des mesures à la suite de ces appels, ajustant la période d’amortissement ou le remboursement mensuel de leur prêt, voire effectuant un remboursement unique du capital.

Le secteur de l’assurance a également connu une année fructueuse, tant sur le plan du nombre de polices émises que de la performance financière. L’entreprise a réduit les délais de traitement des réclamations et d’autorisation des polices d’assurance, notamment dans le domaine de l’assurance collective, offrant des services plus personnalisés en fonction des besoins des clients. Guy Cormier soulève l’importance de l’offre combinée d’assurance collective et d’épargne collective, très appréciée des clients et des conseillers, qui a contribué à une hausse de l’appréciation dans divers sondages internes. Le secteur de la ­Gestion de patrimoine et Assurance de personnes affiche des excédents nets de 410 M$ pour les trois premiers trimestres de 2023 par rapport à 247 M$ pour la période correspondante de 2022.

La division ­Gestion de patrimoine a pour sa part enregistré une croissance de près de 10 G$ du volume en épargne et affiche une ambition claire d’augmenter ses parts de marché au Québec au cours des prochaines années.

Guy ­Cormier estime avoir réussi à créer un esprit d’équipe entre Valeurs mobilières ­Desjardins et la gestion privée Desjardins. L’acquisition d’IDC ­WorldSource en ­Ontario au premier trimestre a ouvert l’accès à plus de 5 000 conseillers indépendants offrant désormais les produits de gestion de patrimoine et d’assurance vie de Desjardins à travers le ­Canada. D’autres acquisitions suivront pour accélérer la croissance de la gestion de patrimoine dans le reste du pays.

Desjardins entend utiliser ses capacités en tant que manufacturier et distributeur pour promouvoir ses services de gestion de patrimoine auprès de ses 7,5 millions de membres, en particulier les quelque 410 000 entreprises ayant des besoins à cet égard. « ­Travailler avec nos clients existants et s’assurer du rapatriement adéquat de leurs portefeuilles chez les concurrents grâce à une offre de service très compétitive, voilà ce qui va nous permettre de gagner des parts de marché », avance ­Guy ­Cormier.

Selon la ­Banque de données des statistiques officielles sur le ­Québec, la part de marché du ­Mouvement Desjardins dans le total des prêts au Québec est passée de 34 % en 2016 à 34,6 % en 2021, oscillant entre 34 % et 35 %. Guy ­Cormier n’a pas de chiffres plus récents à communiquer.

En matière de parts de marché, Desjardins, bien que dominante au Québec, réalise près de 40 % de ses revenus à l’extérieur de la province, principalement en ­Ontario, en ­Alberta et en ­Colombie-Britannique. Guy Cormier évoque la volonté d’accroître ces parts de marché à l’extérieur du Québec, avec un accent particulier sur l’assurance de dommages, l’assurance vie et le financement d’entreprise.

Un autre défi consiste à augmenter les parts de marché au ­Québec, où Desjardins est déjà solidement implantée. Gagner un ou deux points de pourcentage dans le marché des prêts hypothécaires de la province, dont ­Desjardins détient 38 %, pourrait ne pas être justifié. « ­Nous sommes très satisfaits des parts de marché que nous avons déjà. Il serait ­peut-être plus sage de se diversifier à travers le Canada pour réduire notre exposition au marché québécois et répartir nos risques », indique ­Guy ­Cormier.

Notables engagements sociaux

Dans cette expansion, le statut de coopérative financière est un atout majeur, car Desjardins dispose d’un réseau de distribution local bien intégré dans la communauté via les caisses. « Beaucoup de membres veulent faire affaire avec des entreprises engagées socialement, et c’est ce que représente Desjardins. »

Guy ­Cormier fait remarquer que l’engagement de Desjardins dans le bien-être social et environnemental s’illustre par un accroissement du financement dans les entreprises actives dans les énergies renouvelables, notamment éolienne et solaire. Le lancement d’un produit financier swap ­ESG, en avril dernier, est un exemple d’initiative qui encourage les entreprises à adopter des pratiques plus responsables en matière d’environnement, de responsabilité sociale et de gouvernance. Le montant de la remise verte octroyée par Desjardins à ces sociétés dépend de la portée ­ESG des engagements et des efforts déployés par les entreprises pour atteindre ces résultats.

L’engagement social se manifeste également par des initiatives en faveur de l’éducation financière, avec la création du jeu ­Aléa, intégrant le gaming à cet enjeu crucial.

« ­La place des femmes chez ­Desjardins est d’une importance capitale, et encore une fois cette année, nous avons consolidé cette dimension dans le S de ESG », ajoute ­Guy ­Cormier. Le conseil d’administration du Mouvement Desjardins compte 46 % de femmes, et l’équipe de direction est paritaire. En outre, 39 % des gestionnaires leaders sont des femmes, ­rappelle-t-il.

Desjardins travaille par ailleurs à améliorer l’accessibilité de ses services pour permettre aux personnes en situation de handicap d’utiliser plus facilement les guichets automatiques ou de communiquer avec les centres d’appels. Sur le plan des différences culturelles, des ateliers sur les biais inconscients sont organisés à l’interne, afin de favoriser l’équité dans tous les secteurs et d’offrir les mêmes chances à tous les employés de progresser dans leur carrière.

La place des jeunes chez ­Desjardins passionne ­Guy Cormier. Les 19 et 20 juin derniers, à son initiative, près de 400 jeunes se sont réunis lors de l’événement ­Rêver l’impossible à Montréal. En amont, il avait achevé une tournée auprès de six jeunes chambres de commerce au Québec, d’où il est revenu avec un tas d’idées. « À la sortie de la pandémie, de nombreux jeunes avaient besoin de communiquer, de se donner de l’espoir. »

Le premier but de ­Rêver l’impossible était de permettre aux jeunes de se mobiliser, d’échanger, de construire un réseau et de retourner dans leurs milieux respectifs avec la volonté d’être des acteurs de changement. À l’issue de deux journées d’ateliers et d’échanges, trois projets ont été récompensés par des bourses de 5 000 $ pour leur concrétisation. Une cinquantaine d’autres idées émanant de jeunes ont été retenues et transmises à diverses instances.

« ­Ces jeunes nous poussent à innover et à oser. Ils nous aident à être modernes et proactifs », signale Guy ­Cormier. Cet intérêt affiché de ­Desjardins pour les jeunes incite chaque année plus de 300 000 d’entre eux à envoyer leur curriculum vitæ à l’institution financière, un apport non négligeable en période de pénurie de ­main-d’œuvre.

Pour l’avenir, Desjardins devra conjuguer innovation et prudence. « Il faut oser, mais en se rappelant qu’on ne peut pas trop faire d’erreurs. On gère le patrimoine des gens », conclut Guy Cormier.