Homme d'affaire dessinée, il a l'air perplexe, ce qui est confirmé avec une bulle de BD au-dessus de sa tête où l'on voit un point d'interrogation
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Les conseillers en placement s’appuient sur des analyses de titres financiers pour orienter leurs clients et les aider à choisir leurs placements. Ils accordent donc une importance relativement élevée à la qualité de ces recherches. Problème : ils considèrent que celles fournies par leur firme sont souvent décevantes et se tournent plutôt vers la recherche indépendante.

Selon notre sondage, la note moyenne québécoise pondérée en fonction de l’importance accordée par les conseillers à la qualité des recherches sur les titres financiers offertes par leurs courtiers s’élève à 8,3 sur 10. Cette note varie de 7,2 à 9,3, selon la firme de courtage. L’importance accordée à ce même critère d’évaluation est de 8,4 sur 10.

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Malgré ce pointage, beaucoup de conseillers se disent mécontents de la qualité des recherches internes de leur firme. « Je n’utilise pas cette recherche », commente un conseiller. « C’est pareil partout. Il n’y en a pas une qui est bonne », avance un autre. Un répondant affirme carrément qu’il n’a « aucune confiance dans les recherches [des firmes], qui sont généralement mauvaises. Y avoir recours, c’est perdre de l’argent ».

Manque de crédibilité

Dans plusieurs firmes, des conseillers trouvent souvent que ces analyses sont biaisées mais surtout, ils ont du mal à leur faire confiance. « Il y a trop de conflits d’intérêts. Jamais je n’utilise leurs ressources ou celles des banques », explique un conseiller. « Je ne leur fais pas confiance. Ils sont là aussi pour vendre leurs produits », confirme un autre. « L’industrie en général […] n’est pas une recherche crédible et fiable. C’est le dernier endroit où je vais regarder. […] Il n’y a pas de profondeur ni d’esprit critique », regrette un troisième.

Le fait que les services de recherche fassent partie des firmes de courtage fait planer la menace de la subjectivité : les analystes sont suspectés de produire des recommandations biaisées pour favoriser les titres offerts par la firme.

Un point que Jean Morissette, conseiller en stratégie d’entreprise auprès de l’industrie des services financiers, réfute : « Pour les recherches en interne, les conseillers peuvent toujours reprocher aux firmes d’être juges et parties, alors que les sources externes donnent l’impression d’être crédibles. Mais les conclusions de ces analyses ne peuvent pas être à l’inverse des autres recherches, car il est possible de comparer. Par ailleurs, les firmes sont tenues de faire leur propre recherche : elles ne pourraient pas se fier à des analyses extérieures uniquement. »

Autre reproche de la part des conseillers : les analyses ne concernent pas l’ensemble des titres. « On ne suit pas assez de gros titres dans notre service de recherche », regrette ce conseiller. Un autre répondant abonde dans le même sens : « La recherche se fait beaucoup plus sur les petites capitalisations. »

Résultat : les conseillers préfèrent souvent s’informer auprès de sources extérieures ou faire leur propre recherche. Bon nombre de conseillers déclarent ne pas utiliser la recherche de leur firme. « J’engage des consultants externes pour avoir des recherches non biaisées et étoffées », affirme l’un. « Je suis abonné à des bases de données individuelles », dit un autre. « J’utilise l’analyse indépendante », note un répondant.

Adaptation constante

L’écart entre les notes des firmes peut s’expliquer par le coût de la recherche. « Les abonnements à certaines sources d’information comme Bloomberg sont très chers. Par ailleurs, les petites firmes ne peuvent pas toujours se permettre de mettre l’argent nécessaire pour avoir des analyses mises à jour très souvent. La qualité et la fréquence des mises à jour sont donc inégales selon les firmes », observe Jean Morissette.

Parmi les répondants, ce sont les analyses réalisées par les services de recherche de BMO Nesbitt Burns, RBC Dominion valeurs mobilières et Raymond James qui reçoivent les meilleures notes. Un niveau de qualité pas facile à maintenir : « Dans les dernières années, il y a eu énormément de changements dans l’industrie des investissements, surtout avec l’arrivée des fonds négociés en Bourse (FNB), des règles liées à la Directive concernant les marchés d’instruments financiers (MiFID II) et l’augmentation des règlements dans ce secteur », souligne Bert Powell, CFA, directeur de la recherche canadienne et britannique, BMO Marchés des capitaux.

Cela demande beaucoup d’adaptation de la part même des services de recherche. BMO Nesbitt Burns a restructuré son service d’analyse pour produire « davantage de recherches thématiques afin d’aider [ses] clients à construire leur portefeuille stratégique et à comprendre les tendances du secteur », poursuit Bert Powell.

Autre changement : « Nous avons un nouveau portail de recherche de marque BMO INtel, destiné à BMO intelligence, plus rapide, plus intuitif et compatible avec les appareils mobiles, ajoute-t-il. [Il vient en plus des] trois marques associées : BMO INFact, BMO INDepth et BMO INFront. Ces marques aident les clients à définir le type de contenu dont ils ont besoin pour une partie précise de leur processus d’investissement. De manière générale, les rapports BMO INFact réagissent aux évolutions que nos clients recherchent, les rapports de BMO INDepth sont proactifs et explorent plus en profondeur un élément d’une entreprise ou d’un secteur. BMO INFront est beaucoup plus prospectif, car il explore les changements de tendance significatifs. »

Au final, le fait que les conseillers veuillent des analyses objectives et de qualité est très positif. « Ils ne doivent toutefois pas tout attendre de leurs firmes. D’aller chercher d’autres informations à l’extérieur, c’est une obligation selon moi : ça permet d’avoir d’autres opinions pour se faire sa propre idée », dit Jean Morissette.

Même avec toutes ces analyses, le risque d’erreur existe, souligne-t-il : « Dans une étude, les hypothèses sont indiquées dans un contexte et selon certains critères. Si l’environnement change, il se peut qu’il y ait des mauvaises surprises. » D’où l’importance de multiplier les sources.