Pour bien conseiller son client en cette matière, il est important de maîtriser les bases techniques et fiscales des fonds négociés en bourse (FNB).

À l’interne, les FNB ont une fiscalité identique à celle des fonds communs de placement (FCP). En effet, lorsqu’un FNB est constitué en fiducie – comme la très grande majorité – il est considéré comme une fiducie de FCP, aux fins de l’impôt. S’il est constitué en société par actions, le FNB est une société de placement à capital variable, tout comme n’importe quel autre fonds constitué en société.

Pour un investisseur, c’est la réalité de l’environnement qui fait que les impacts de la fiscalité, et non la fiscalité elle-même, peuvent être différents.

Examinons d’abord les différences entre les fiducies de FCP et les sociétés de placement à capital variable.

Les FNB constitués en fiducie peuvent attribuer l’ensemble de leurs revenus annuels aux détenteurs de parts afin de réduire leurs revenus imposables à zéro. Dans le cas des gains en capital, ils peuvent faire le choix – pour diverses raisons, notamment commerciales – de ne pas distribuer ces gains aux investisseurs et de payer un impôt fédéral remboursable en attendant de les attribuer.

Les revenus ainsi attribués conservent leur nature. Des gains en capital réalisés à la vente de titres détenus par le fonds seront attribués aux détenteurs de parts sous forme de gains en capital. Il en va de même pour les revenus, qu’il s’agisse d’intérêts, de dividendes ou de revenus étrangers.

Les FNB constitués en société, comme ce sont des actions, ne peuvent distribuer que des dividendes ou du gain en capital.

À la disposition d’un FNB, qu’il soit constitué en fiducie ou en société, un gain ou une perte en capital est réalisé, selon l’écart entre la juste valeur marchande (JVM) de la part au moment de la vente et son prix de base rajusté (PBR).

À l’instar des FCP de série T, certains FNB sont structurés de façon à distribuer un retour de capital, en espèces, évidemment non imposable jusqu’à ce que le PBR soit nul, moment où ces «retours» sont imposés comme des gains en capital. Pour ces FNB, lorsque les gains sont insuffisants pour atteindre le niveau de distribution souhaité, le manque à gagner est comblé par une distribution sous forme de retour de capital.

Une stratégie parfois utilisée par les fonds, particulièrement les FNB, est celle de la vente d’options d’achat couvertes. Le fonds émet alors un lot d’options d’achat – sur un titre qu’il détient – à un prix de levée qu’il fixe et demande une prime pour ces options.

Cette prime vient donc augmenter le rendement du fonds et limiter son potentiel de rendement sur le titre au prix de levée fixé. Fiscalement, cette prime est un gain en capital.

Ce n’est pas un hasard si vous avez eu l’impression de lire des éléments de fiscalité relatifs aux FCP : ce sont les mêmes règles. Or, il y a des différences notables.

Environnement transactionnel

L’une des distinctions les plus importantes entre les FNB et les FCP est leur environnement transactionnel. Il n’existe aucun marché secondaire pour les FCP, alors que les FNB se négocient en Bourse.

En ce qui a trait aux achats de parts de FCP, ces derniers reçoivent de l’argent des investisseurs. Ils prennent cet argent pour payer, entre autres, les rachats demandés. Si la demande d’achat est supérieure à celle des rachats, de nouvelles unités peuvent être émises en utilisant les sommes pour acheter les titres qui composent le fonds, émettant ainsi de nouvelles parts, ou fractions de parts, au bénéfice des investisseurs.

Pour ce qui est des rachats, c’est l’inverse. Les FCP doivent remettre des sommes d’argent aux investisseurs pour racheter leurs parts. Pour ce faire, en plus d’utiliser l’argent des acheteurs, il est possible qu’ils empruntent, dans une certaine mesure, mais il arrive souvent qu’ils doivent vendre des titres qu’ils détiennent. Ce faisant, ils déclenchent possiblement des gains en capital importants.

Autant pour les achats que pour les rachats, ce sont les valeurs de fin de journée qui sont comptabilisées.

Les FNB, quant à eux, se négocient tout au long de la journée. Pour assurer notamment la liquidité de ce marché, des courtiers désignés sont nécessaires. Ce sont eux qui, sur le marché primaire, créent et rachètent des parts de FNB pour que le marché secondaire soit toujours liquide et avec des cours reflétant de très près la valeur des actifs sous-jacents.

Les échanges entre les courtiers désignés et les FNB, sur le marché primaire, se font en nature – des paniers de titres sont échangés contre des blocs de parts. Cela signifie notamment que les coûts de transactions sont négligeables, beaucoup moins élevés que ceux des FCP. De plus, ces échanges en nature réduisent, voire annulent, la génération de gains en capital, particulièrement si le FNB est géré de façon passive.

En ce qui a trait aux transactions sur le marché secondaire seulement, chaque fois qu’un investisseur se départit de ses parts, un acheteur les acquiert. Le FNB n’intervenant pas dans ces transactions, aucun gain en capital n’est déclenché au sein du fonds dans ces cas.

Distribution des revenus et des gains en capital

Les revenus et les gains en capital attribués à un investisseur dans un FCP peuvent être distribués en espèces ou réinvestis, au choix de l’investisseur.

Pour les FNB, les revenus (intérêts, dividendes et revenus étrangers) attribués sont presque toujours distribués en espèces aux détenteurs de parts, alors que les gains en capital nets sont réinvestis, à moins que l’investisseur ne fasse le choix contraire. Cela signifie qu’un investisseur recevant un feuillet T3 reçoit généralement l’argent de ces attributions lorsqu’il s’agit de revenus, mais pas quand il s’agit de gain en capital.

Les fonds gérés activement, ayant une rotation de portefeuille plus élevée que celle des fonds gérés passivement, par exemple, auront souvent des gains en capital plus importants à attribuer à la fin de l’année. De ce côté, comme on l’a vu, les FNB ont un avantage sur les FCP pour un même taux de rotation à cause des échanges en nature entre les manufacturiers et les courtiers désignés.

Cela signifie que les mauvaises surprises de distributions «fantômes» – attributions de gains en capital sans distribution, à la fin d’une année – sont généralement moins importantes dans le cas des FNB.

En ce qui a trait aux distributions réinvesties, il existe une différence entre les FCP et les FNB pour les gains en capital.

Tout de suite après un réinvestissement, le détenteur de parts d’un FCP voit la valeur de chacune de ses parts légèrement diminuer (à cause de la distribution), mais son nombre de parts légèrement augmenter (à cause du réinvestissement) pour donner une valeur totale égale à celle existant avant la distribution. Le PBR, quant à lui, augmente du montant imposable de gain en capital réinvesti.

Pour un détenteur de parts de FNB, les distributions sont traitées différemment. En effet, un investisseur ne peut pas détenir des fractions de parts de FNB, comme dans le cas des FCP. Par conséquent, après un réinvestissement de gain en capital distribué, il y a «regroupement» des parts (inverse split) et leur nombre ainsi que leur valeur demeurent les mêmes. Tout comme un FCP, le PBR des parts augmente du montant de gain en capital réinvesti.

Cette différence, dans le traitement des réinvestissements, n’existe donc qu’au niveau de chaque part et non au niveau du total du compte.

De plus, un FNB peut distribuer des pertes en capital, ce que ne peut faire un FCP.

Nouvelles règles fiscales

Le budget fédéral de 2019 est venu proposer de modifier deux règles fiscales touchant les fiducies de fonds communs dont font partie les FNB constitués en fiducie. La première vise à mettre un terme à la créativité de certains gestionnaires de FNB qui contournaient des restrictions relatives à l’utilisation de produits dérivés. La deuxième, quant à elle, touche les attributions de gains en capital.

Pour la première modification, il faut savoir que, depuis 2013, si un gain était réalisé sur un «contrat dérivé à terme» (répondant à certains critères), ce gain était considéré comme un revenu, c’est-à-dire qu’il était imposé comme de l’intérêt, au lieu d’être un gain en capital comme auparavant.

Comme c’est souvent le cas en fiscalité, ces gestionnaires créatifs rendaient exclus de cette définition pénalisante leurs contrats à terme en leur ajoutant une couche de complexité. De cette façon, les gains générés sur leurs contrats à terme pouvaient continuer d’être imposés à titre de gains en capital au lieu de revenus.

Or, le budget fédéral de 2019 est venu mettre un terme à cette créativité. On a ainsi ajouté, dans la loi, un test d’objet qui fait en sorte que s’il est raisonnable de penser que l’un des motifs de la [série de] transactions est de transformer un revenu en gain en capital, le revenu sera imposé à 100 %.

À ce chapitre, un manufacturier important de FNB a décidé de convertir plusieurs de ses FNB constitués en fiducies en FNB constitués en société.

La seconde modification, quant à elle, a eu un effet sur la méthode d’attribution aux détenteurs d’unités demandant le rachat utilisée par les fonds. Cette mesure touche les fonds devant attribuer des gains en capital en fin d’année. Avec ce que nous avons vu plus haut, on comprend que les FNB devraient généralement être moins concernés par cette mesure.

Les autorités fiscales ont voulu éviter les abus en matière de réduction ou de report d’imposition en limitant le gain en capital pouvant être attribué à un investisseur désirant racheter des parts.

Avec les anciennes règles, il était possible d’attribuer «trop» de gains en capital aux investisseurs qui rachetaient leurs parts. Cette façon de faire permettait de réduire l’attribution de gains en capital à l’ensemble des autres investisseurs, ceux qui conservaient les leurs.

Si l’intention des autorités fiscale est louable, il semble que, dans la pratique, il sera très difficile de mettre ces règles en application.

Premièrement, si un gain en capital est attribué à un investisseur rachetant ses parts, il doit provenir des gains en capital du fonds et non de ses revenus (intérêts, dividendes et revenus étrangers), sous peine de voir la déduction refusée au niveau de la fiducie.

Deuxièmement, le gain en capital attribué à un investisseur rachetant ses parts devra dorénavant se limiter au gain en capital qu’il aurait réalisé s’il avait vendu ses parts à un tiers. Tout excédent d’attribution se verrait refuser la déduction.

C’est ici que les fonds ont un problème. Les FNB et les FCP au nom du courtier ne peuvent faire l’objet d’un calcul certain. En effet, le gain en capital réalisé à la vente de parts à un tiers nécessite de connaître le PBR exact des parts de l’investisseur.

Les gestionnaires ont l’habitude de fournir aux courtiers l’information permettant de calculer le PBR (moyen, il va sans dire) d’une part pour un investisseur. Cependant, à la fin de l’année, la distribution «fantôme» doit être attribuée.

Lorsque les courtiers (ou les clients si leur compte est ouvert au nom du client) reçoivent ces chiffres, ils sont en mesure de faire les calculs nécessaires pour trouver le PBR des parts. Ces calculs peuvent être fastidieux, particulièrement si le nombre de transactions impliquant le fonds est élevé.

Là où la mission est impossible pour un courtier, c’est lorsque le client fait affaire avec plus d’un courtier. Il incombe au client de calculer le PBR de ses parts et c’est lui seul, aidé ou non de professionnels de son entourage, qui peut le faire dans ce contexte. Il doit ainsi tenir compte de toutes les attributions de l’année (distribuées ou non) de même que de tous les achats et rachats. S’il peut être simple de le faire dans certains cas, il en va autrement dans beaucoup d’autres.

Dans tous les fonds constitués en fiducie, le projet de loi indique que le fonds doit faire des efforts «raisonnables» pour trouver l’information nécessaire s’il ne peut établir avec certitude l’attribution de gain en capital lors d’un rachat.

Nous avons bien hâte de voir l’évolution du mot «raisonnable».

On voit donc que la fiscalité des FNB est pratiquement identique à celle des FCP. Ce qui les distingue surtout, ce sont leurs environnements transactionnels respectifs qui font que lorsqu’on applique les mêmes règles fiscales, on peut obtenir des résultats différents.

* Directeur planification financière et optimisation fiscale, SFL Expertise