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Depuis 2022, la popularité des fonds négociés en ­Bourse (FNB) recourant à des stratégies d’options est forte. Or, il s’agit de produits complexes que les investisseurs doivent utiliser avec prudence, en sachant bien ce qu’ils peuvent et ne peuvent pas en tirer.

En 2022, les ­FNB qui utilisent des options d’achat ou des options de vente ont enregistré 4 milliards de dollars (G$) en créations nettes, soit le quart des ­FNB canadiens d’actions, selon Marchés des capitaux ­CIBC.

De janvier à mai 2023, les ­FNB de vente d’options d’achat couvertes – qui représentent 90 % des FNB de ce genre – ont engrangé des créations nettes de 1,7 G$, selon ­Valeurs mobilières ­TD, soit le tiers des entrées nettes de ­FNB canadiens d’actions.

Depuis le lancement par ­BMO ­Gestion mondiale d’actifs en 2011 du premier ­FNB de vente d’achat couvertes, le marché canadien des ­FNB à stratégie d’options s’est peuplé de 144 produits du même genre, répartis entre une dizaine de manufacturiers, totalisant un actif de 18 G$, selon le ­« Option-Based ­ETFs ­Overview » de ­Banque Nationale Marchés financiers (BNMF), publié en juillet.

Ces ­FNB à gestion active constituent un groupe hétérogène. Les ­FNB de vente d’options d’achat couvertes dominent le marché. ­Ceux-ci couvrent autant les actions canadiennes que les actions américaines ou internationales. Nombre d’entre eux sont des ­FNB sectoriels. Une poignée utilisent un effet de levier variant de 1,25 à 1,33. Ils ont comme point commun d’avoir des taux de distribution supérieurs à ceux des ­FNB traditionnels, soit de 6 % ou davantage pour la majorité.

On retrouve aussi des fonds de vente d’options de vente (put writing) dans le marché. Moins nombreux, certains produits qui utilisent les deux approches (vente d’options d’achat et vente d’options de vente) commencent à émerger. Ce secteur où on utilise la vente d’options de vente « est appelé à croître », affirme ­Erika ­Toth, directrice générale, ventes aux institutions et conseillers, ­FNB ­BMO, pour l’Est du ­Canada.

Les ­FNB misant sur les stratégies d’options sont d’abord considérés comme des stratégies d’accroissement du revenu. « ­Ces ­FNB sont devenus de plus en plus populaires parmi les investisseurs qui cherchent un revenu à la fois élevé et fiscalement plus efficace », fait ressortir CIBC. Les revenus d’options sont considérés comme du gain en capital.

Examinons la stratégie la plus répandue, qui consiste à détenir des actions d’une entreprise tout en vendant à un autre investisseur une option d’achat de ces mêmes titres. Parce que le portefeuille détient les titres ­sous-jacents, les options sont dites « couvertes ».

Par exemple, le détenteur d’une action qui se négocie à 100 $ vend, pour 1 $, une option d’achat de cette action à un prix de levée de 102 $ et ayant une échéance d’un mois. On dit que l’option est hors du cours, ou out of the money.

Si, dans un mois, le cours de l’action est inférieur à 102 $, l’option ne se sera pas exercée et l’investisseur gardera le revenu de la prime. Si le cours de l’action est supérieur à 102 $, l’option sera exercée et l’investisseur devra vendre l’action au prix de levée. En tenant compte du revenu de prime de 1 $, l’investisseur aura été gagnant si le cours de l’action reste sous les 103 $.

Or, si l’action se négocie à un niveau supérieur, l’investisseur renonce à la ­plus-value du titre ­sous-jacent, selon le rapport de ­Marchés des capitaux ­CIBC. Il s’agit d’un coût implicite potentiellement important et qui varie selon la durée de détention du ­FNB.

Lorsque les actions ­sous-jacentes se situent à l’intérieur d’une fourchette autour du prix de levée et sont légèrement plus volatiles, l’environnement est optimal pour les options d’achat couvertes, selon ­Marché des capitaux ­CIBC. Les options d’achat vendues sont moins susceptibles d’être exercées, ce qui permet à l’investisseur de percevoir des primes sans trop renoncer à la hausse. Une volatilité plus élevée entraîne des primes plus élevées, qui servent de tampon à la baisse.

Plusieurs pièces mobiles composent la mécanique d’un FNB de vente d’options, des pièces que le gestionnaire d’un FNB doit gérer avec dextérité. D’abord, il y a le niveau de couverture : ­vend-on des options sur 25 %, 33 % ou 50 % du portefeuille ? ­Plus ce pourcentage est élevé, plus la prime de vente d’options sera élevée, mais plus limitée sera la capacité d’appréciation du portefeuille.

Un autre élément tient à l’échéance des options. Plus l’échéance est lointaine, plus la prime de l’option sera élevée, et vice versa. À l’heure actuelle, tous les ­FNB à base d’options, sauf un, ont des échéances de un à trois mois.

En outre, le gestionnaire ­vend-il des options hors cours ou dans le cours ? ­Ces dernières ayant plus de chances d’être exercées, elles sont assorties de primes plus élevées.

La part de revenu de distribution provenant des primes d’options d’achat varie selon la catégorie d’actifs dans laquelle le ­FNB investit. En moyenne, cette part est de 60 %, selon ­BNMF, la différence de 40 % provenant d’autres sources de revenus comme des dividendes, des gains en capital, du remboursement de capital. Cette part peut être aussi basse que 15 %, selon l’importance des revenus de dividendes des actions ­sous-jacentes.

Promesses et réalités

Les émetteurs de ­FNB avec options affirment que ces produits sont faits pour briller dans des marchés plutôt stagnants, avec des mouvements haussiers ou baissiers restreints. Cela relève du vœu pieux, selon Dan Hallett, vice-président et associé à ­HighView ­Financial ­Group : « L’idée serait juste si des marchés stagnants évoluaient comme on le veut. » ­Tenter de prédire l’évolution des marchés ainsi que leur volatilité est généralement ardu.

L’investisseur doit bien comprendre les multiples sources de revenu qui sont distribuées par les FNB de ce genre et en saisir la complexité fiscale. De plus, il ne doit pas confondre ces distributions avec du rendement en dividende ou de l’intérêt sur un certificat de dépôt garanti, par exemple.

Par ailleurs, il doit aussi saisir que l’apparente faible volatilité des ­FNB d’options d’achat couvertes cache le fait que l’éventail des rendements est négativement asymétrique, car l’investisseur renonce implicitement aux forts rendements à la hausse sur une partie de son portefeuille, selon ­BNMF.

Une analyse de ­BNMF du comportement de trois ­FNB confirme la critique de ­Dan ­Hallett. Premier ­FNB d’options couvertes à être lancé en 2011, ­ZWB investit dans les banques canadiennes, de même que le fonds ­CIC. Disposant d’un portefeuille similaire à celui de ­ZWB et lancé la même année, le ­ZEB n’a pas recours à des options d’achat couvertes. Au terme de 11 ans, jusqu’au 30 juin 2023, ­ZWB et ­CIC affichent tous deux des rendements annualisés de 7,5 % et le ZEB, de 9,3 %.

Pour une période où le marché a fait du surplace, soit de décembre 2017 à octobre 2018, le ­CIC a affiché un rendement de -3,4 %, le ­ZWB, de -2,3 % et le ­ZEB, de -2,9 %. Et pour une période où le marché a décliné, soit de février 2022 à ­mi-juillet 2022, le ­CIC a obtenu un rendement de -20,6 %, le ­ZWB, de -21,1 % et le ­ZEB, de -22,0 %.

« L’expérience de la détention d’un ­FNB d’options d’achat couvertes dépend du cycle du marché, de la trajectoire des rendements et de la force et de la rapidité des tendances haussières », souligne ­BNMF.

L’analyse de ­BNMF de deux ­FNB dans le secteur des services publics, ­ZWU (avec options d’achat couvertes) et ­ZUT (sans options), illustre à quel point les distributions relativement élevées des FNB d’options d’achat s’accompagnent d’importants compromis.

D’octobre 2011 à juin 2023, le taux de distribution de ZWU a varié de 6 à 9 % et celui du ZUT, de 3 à 5 %. Par contre, au fil du temps, le montant distribué en dollars du ZUT a fini par rattraper celui distribué par ZWU. Ceci s’explique par le fait que la valeur liquidative de ZUT s’est appréciée, alors qu’elle a décliné pour ZWU.

Or, en renonçant à une partie des gains à la hausse, l’investisseur a également sacrifié les revenus futurs provenant de cette appréciation.

Ainsi, « un investisseur qui aurait injecté un même montant dans ­ZUT et ­ZWU en 2011 aurait reçu en mai 2023 les mêmes montants en distributions des deux produits », écrit ­BNMF.

Cela découle du fait que ­ZWU possède à terme moins de parts que ­ZUT, après que ­ZWU eut été occasionnellement contraint de vendre des actions lorsque les options ont été exercées.

Au cours des 12 mois précédant juin 2023, la distribution perçue pour le même investissement dans ­ZUT est de 0,90 $ et de 0,94 $ pour ­ZWU (6 % de plus). Entretemps, la position de 100 $ dans ­ZUT a augmenté pour atteindre 138 $, tandis que ­celle de ZWU s’est érodé à 72 $. « ­Du point de vue du rendement total, les deux ­FNB semblent offrir une performance corrélée, le ­FNB de vente d’options d’achat couvertes étant à la traîne en raison des conditions généralement haussières qui caractérisent la plupart des investissements en actions sur le (très) long terme », écrit BNMF.

Les analyses de ­BNMF s’appuient toutefois sur des stratégies d’options, des secteurs et des périodes de marché précis. Une étude du Chicago Board Options Exchange, rapportée par Investopedia, constate que, de 1986 à 2011, une stratégie d’options couvertes dans le cours (­at-the-money) avec le S&P 500 a donné un rendement de 830 % comparativement à un rendement de 807 % pour l’indice S&P 500.

Nombre d’analystes jugent que des ­FNB avec stratégies d’options visent l’investisseur qui cherche d’abord et avant tout du revenu, à plus ou moins court terme, plutôt que du rendement à long terme. L’investisseur qui veut bénéficier d’une fiscalité moins lourde sur ces distributions peut aussi y trouver son compte.

Pour l’investisseur qui veut accéder au monde des options, les ­FNB avec options apportent une simplification bienvenue : « ­Suivre tous les prix d’exercice, repérer la bonne stratégie et les bonnes options, cela absorberait beaucoup de temps », dit ­Erika ­Toth.

Les stratégies d’options entraînent évidemment des coûts et des désavantages, note ­BNMF : une participation à la hausse réduite, des coûts de transaction accrus liés au traitement des options et des écarts cours ­acheteur-cours vendeur plus grands, des frais de gestion plus élevés, une complexité de produit et de traitement fiscal plus importante.

Erika ­Toth émet quelques mises en garde. « ­Si les revenus semblent trop beaux pour être vrais, c’est probablement le cas », ­dit-elle. En effet, certains ­FNB affichent des taux de distribution de 14 %, 15 % et même 47 % ! ­Un regard sous le capot s’avère indiqué. La firme « ­est-elle capable de les [les taux de distribution] soutenir sans miner la valeur liquidative du fonds ? »

Elle a des réserves face aux ­FNB offrant un effet de levier. « ­En ajoutant du levier, vous amplifiez votre potentiel de perte, alors que votre capacité à la hausse est limitée. Les gains sont asymétriques. » ­CIBC renchérit sur ce point : « L’effet de levier porte un coût et il est susceptible de contrecarrer les avantages d’atténuation de la volatilité associés à la vente d’options. » ­De plus, avertit ­BMO, « le financement supplémentaire requis pour l’effet de levier peut nuire aux rendements.

Surtout, si un client a une perspective à long terme, ­Erika Toth le concède : vaut mieux oublier les ­FNB d’options d’achat couvertes. Par contre, à court terme, un ­FNB couvert peut faire l’affaire, par exemple « si vous requérez un certain pourcentage pour atteindre le niveau de retraits d’un FERR, ou si avez besoin de flux de trésorerie fiscalement efficaces dans un compte non enregistré », ­dit-elle.

Enfin, il faut avoir à l’œil « le niveau d’expérience et la durée du mandat de l’équipe de gestion, et le niveau de transparence du produit », ­propose-t-elle.