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Les fonds négociés en Bourse (FNB) ont connu beaucoup de volatilité au cours des 30 dernières années, mais rien de comparable à l’effondrement des marchés observé en mars.

Peu avant le krach de la COVID-19, les FNB inscrits à une Bourse canadienne ont connu des ventes mensuelles records de 8,4 G$ en février, selon un rapport de la Financière Banque Nationale (FBN). Les actifs sous gestion en FNB canadiens se situaient juste au-dessus des 210 G$ au début de mars.

Puis, la situation a déraillé. Du 4 au 23 mars, l’indice composite S&P/TSX a chuté de 33 %, l’indice Dow Jones Industrial Average a perdu 31 %, l’indice composite Nasdaq a reculé de 24 %, et l’indice S&P 500 a baissé de 29 %.

L’actif sous gestion des FNB en a pris un coup, tombant à 191 G$ à la fin de mars – mais les créations nettes de FNB n’ont pas cessé.

Banque Nationale Marchés financiers indique que les FNB ont réalisé des ventes nettes de 2,9 G$ en mars, «malgré une volatilité sans précédent». En comparaison, les fonds communs de placement (FCP) ont enregistré des rachats nets de 14,1 G$, selon l’Institut des fonds d’investissement du Canada (IFIC).

Pourquoi un tel écart ?

Les FNB ont toujours bénéficié de la volatilité des marchés, affirme Daniel Straus, directeur, recherche et stratégie en FNB, chez FBN.

Toutefois, selon lui, les FNB occupent toujours une part «relativement faible» du marché canadien des fonds d’investissement – 12 % en juin, selon les données de l’Association canadienne des FNB (ACFNB). Les investisseurs, note-t-il, ont beaucoup plus d’argent investi dans les FCP.

«S’il y a une vente massive, les gens vendent leurs FCP, remarque Daniel Straus. Puis ils ne savent pas quoi acheter, alors ils choisissent la position par défaut qui, de plus en plus, est les FNB.»

Il est devenu courant, selon Daniel Straus, de voir «d’énormes afflux» dans les FNB durant les stades précoces d’un marché baissier – en particulier dans les FNB à faible coût. C’est exactement ce qui s’est passé en mars : 4 G$ ont été investis dans des FNB d’actions, dont 2,9 G$ dans des fonds indiciels pondérés en fonction de la capitalisation boursière.

«Lorsque la volatilité est à son apogée, on assiste à des entrées massives dans les FNB indiciels les moins chers et les plus simples, explique Daniel Straus. Ils sont extrêmement bon marché, extrêmement liquides et ils peuvent convenir comme place de stationnement temporaire.»

Mark Raes, chef de produit chez BMO Gestion mondiale d’actifs, à Toronto, non plus n’a pas été surpris par les afflux de capitaux vers les FNB observés en mars.

«Lorsque vous voyez ces pics de volatilité, l’utilisation des FNB augmente considérablement, explique Mark Raes. Cela témoigne de la liquidité, de la négociabilité et de l’efficacité des FNB, et du fait que les utilisateurs se tournent vers eux pendant ces périodes pour entrer et sortir des marchés.»

La volatilité du mois de mars a également mis à l’épreuve l’un des mythes prédominants concernant les FNB, à savoir que les fonds indiciels risquent de fausser les cours des actions.

L’argument est le suivant : si les investisseurs injectent des tonnes d’argent dans les fonds indiciels, le prix des actions de tous les titres sous-jacents augmentera, quelle que soit la qualité de ces entreprises prises individuellement. Comment les prix peuvent-ils être déterminés convenablement si les fonds indiciels dictent les cours des actions ?

«J’espère vraiment que cet argument a été complètement démonté par ce que nous voyons se produire sur le marché, confie Daniel Straus. Nous constatons toujours de gros afflux de capitaux dans les produits indiciels, et pourtant, les actions de l’indice font l’objet d’un ping-pong dans tous les sens en fonction de l’humeur sur les marchés.»

Les cours des actions des sociétés de location de voitures et des compagnies aériennes ont chuté en mars, note-t-il, tandis que des sociétés comme Shopify ont grimpé en flèche.

«Il est logique de penser, en théorie, que si le monde entier était passif, il n’y aurait pas de fixation des prix sur le marché boursier, dit Daniel Straus. Ce marché baissier a démontré que nous sommes très loin de cet état.»

Or, les turbulences du marché ont révélé d’autres problèmes. Pendant environ deux semaines en mars, le marché des obligations d’entreprises a été paralysé faute d’acheteurs. Les écarts entre les cours acheteur et les cours vendeur se sont creusés, et les FNB d’obligations d’entreprises ont commencé à se négocier avec un fort escompte par rapport à leur valeur liquidative.

Le moment aurait été mal choisi pour vendre les FNB d’obligations d’entreprises, mais il aurait été bien choisi pour en acheter.

«Au début, on s’est beaucoup demandé si ces FNB agissaient correctement, puis les gens ont commencé à réaliser que le problème ce n’était pas les FNB, mais le marché obligataire», commente Mark Raes.

Les investisseurs qui détenaient directement des obligations individuelles ont aussi eu du mal à les négocier pendant la dislocation du marché. Même si les FNB d’obligations de sociétés se négociaient à escompte, ils étaient quand même liquides, contrairement aux titres individuels.

«Cette situation est devenue un point de validation pour les FNB, explique Mark Raes. [Les FNB] se négociaient et le prix évoluait.»

Les flux vers les FNB sont restés positifs chaque mois depuis le krach boursier.

Les FNB sur l’or ont connu leur meilleur mois d’avril, selon Banque Nationale Marché des capitaux, tandis que les actifs sous gestion des FNB ont franchi le seuil des 200 G$ une fois de plus, en grande partie grâce à la reprise des marchés des actions.

Les créations nettes de FNB se sont élevées à 2,4 G$ en mai – les FNB à revenu fixe ont rebondi après deux mois consécutifs de rachats – 4 G$ en juin et 6,2 G$ en juillet.

«Nous avons été agréablement surpris chaque mois de rester positifs, même si les marchés ont subi des baisses assez importantes», déclare Pat Dunwoody, directrice exécutive de l’ACFNB.

Pat Dunwoody souligne que les investisseurs de FNB ont tendance à afficher des résultats élevés en matière de connaissances financières, selon une étude de Credo Consulting, d’Oakville, en Ontario. Cela pourrait signifier qu’ils sont plus susceptibles de maintenir le cap en période de volatilité.

«[Les investisseurs de FNB] comprennent dans quoi ils investissent, déclare-t-elle. Par conséquent, je pense qu’ils ont tendance à ne pas vendre lorsque les marchés font des folies. Ils sont davantage convaincus d’avoir acheté le bon produit à long terme.»

Les marchés se sont considérablement redressés depuis mars, mais il est possible que la COVID-19 porte un autre coup dévastateur, en particulier s’il y a une deuxième vague d’infections.

Si la pandémie fait à nouveau des ravages sur l’actif sous gestion en FNB, est-il possible que les frais augmentent alors que les gestionnaires seront confrontés à une baisse de leurs profits ?

«Je ne pense pas que la volatilité du marché et l’évolution de notre activité auront un impact sur nos frais», déclare Pat Chiefalo, directeur général et responsable de iShares Canada chez BlackRock Asset Management Canada.

Pat Dunwoody fait remarquer que les FNB fonctionnent «avec une faible marge de toute façon» et doute que la baisse des revenus des fournisseurs de FNB ait un impact important sur les frais.

«Certains des plus petits [manufacturiers] peuvent avoir des inquiétudes, car ils n’obtiennent pas les flux d’actifs qu’ils attendaient, explique Pat Dunwoody. Mais les 15 ou 20 plus importants fournisseurs de FNB en termes d’actif géré savent combien il leur en coûte pour gérer leurs produits et ils continueront à le faire.»

À ce jour, les ventes de FNB dépassent largement les niveaux de 2019 et sont en passe d’établir un nouveau record annuel.

La Banque Nationale a indiqué que les flux vers les FNB au cours du premier semestre 2020 ont totalisé 22,4 G$, soit plus du double des ventes nettes de FNB au cours des six premiers mois de 2019. À la fin de juillet, les flux des FNB s’élevaient à 29 G$ et l’actif sous gestion en FNB avait dépassé les 230 G$.

La volatilité des mois de mars et avril a prouvé que les FNB n’ont pas les effets négatifs sur les marchés financiers que l’on pensait qu’ils pourraient avoir, déclare Steve Hawkins, président et directeur général de la société torontoise Horizons ETFs Management (Canada).

«Pendant toute cette tourmente, les investisseurs canadiens ont fait des FNB l’outil d’investissement de choix, et nous pensons que cette tendance va se poursuivre, déclare-t-il. Je ne pense pas que nous verrons une autre année où les ventes de FCP dépasseront les ventes de FNB.»