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Le régime enregistré d’épargne-études (REEE) est un outil efficace pour financer les études postsecondaires. Malgré ses avantages, dont le rendement obtenu en combinant les subventions et les revenus de placements, ces bénéfices peuvent être anéantis lorsque survient un décès ou la rupture du mariage dans l’éventualité d’un divorce ou d’une séparation légale.

Tous les régimes enregistrés, y compris les REEE, sont légalement des contrats civils même s’ils sont des créations des lois fiscales. Cette caractéristique les rend susceptibles d’erreurs dans le transfert éventuel de propriété qui pourrait se présenter dans le cadre d’une séparation ou d’un décès. Il est donc nécessaire de se poser les bonnes questions au moment de souscrire un tel régime.

Qui devrait être le souscripteur du REEE ?

Les promoteurs de REEE offrent généralement deux types de régime : le REEE individuel et le REEE familial. Si le régime est individuel, le souscripteur (propriétaire) peut être n’importe qui. Il n’est pas exigé qu’il soit un résident canadien ou qu’il ait un lien familial avec le bénéficiaire. Le souscripteur peut être le bénéficiaire lui-même.

Ici, nous traiterons exclusivement du régime familial. Les règles applicables se compliquent alors, puisqu’il est possible de nommer plusieurs bénéficiaires et que chacun d’eux doit être uni par les liens du sang ou de l’adoption à chacun des souscripteurs vivants, ou avoir été ainsi lié à un souscripteur initial décédé. Ce sont souvent les grands-parents qui fournissent les sommes nécessaires pour financer le régime. De façon légitime, ces derniers veulent parfois garder le contrôle sur le capital investi qui continue à appartenir au souscripteur. Le contrat est donc souscrit à leur nom avec leurs petits-enfants, souvent issus de plusieurs familles, désignés comme bénéficiaires.

Doit-on considérer le régime matrimonial du souscripteur ? 

Le REEE ne fait pas partie des biens inclus dans le partage du patrimoine familial. Conséquemment, les sommes accumulées ne seront pas partageables si un seul des conjoints en est le souscripteur, même si l’on veut financer les études des enfants du couple. Il en est de même pour les conjoints de fait. Or, le REEE pourrait faire l’objet d’un partage si le souscripteur était marié sous le régime de la société d’acquêts, ou celui de la communauté de biens.

Il arrive aussi que les grands-parents soient d’accord pour transférer de l’argent à même leurs propres fonds pour financer un REEE dont les parents des bénéficiaires sont les souscripteurs. Ils y mettent souvent une condition, soit que le montant ainsi donné à leur fils ou leur fille ne soit pas inclus dans le partage éventuel des biens du couple en cas de rupture, sans que des précautions soient prises pour faire la preuve que ces transferts constituent un don exclu de tout partage. L’indication des deux parents comme souscripteurs dans de telles circonstances peut aussi être problématique en cas de rupture, car l’un ou l’autre des conjoints peut devenir le nouveau souscripteur. La preuve écrite étant la meilleure, il serait alors avisé d’indiquer par écrit que les sommes transférées dans le REEE ainsi que les revenus générés sont des propres et ne peuvent être partagés entre les conjoints.

Il est conseillé de conserver les chèques ou, dans le cas de transferts électroniques, les bordereaux de transfert que l’on aura imprimés. Des copies des relevés bancaires ou autres outils financiers ayant servi à faire ces transferts ne sont pas toujours disponibles auprès des institutions financières après une certaine période de temps. Quand ils le sont, les frais facturés pour y accéder peuvent être considérables. Enfin, le REEE fait partie des actifs du ou des souscripteurs et, à ce titre, il est susceptible d’être saisi en cas d’insolvabilité et de faillite.

Que se passe-t-il en cas de rupture ?

Il est possible de remplacer le souscripteur du contrat original par un époux ou un conjoint de fait. On peut aussi changer le souscripteur, sans impact fiscal, sans même qu’il y ait de lien du sang ou d’adoption avec le ou les bénéficiaires. Le nouveau souscripteur est alors réputé avoir versé toutes les cotisations. Malgré cette souplesse, il n’est pas toujours facile de maintenir le régime. Ne pensons qu’à la situation des familles recomposées dont les ex-conjoints peuvent avoir des intérêts divergents, surtout si les enfants bénéficiaires ne sont pas issus de l’union. Rares sont les juristes qui maîtrisent les subtilités relatives aux régimes enregistrés. Il arrive que les termes utilisés pour la rédaction de la convention de séparation ou le jugement de divorce ne permettent pas d’exécuter le transfert et oblige la liquidation du régime.

La situation n’est pas meilleure lorsque le transfert survient en raison d’un décès. La plupart des testaments contiennent des dispositions spécifiques pour le legs des régimes enregistrés d’épargneretraite, fonds enregistrés de revenu de retraite ou autres régimes de retraite. Comme le REEE n’est pas un régime d’épargne-retraite, s’il n’y a pas de clauses spécifiques à ce dernier dans le testament, il sera relégué à la masse des biens de la succession et pourra échoir à des membres de la famille auxquels il n’était pas destiné. Il en est de même en l’absence de testament. Imaginons des situations familiales explosives dans lesquelles des héritiers ont des intérêts divergents, ce qui se présente assez souvent en pratique.

Quelles sont les conséquences d’un transfert mal planifié ?

Le défaut de prévoir adéquatement le transfert du REEE peut obliger la liquidation du régime, ce qui a des conséquences onéreuses du point de vue fiscal, mais aussi pour les bénéficiaires du régime, car ils perdront l’aide aux études sur laquelle ils comptaient. Dans ces circonstances, les subventions et les bons offerts par les gouvernements, dont l’incitatif québécois àl’épargne-études (IQEE), doivent être remboursés. Le souscripteur peut reprendre le capital investi sans incidence fiscale et recevoir un paiement de revenus accumulés (PRA) sur une base d’impôt différé, si certaines conditions sont respectées. En pratique, le montant du PRA est soumis à deux impôts: l’impôt sur le revenu ordinaire et un impôt supplémentaire de 20% (au Québec: 12% d’impôt fédéral et 8% d’impôt provincial). Le souscripteur original ou son conjoint, si le REEE lui est transféré dans le cadre d’une séparation ou d’un divorce, peut réduire le montant du PRA soumis à l’impôt jusqu’à un maximum de 50000$, à condition que le maximum déductible au titre du REER équivalant au montant du PRA lui soit disponible.

Si la liquidation survient dans le cadre du décès du souscripteur, le nouveau souscripteur ne peut pas transférer le PRA dans son propre REER. Seul le conjoint survivant pourra bénéficier de la possibilité d’utiliser son REER pour recevoir le montant du PRA, à condition d’avoir les droits de cotisation disponibles.

Les conseillers qui offrent des REEE devraient renseigner leurs clients sur la façon la plus opportune de structurer la propriété et le transfert de ces biens du vivant ou au décès, en tenant compte des particularités de leurs relations familiales. À cette fin, on doit poser les bonnes questions et suggérer des modes de transfert adéquats. Par exemple, comme le capital appartient au nouveau souscripteur et qu’il peut le retirer à sa guise, serait-il judicieux de léguer le REEE directement au parent d’un enfant qui a des difficultés financières et risque la faillite? Dans les situations hasardeuses où le souscripteur craint que ses volontés ne soient pas respectées, il est possible de léguer le REEE à un régime autonome d’administration qui ne serait pas une fiducie. Ce type de legs nécessite une rédaction extrêmement rigoureuse du point de vue tant civil que fiscal.

Hélène Marquis est directrice exécutive, Planification fiscale et successorale, Gestion privée CIBC