stockasso / 123rf

Le Régime enregistré d’­épargne-invalidité (REEI) est sans aucun doute le régime d’épargne le plus généreux au ­Canada. Avec les subventions canadiennes pour l’­épargne-invalidité (SCEI), qui peuvent aller jusqu’à 300 % des cotisations, et les bons canadiens pour l’épargne-invalidité (BCEI) pour les familles à faibles revenus, un conseiller a tout avantage à proposer ce régime à ceux qui sont admissibles au crédit d’impôt pour personnes handicapées (CIPH). Alors, pourquoi le ­REEI ­est-il encore méconnu ?

En 2022, ­Statistique ­Canada a mené une étude sur l’épargne pour les personnes handicapées afin de déterminer la raison pour laquelle les personnes admissibles au ­REEI n’en ont pas encore ouvert un. Entre autres, plusieurs ont mentionné que le régime était compliqué, soit en raison des formulaires à remplir ou de la difficulté à se rendre à la banque pour ouvrir un régime.

Le gouvernement tente d’améliorer l’admissibilité et la facilité du régime depuis plusieurs années, et continue ses efforts pour mettre en œuvre certaines mesures facilitant l’admissibilité et l’ouverture du régime. Voici un survol des changements les plus récents au ­REEI et au ­CIPH.

1. Élargissement des critères du ­CIPH : Le ­CIPH vise à aider financièrement les personnes ayant une déficience grave et prolongée des fonctions physiques et mentales. Toutefois, ce crédit d’impôt est un des plus difficiles à obtenir. Pour y être admissible, le bénéficiaire doit répondre à de nombreux critères et être approuvé par l’Agence du revenu du ­Canada (ARC). D’ailleurs, plusieurs représentations sont faites au gouvernement, notamment par le ­Comité consultatif des personnes handicapées, qui conseille l’ARC quant à la façon dont elle peut améliorer l’application et l’interprétation des mesures fiscales pour les handicapés.

Ainsi, dans le cadre du budget de 2021, le gouvernement a modifié un critère important pour la reconnaissance des soins thérapeutiques essentiels au maintien de la vie. Le nombre de fois où une personne devait recevoir un traitement pour être admissible au ­CIPH a été réduit de trois à deux par semaine. La nouvelle définition tient également compte du temps que les fournisseurs de soins secondaires consacrent à l’administration de soins thérapeutiques essentiels au maintien de la vie. Cette modification a eu des répercussions avantageuses pour les personnes atteintes de diabète de type 1, autrement non admissibles au ­CIPH en raison de la gestion de leurs soins thérapeutiques.

2. Plafond des frais de promoteur de ­CIPH : ­Si votre client a besoin d’aide pour préparer sa demande de ­CIPH, il existe certains promoteurs qui offrent leur soutien moyennant des frais. En 2019, l’ARC avait rédigé un nouveau règlement qui prévoyait qu’un promoteur ne pouvait exiger des frais de plus de 100 $ pour une demande d’admissibilité au ­CIPH, y compris les appels. L’objectif des frais était d’encourager les contribuables à demander de l’aide, et d’éviter que les promoteurs facturent des honoraires excessifs pour leurs services en fonction des sommes importantes qui peuvent être réclamées.

Toutefois, en raison d’une injonction déposée par un groupe de promoteurs, le nouveau règlement n’est pas entré en vigueur. On a plutôt apporté une modification à une politique administrative liée au règlement actuel sur les restrictions applicables aux promoteurs de ­CIPH : les honoraires maximaux de 100 $ s’appliqueront seulement aux nouvelles demandes, mais pas à un avis d’opposition. Ainsi, nous pouvons croire que l’objectif d’attirer des premiers demandeurs de ­CIPH sans avoir à craindre des abus des promoteurs est atteint.

3. Conserver le ­REEI en cas de perte du ­CIPH : L’ARC peut en tout temps réexaminer l’admissibilité d’une personne au ­CIPH et exiger de revoir le formulaire T2201 avec une nouvelle évaluation d’un professionnel de la santé.

Si un bénéficiaire n’est plus admissible au ­CIPH, il est maintenant possible de conserver le ­REEI ouvert sans devoir rembourser les subventions et les bons au gouvernement. Par le passé, le titulaire devait fermer le régime au plus tard le 31 décembre de l’année suivante ou pour une période allant jusqu’à cinq ans s’il était probable qu’il redevienne admissible au ­CIPH dans un avenir prévisible. À la fermeture, les ­SCEI et les ­BCEI versés au régime dans les dix dernières années devaient être remboursés.

Avec cette mesure, les montants accumulés à l’intérieur du régime demeurent à l’abri de l’impôt jusqu’au retrait des montants même si aucune cotisation ni subvention ne peuvent être versées dans le régime. Un roulement au REEI peut toujours se faire à partir d’un régime enregistré d’un parent ou d’un ­grand-parent décédé, mais il doit être fait avant la fin de la quatrième année d’imposition suivant l’année de la perte du ­CIPH.

4. Élargissement de l’ouverture d’un ­REEI : ­Lors du dernier budget fédéral, le gouvernement a reconduit la mesure selon laquelle un représentant légal pouvait ouvrir un compte pour un bénéficiaire adulte qui n’est pas capable de conclure un contrat. Cette mesure, qui devait prendre fin en décembre prochain, restera en vigueur jusqu’en décembre 2026.

Sommairement, si le bénéficiaire est un adulte qui n’est pas capable de conclure un contrat, un représentant légal doit être le titulaire du ­REEI. Toutefois, la définition de représentant légal n’est pas la même dans chaque province, et cette mesure prévoyait provisoirement la désignation d’un membre de la famille admissible en tant que représentant légal, le temps que les provinces et les territoires trouvent des solutions plus appropriées et à long terme pour régler la question de la représentation légale des personnes en situation de handicap aux fins des ­REEI.

Jusqu’à récemment, un membre de famille admissible était le parent légal, l’époux ou le conjoint de fait. Afin de permettre plus d’ouvertures de ­REEI, la définition d’un membre de la famille admissible a été élargie pour inclure le frère ou la sœur du bénéficiaire.

5. Nouvelle procédure : L’accès au ­CIPH commence par la soumission d’un formulaire T2201. Ce dernier permet d’identifier le demandeur ainsi que de fournir l’attestation de l’état de santé faite par un professionnel de la santé. Le formulaire était jusqu’à tout récemment disponible en version papier. Une fois que l’ARC a reçu tous les formulaires et renseignements requis, elle envoie généralement un avis de réponse dans un délai de huit semaines. Si des renseignements manquent ou ne sont pas clairs, le traitement peut prendre plus de temps.

En juin dernier, l’ARC a lancé une nouvelle procédure entièrement numérique pour demander le ­CIPH afin de simplifier et accélérer la demande puisqu’elle évite le transfert de copie papier. Le formulaire comme tel n’a pas changé.

Avec la nouvelle procédure, la partie A du formulaire T2201 sera déjà remplie avec les informations que l’ARC a sur le dossier du demandeur. Par la suite, un numéro de référence sera émis pour le faire acheminer au professionnel de la santé, qui va remplir la partie B, soit l’attestation de son état de santé.

6. Nouveau programme de solidarité sociale : ­Bien que l’aide sociale ne soit pas directement en lien avec le ­REEI, il pourrait arriver que les prestataires de l’aide sociale aient un ­REEI. L’aide sociale est une aide de « dernier recours » et est censée couvrir tous les besoins de base.

La ­Loi sur l’aide aux personnes et aux familles ainsi que son règlement ont récemment été mis à jour pour notamment actualiser les multiples programmes de l’aide sociale, tels que le ­Programme objectif emploi, le Programme d’aide sociale, le ­Programme de solidarité sociale et le nouveau ­Programme de revenu de base. Sommairement, ces programmes permettent aux personnes à faible revenu et qui répondent à certains critères d’obtenir un montant d’argent. Cette somme permet de payer la nourriture, le logement, etc.

Le ­Programme de revenu de base est entré en vigueur le 1er janvier 2023 et permet d’avoir un revenu de base plus élevé. Pour être admissible, il faut notamment être prestataire du ­Programme de solidarité sociale et avoir eu des contraintes sévères à l’emploi pendant au moins 66 mois au cours des 72 mois précédents. Il vise à mieux soutenir les prestataires dont les contraintes sévères à l’emploi sont persistantes. Le soutien financier s’ajoute aux montants des prestations du ­Programme de solidarité sociale, ce qui augmente le revenu de base élevé.

Le montant du nouveau programme est réduit lorsque le prestataire reçoit d’autres revenus et détient des biens comme des ­REER ou un ­CELI. Heureusement, le règlement prévoit que les sommes accumulées dans un REEI sont exclues aux fins du calcul de la prestation, tout comme le ­Programme d’aide sociale et le ­Programme de solidarité sociale. Malgré ses modifications, le ­REEI demeure complexe du fait de ses multiples règles. Il demeure quand même que c’est le régime qui offre le plus de subventions possibles. Le ­REEI a pour objectif d’assurer à long terme la sécurité financière d’une personne handicapée, et nous pouvons espérer qu’il y aura d’autres modifications législatives dans les prochaines années afin de ne pas décourager l’ouverture d’un ­REEI. ­

* ­CIWM, ­Pl.Fin, M.Fisc., ­président, ­Banque ­Nationale ­Planification et ­Avantages sociaux