Des mains de plusieurs couleurs formant un cercle autour d'un coeur
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Après avoir tenu une consultation publique au sujet des modifications à apporter à l’égard des obligations d’information et de lignes directrices en matière de gouvernance et de diversité, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) sont à l’étape d’étudier les diverses propositions obtenues de la part de plus d’une soixantaine d’intervenants.

Les propositions de modifications en matière de gouvernance portaient sur la sélection des candidats au conseil d’administration et son renouvellement. Tout en conservant les obligations d’information liées à la représentation féminine, les ­ACVM souhaitent élargir les exigences d’information à d’autres aspects liés à la diversité.

Des projets de modifications ont donc été proposés au Règlement ­58-101 sur l’information concernant les pratiques en matière de gouvernance, mais aussi à celui de l’Instruction générale ­58-201 relative à la gouvernance.

Le but visé par la démarche des ­ACVM est « d’accroître la transparence sur le plan de la diversité féminine, et autre, au conseil d’administration et aux postes de membres de la haute direction ». Elles veulent fournir aux investisseurs de l’information utile à la prise de décisions afin qu’ils comprennent mieux « l’imbrication de la diversité et des décisions stratégiques de l’émetteur ».

Au printemps dernier, les ­ACVM ont lancé une consultation sur deux approches, qui reflètent les divergences d’opinion entre diverses autorités en valeurs mobilières. Selon la firme d’avocats ­Fasken, la première (proposition A) « est une approche flexible à l’égard de la communication d’information sur la diversité, ­au-delà du genre, qui n’exige pas la communication de données sur un groupe précis ». La seconde (proposition B) est « une approche contraignante quant à la communication de données sur les ­Autochtones, les personnes de la communauté ­LGBTQ2SI+, les personnes racisées, les personnes handicapées et les femmes ». La firme d’avocats rappelle que, depuis 2020, les sociétés ouvertes régies par la ­Loi canadienne sur les sociétés par actions sont déjà tenues de fournir des renseignements supplémentaires sur la diversité.

La ­Caisse de dépôt et placement du ­Québec (CDPQ) a rappelé l’importance de la diversité au sein des instances dirigeantes d’une société et sa contribution à l’amélioration de la performance des entreprises. « Néanmoins, la ­CDPQ croit que l’atteinte de cet objectif ne doit pas se faire au détriment de la compétence des administrateurs et administratrices et des membres de la haute direction des sociétés. Il en va de leur bonne gouvernance et de leur capacité à créer de la valeur à long terme. » ­Le gestionnaire institutionnel s’est dit davantage favorable à la version B, qui « semble adaptée aux besoins des investisseurs dans la mesure où elle identifie clairement les groupes désignés, et ce, de façon harmonisée et alignée ».

Son de cloche similaire du côté de ­Teachers, le régime de retraite des enseignants de l’Ontario, qui souligne dans son préambule combien la diversité dans les conseils d’administration et les postes de dirigeant est une composante essentielle d’une bonne gouvernance. Favorable à l’option B, ­Teachers rappelle ce qu’elle entend par diversité, c’­est-à-dire « comment l’ensemble du spectre des caractéristiques humaines, des perspectives, des identités et des origines a des impacts positifs sur l’efficacité d’un conseil d’administration et sur la performance d’une organisation ». Elle souligne que, comme régime de retraite, elle surveille « constamment nos investissements pour garantir une démonstration appropriée de l’engagement envers la diversité à travers toutes ses différentes caractéristiques ».

Le ­Canadian ­Advocacy ­Council du ­CFA ­Societies Canada appuie l’approche adoptée dans la version B. « ­La divulgation standardisée rend moins coûteux pour les investisseurs de comparer les divulgations des émetteurs entre eux et au fil du temps, facilitant ainsi des votes plus éclairés et d’autres décisions en matière d’investissement. » ­Le conseil se dit par ailleurs sceptique quant à savoir si l’approche adoptée dans le formulaire A est compatible avec les engagements législatifs fédéraux et provinciaux envers les peuples autochtones et la communauté ­LGBTQ2SI+. « ­Nous invitons les régulateurs qui approuvent cette proposition à reconsidérer leur position à la lumière de ces engagements. »

FAIR ­Canada, un organisme de défense des droits des investisseurs, privilégie la proposition B. « ­Nous comprenons que l’approche prise avec la proposition A vise à offrir aux émetteurs une plus grande souplesse pour déterminer leur propre diversité et leurs propres pratiques de divulgation de l’information, mais nous sommes préoccupés par le fait que cette souplesse puisse se faire au détriment des investisseurs, en particulier les petits investisseurs. »

L’Institut des fonds d’investissement du ­Canada (IFIC) est aussi en faveur des amendements proposés dans la proposition B, « qui exigeraient spécifiquement une déclaration obligatoire sur la représentation des cinq groupes désignés, à savoir les femmes, les peuples autochtones, les personnes racisées, les personnes handicapées et les personnes ­LGBTQ2SI+, au sein des conseils d’administration et des postes de cadres ». Selon l’IFIC, les gestionnaires de placements utilisent les informations liées à la diversité pour évaluer les risques et les possibilités d’investissement des émetteurs individuels et orienter leurs activités d’engagement des entreprises et de vote par procuration.

The ­Portfolio ­Management ­Association of ­Canada (PMAC) applaudit la consultation des ­ACVM. « Non seulement une divulgation renforcée aidera les investisseurs à prendre des décisions plus éclairées, mais elle est également susceptible de déclencher d’autres résultats que nous considérons comme bénéfiques », ­est-il écrit. Dans le contexte social canadien, le ­PMAC est d’avis qu’une ­main-d’œuvre diversifiée apporte des perspectives différentes, ce qui améliore la culture d’entreprise, la prise de décision et encourage l’innovation. « ­Cela contribue à réduire les risques d’entreprise et favorise des produits et services de qualité supérieure répondant mieux aux besoins des clients canadiens, ce qui attirera des capitaux supplémentaires [] et renforcera la compétitivité du Canada à l’échelle internationale. »

Selon l’organisme ­Principles for ­Responsible ­Investment, les ­ACVM doivent viser, dans la mesure du possible, la cohérence des politiques entre la réglementation provinciale des valeurs mobilières et la réglementation fédérale des sociétés. Les critères provinciaux de divulgation doivent s’aligner sur ceux des sociétés fédérales requis par la ­Loi canadienne sur les sociétés par actions. Favorable à l’option B, l’organisme invite les ACVM à aller encore plus loin. « ­Le ­PRI encourage les ACVM à examiner comment les exigences de divulgation finales dans le ­Formulaire ­59-101F1 pourraient s’insérer dans un régime plus large de divulgation de durabilité des entreprises, allant ­au-delà de la portée et des exigences couvertes par cette consultation. »

Le gestionnaire d’actifs ­NEI investissement, spécialisé dans l’investissement responsable, se dit favorable à l’option B. Il fait remarquer que dans huit villes canadiennes, les femmes, les personnes racisées, les peuples autochtones, les membres de la communauté LGBTQ2SI+ et les personnes en situation de handicap sont ­sous-représentés au sein des conseils d’administration.

Morningstar ­Research montre une préférence pour l’option B, mais apporte quelques nuances. ­Celles-ci portent sur les émetteurs canadiens multinationaux qui ont des membres du conseil d’administration et des cadres dans d’autres zones géographiques. « ­Les sensibilités culturelles sur d’autres marchés, voire au sein de divers groupes culturels au ­Canada, peuvent empêcher le degré de divulgation proposé dans la proposition B. »

La société de gestion de placements ­Addenda Capital apporte son soutien à la proposition B. « ­Nous ne pensons pas que la version A fournirait la divulgation cohérente et comparable que les investisseurs exigent en matière de diversité. » ­Les dirigeants de la firme soutiennent cependant que la forme B ne devrait être envisagée que comme une première étape dans l’évolution des critères requis en matière de diversité. Ce à quoi fait écho le ­Diversity ­Institute de la ­Ted ­Rogers ­School of Management (Toronto ­Metropolitan ­University) lorsqu’il recommande l’adoption du formulaire B « en tant qu’exigence minimale nécessaire pour la déclaration ». L’Institut rappelle que le leadership d’entreprise au ­Canada demeure déficient en matière de diversité. Selon ses recherches, les entreprises du ­TSX et du S&P/TSX offrent une image mitigée des progrès. « ­De 2015 à 2022, la représentation des femmes au sein des conseils d’administration de l’indice composé S&P/TSX a dépassé les 30 %, bien que les postes de direction soient encore insuffisants. La présence de leaders noirs a connu une croissance, mais reste en deçà de l’objectif de 3,5 % [des membres de la haute direction seront issus de la communauté noire] fixé par l’initiative ­Black ­North. »

Pour le ­First ­Nations ­Leadership ­Council, l’option B est un moyen de s’éloigner « du statu quo inacceptable » et de favoriser un changement positif pour les ­Premières Nations. Pour l’organisme, la modification favoriserait « une plus grande présence de membres des ­Premières Nations au sein des conseils d’administration et des postes de cadre ». Cela participerait aussi au processus de réconciliation et au développement de meilleures relations entre les communautés.

L’association ­LGBTQ ­Corporate ­Directors Canada soutient et recommande l’adoption de la proposition B, « avec l’extension de la divulgation aux postes de cadres supérieurs, exigeant des entreprises qu’elles rendent compte du nombre de membres de chacun des quatre groupes désignés, ainsi que des femmes, au sein de leurs conseils d’administration et dans les postes de cadre, accompagné d’une stratégie écrite, de politiques et d’objectifs mesurables ». Selon l’association, choisir la version A permettrait aux organisations de discriminer les individus ­LGBTQ2SI+ « par omission, uniquement en se basant sur l’argument selon lequel le groupe désigné n’est pas identifié par l’émetteur comme faisant partie de sa stratégie en matière de diversité ».