Carl Thibeault, crédit photo : Sunny Zeng

Carl Thibeault, ­vice-président principal ­Québec et ­Atlantique, ­IG ­Gestion de patrimoine (IG), ne pensait pas faire carrière dans l’industrie financière.

Celui qui a grandi à ­Québec a obtenu son titre de comptable après avoir terminé son baccalauréat à l’Université ­Laval. Il a commencé à enseigner auprès de son alma mater à temps plein dès la fin de ses études, en 2002, en plus de cumuler des mandats de consultation.

« J’étais heureux dans ce que je faisais », explique ce fils d’entrepreneur originaire du ­Lac-Saint-Jean. Il aurait continué sur cette voie, mais il a rencontré ­Claude ­Paquin, aujourd’hui président de la ­Société financière ­IGM, Québec.

« ­Au départ, je n’étais pas très intéressé [à me joindre à IG] », ­raconte-t-il. Claude ­Paquin, qui était alors directeur régional, revenait sans cesse à la charge. Carl ­Thibeault aimait sa vision d’appuyer sa pratique sur la planification financière et de proposer une offre holistique aux clients.

L’approche holistique l’intéressait déjà beaucoup à l’époque. Les questions liées à l’incorporation des professionnels, comme les médecins, étaient alors d’actualité. Carl ­Thibeault se disait : « ­On peut amener pas mal de choses à ce type de ­clients-là. »

C’est l’importance de l’éducation financière des clients et des conseillers, et non l’idée de vendre des produits financiers, qui l’a attiré dans l’industrie. Il entre au service d’IG en tant que conseiller en 2003.

Carl ­Thibeault débute d’abord au bureau régional de Québec-Sud. Dès l’année suivante, il est promu directeur de division et commence à former à la planification financière les gens qui arrivent dans l’organisation.

En 2007, quand de nouvelles régions sont créées, ­Claude Paquin lui demande s’il est intéressé à amener encore plus loin cette philosophie de planification financière, et le nomme directeur régional.

« J’ai beaucoup hésité à accepter, car j’avais du succès dans mon rôle et j’avais de jeunes enfants. Ce fut toutefois un tournant de m’investir encore plus pour faire connaître la planification financière. Ça m’a fait sortir d’une zone de confort importante et ça m’a poussé à recommencer par la suite », témoigne-t-il.

En 2011, ­Carl ­Thibeault devient ainsi ­vice-président pour une partie du ­Québec, et en 2015, ­vice-président principal pour le ­Québec. Plus récemment, on lui a également confié la gestion de la région de l’Atlantique.

En parallèle, ­Carl ­Thibeault n’a jamais cessé d’enseigner. Il est toujours chargé de cours auprès de l’école de comptabilité de la ­Faculté des sciences de l’administration de l’Université ­Laval. Il y dispense de l’enseignement dans le cadre de mandats particuliers. Il a aussi offert des formations aux membres de l’Institut québécois de planification financière (IQPF) au fil du temps.

« ­Enseigner m’oblige à me questionner sur les décisions que je prends au quotidien », ­dit-il. C’est d’autant plus important que l’élément différentiateur, dans l’industrie, est davantage la qualité du service que des produits offerts.

Mer de défis

Avec son équipe, ­Carl ­Thibeault dirige au ­Québec un réseau de 744 conseillers. Il aura contribué à le faire évoluer de manière importante. À commencer par la décision, en 2015, d’imposer l’obtention du titre de ­Pl. Fin à l’ensemble des conseillers. La plupart l’ont aujourd’hui.

Ce ne sont pas tous les conseillers qui ont applaudi cette décision, mentionne ­Carl ­Thibeault. Or, ils sont accompagnés selon leur parcours et leurs besoins, ­indique-t-il. Par exemple, ceux qui arrivent à la fin de leur pratique reçoivent de l’aide pour identifier leur relève.

La majeure partie de la croissance s’effectue à l’interne, selon ­Carl ­Thibeault, qui évalue à environ 15 % le nombre de conseillers issus du ­Programme de stage en planification financière géré par ­IG depuis une douzaine d’années en collaboration avec les universités à travers le Québec.

« ­La planification financière, c’est l’élément qui m’a attiré dès le départ et chaque fois que j’ai changé de rôle, j’ai voulu l’amener à un autre niveau. C’est ­peut-être ma déformation professionnelle d’enseignant, mais notre industrie a besoin d’avoir un niveau de connaissance supplémentaire », estime ­Carl ­Thibeault.

La ­Chaire ­IG ­Gestion de patrimoine en planification financière travaille présentement de concert avec l’Université ­Laval afin de créer la première maîtrise ès sciences (M. Sc.) en planification financière au monde.

Comme bien d’autres courtiers, ­IG a traversé bon nombre de défis, dont la pandémie de ­COVID-19. Le courtier a dû adapter son modèle d’affaires au confinement, en plus d’appuyer ses conseillers dans l’utilisation de nouveaux outils technologiques, incluant des outils de gestion de relation avec les clients et de planification financière.

« ­Avec la ­COVID-19, je le dis souvent à la blague, mais en matière technologique, nous avons donné de l’eau à nos gens avec une hose à pompiers, illustre ­Carl ­Thibeault. Nous remercions souvent le réseau pour ça, parce que ça prenait toute une résilience pour bien servir la clientèle. »

Si les technologies sont onéreuses, elles vont permettre d’aller plus loin dans la complexité, estime le dirigeant. « Nous avons bifurqué vers les ­Salesforce et les ­Conquest de ce monde, mais l’ordinateur, c’est tout, maintenant. Tu peux faire des prêts hypothécaires, vendre des assurances, tu peux faire tout avec ­DocuSign, et ça a amené une qualité de vie qui plaît beaucoup », ­ajoute-t-il.

IG doit continuer de relever divers défis, notamment sur le plan du soutien technologique qu’il offre à ses conseillers et clients, selon le ­Pointage des courtiers multidisciplinaires. Or, sur certains aspects, le courtier tire son épingle du jeu.

Le taux de recommandation net des conseillers d’IG envers leur courtier est passé de 46,3 en 2020 à 61,3 en 2023, selon ce pointage. Or, pour ­IG, maintenir sa part de marché est un défi.

Du 31 mars 2020 au 31 mars 2023, l’actif sous administration au ­Québec d’IG a crû à un rythme annuel composé de 14,7 %, passant de 15,9 G$ à 24 G$. Durant cette période, la part de marché d’IG de l’actif recueilli au ­Québec par les sociétés de courtage de détail en valeurs mobilières est passée de 5,47 % à 5,23 %, d’après la Banque de données des statistiques officielles sur le Québec.

« C’est bien de prendre des parts de marché et d’augmenter le chiffre d’affaires. Mais pour moi, ces chiffres, ce sont des indicateurs, ce n’est pas le but visé. Ce sont des conséquences des mesures que l’on a prises », dit ­Carl ­Thibeault, qui prévoit que l’actif sera doublé « dans les cinq ou six prochaines années au ­Québec ». Le but, en fin de compte, est de bien servir les clients, rappelle-t-il.

Selon lui, la sélection de titres et de produits financiers va s’automatiser de plus en plus avec l’intelligence artificielle. Un conseiller se distinguera alors par la qualité de sa prestation de services, souligne-t-il.

Carl ­Thibeault est d’ailleurs un fervent de l’intelligence artificielle et s’implique au sein de l’initiative ­Fintellect, un groupe de travail mis sur pied par l’IQPF et ­FP Canada à la fin de 2022 pour explorer la manière de tirer parti des technologies émergentes afin d’améliorer la pratique. Par exemple, identifier les nouvelles compétences dont les planificateurs financiers auront besoin pour mieux servir leurs clients dans un contexte où les outils numériques sont de plus en plus utilisés au quotidien.

Pour ­Carl ­Thibeault, tout commence par des gens de qualité. « ­Claude [Paquin] et moi avons beau avoir la meilleure vision au monde et des outils fantastiques, si on n’a pas des praticiens de qualité, on n’a rien. On est all in sur le service. La sélection de produits est la dernière étape », ­explique-t-il.

Question de valeurs

Selon lui, il n’y a pas un modèle unique de conseiller à ­IG. « ­Je suis un anti ­one-size-­fits-all, ­lance-t-il. C’est bon pour les costumes d’Halloween : ça fitte correct avec tout le monde, mais jamais très bien avec personne. Comment fait-on les affaires à ­Montréal ? ­Ou dans le ­West-Island ? Certainement pas comme à ­Alma. »

IG incite donc ses représentants à augmenter leur niveau de connaissances pour apporter une valeur ajoutée à leurs clients, mais s’assure d’avoir des ressources spécialisées autour d’eux pour bien les accompagner, que ce soit en matière de fiscalité ou de technologies, par exemple.

« ­Avoir accès à des ressources humaines spécialisées, pour moi, c’est un élément clé », dit ­Carl Thibeault. Il ajoute qu’un autre élément clé, « c’est d’avoir le plus possible cette vision commune concernant l’engagement à l’égard des clients ».

« ­Les gens dans mon équipe et les praticiens qui veulent venir chez nous, je veux que ce soient des gens qui sont heureux dans ce qu’ils font. Je veux des fits de valeurs. »

IG prévoit de déployer des spécialistes technologiques dans chacune des régions au cours des prochains mois pour s’assurer de soutenir les projets en cours. « ­Les dépenses technologiques ne vont pas aller en diminuant. Ça a été immense, ça continue et ça va rester un facteur significatif », estime Carl ­Thibeault.

Dans un contexte où les marges bénéficiaires vont continuer à fondre dans l’industrie, le dirigeant voit difficilement comment les acteurs incapables de générer des économies d’échelle pourront demeurer concurrentiels dans toutes leurs sphères d’activité. « C’est très onéreux d’être bon avec tout le monde », ­dit-il. En conséquence, il s’attend à voir certains joueurs opter pour une spécialisation. D’autres pourraient être entraînés dans une consolidation.

Selon lui, si nous n’étions pas dans une période où s’effectue un transfert intergénérationnel d’actifs sans précédent, la consolidation du secteur serait inévitable.

Entre autres en raison des changements réglementaires et technologiques, on ne se dirige pas vers une simplification du secteur, ­croit-il. « ­On n’a pas fini d’implanter un modèle de relation ­client-conseiller qu’on lance le prochain. » ­Les raisons fondamentales qui expliquent ces implantations sont bonnes, elles visent à protéger les clients, mais à un moment donné, « les marges sont poussées à l’extrême ».

Citant l’arrivée du compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété (CELIAPP), il fait aussi état des enjeux liés à l’introduction de nouveaux régimes. « ­Il n’y a personne de malintentionné, mais cela représente des coûts pour les organisations et amène une complexité importante. Il faut conjuguer les changements de systèmes tout en ayant un service adéquat pour soutenir les praticiens et les clients. »

Il déplore qu’il n’y ait pas toujours une communication préalable entre les acteurs et le gouvernement avant de tels dénouements.

La création du ­Guide de référence sur le transfert d’entreprise par la ­Chaire ­IG ­Gestion de patrimoine en planification financière de l’Université ­Laval, en avril dernier, illustre pourtant bien qu’il est possible d’avoir une collaboration de différents ordres professionnels, organismes et institutions de l’industrie financière au bénéfice d’un ­bien-être collectif, ­dit-il.

Le guide a été élaboré grâce à la collaboration de la Chambre des notaires du ­Québec, l’Ordre des comptables professionnels agréés du ­Québec, l’IQPF, la ­Chambre de la sécurité financière, l’Autorité des marchés financiers, Retraite ­Québec, l’Association de planification fiscale et financière, le ministère des ­Finances du ­Québec, ­FSA ULaval et du ­Centre de transfert d’entreprise du ­Québec.

« ­Il y a une ouverture comme jamais des gens de l’industrie, des régulateurs, à travailler ensemble. Et des gens qui embrassent cette vision, qui disent, ça va être plus [exigeant], je ne ferai pas nécessairement plus d’argent, mais go on y va ! », rapporte ­Carl ­Thibeault, qui tire une grande fierté d’avoir contribué à cette expérience.

Et ce n’est qu’un début. Après la table de concertation sur le transfert d’entreprises, le prochain défi unificateur à se trouver dans les cartons serait l’intelligence artificielle.