Au cours de ces trois journées, les groupes entendus, tout comme les questions du ministre et de l’opposition, se sont essentiellement concentrés sur trois problématiques : l’abolition et l’intégration de la Chambre de la sécurité financière (CSF), l’élimination du terme «conseiller» de certains articles du projet de loi, et la distribution d’assurance en ligne.

Abolition ou intégration ?

Si le ministre des Finances, Carlos Leitão, rappelle que la CSF ne sera pas «supprimée», mais seulement «intégrée» à l’Autorité des marchés financiers (AMF) et que toutes ses activités seront reprises par cette dernière, la Coalition des associations de consommateurs du Québec (CACQ), Option consommateurs et la CSF elle-même estiment que cela serait néfaste pour l’industrie.

«Les chambres assurent l’implication active des représentants dans les processus d’élaboration et d’application des normes. On se dirige possiblement vers une situation où l’AMF dira, dans 5 ou 10 ans, que c’est trop lourd et elle voudra déléguer», assure Jacques St-Amant, analyste à la CACQ. Selon lui, si on intègre les chambres à l’AMF, celle-ci s’apercevra dans quelques années que la tâche est trop lourde et elle finira par s’en décharger sur un organisme pancanadien.

Du côté de l’opposition, Nicolas Marceau, député de Rousseau et porte-parole de l’opposition officielle en matière de finances, ne s’explique pas que l’on veuille supprimer les organismes d’autoréglementation dans le secteur de l’assurance, alors que l’on trouve logique que les médecins et les avocats la pratiquent par l’intermédiaire de leurs ordres professionnels respectifs.

Selon le Mouvement Desjardins et l’ACCAP, l’intégration des chambres évitera une confusion chez le consommateur. De plus, Yvan-Pierre Grimard, directeur aux relations gouvernementales chez Desjardins, pense que cette intégration permettra un gain sur le plan de la rapidité et de l’efficacité, puisque le consommateur saura à qui s’adresser en cas de plainte.

«C’est juste une évolution normale vers une meilleure protection du consommateur. L’AMF va avoir plus d’outil que ce qu’elle a pour bien protéger le consommateur», a déclaré pour sa part Jean St-Gelais, président et chef de La Capitale, qui représentait l’ACCAP lors des consultations.

Au cours de son intervention à l’Assemblée nationale, l’AMF a tenu à rassurer l’opposition sur cette intégration et à rappeler sa capacité à reprendre les activités de la CSF. «Non seulement nous connaissons les activités que conduisent les chambres, mais nous encadrons et supervisons les chambres à bien des égards également», déclare Louis Morisset, président-directeur général de l’AMF.

Le Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires (MÉDAC) a indiqué ne pas s’opposer à l’intégration des chambres au sein de l’AMF, même s’il déplore l’augmentation de pouvoir que cela lui donnera sans contrepartie pour les groupes de citoyens.

Distribution par Internet

Si tous les groupes veulent s’ouvrir à la modernisation et à la distribution d’assurance sur Internet, certains estiment que ce processus est trop peu encadré par le projet de loi 141 et que le gouvernement devrait prendre plus de temps pour se pencher sur cette question.

«Il nous semble que la réflexion n’est pas terminée», déclare Jacques St-Amant, de la CACQ. Le MÉDAC a de son côté suggéré de scinder le projet de loi pour réfléchir plus longtemps à la réforme de la Loi sur les assureurs, ce que le ministre a refusé.

Le ministre des Finances a fait valoir que la vente en ligne est déjà d’actualité et que le projet de loi cherche à encadrer un processus en pleine expansion. Selon lui, le projet de loi permettra un encadrement général et, par la suite, l’AMF mettra en place un règlement plus affiné. Alliant sa voix à celle du ministre, Guy Cormier, président et chef de la direction du Mouvement Desjardins, assure qu’il vaut mieux laisser à l’AMF la tâche de compléter la loi, car l’évolution de l’industrie est rapide.

Du côté de l’opposition, François Bonnardel, député de Granby et porte-parole du deuxième groupe d’opposition en matière de finances, a proposé de ne permettre la vente en ligne d’assurance que pour certains produits. Cependant, le Conseil des professionnels en services financiers (CDPSF), le Regroupement des cabinets de courtage d’assurance du Québec (RCCAQ), la CACQ et Option consommateurs affirment que tous les produits d’assurance sont trop complexes. Selon eux, la distribution sans représentant est trop dangereuse pour les consommateurs et devrait être proscrite.

«Comment admettre que les produits d’assurance sont à ce point complexes qu’ils nécessitent des mises à jour constantes [dans la formation du représentant]et que, en même temps, un utilisateur non averti puisse s’en acheter seul, sans conseil ni accompagnement à l’achat de produits d’assurance en ligne ?» s’interroge Christopher Johnson, président du RCCAQ.

Plus besoin de certificat

Option consommateurs et la CACQ ont fait part de leurs inquiétudes quant à la possibilité que le conseil en assurance soit offert par des personnes qui ne sont pas certifiées. «Le projet de loi 141 modifie la Loi sur la distribution de produits et services financiers en retirant le conseil du centre d’activités attribuées au représentant certifié, et c’est ce qui génère notre inquiétude», explique Jacques St-Amant.

Me Annik Bélanger-Krams, avocate chez Option consommateurs, explique que retirer l’activité de conseil aux seuls conseillers, c’est ouvrir la porte aux vendeurs, alors que ceux-ci n’ont pas les mêmes obligations que les professionnels certifiés. Contredite par le ministre des Finances, qui affirme que nul ne peut agir comme représentant sans être titulaire d’un certificat attribué par l’AMF, l’avocate a attiré l’attention sur la terminologie, selon elle inappropriée, utilisée dans la loi. Le terme de «personne physique» plutôt que de «représentant certifié» notamment pour la distribution en ligne réduirait l’obligation de conseil et ouvrirait la porte aux dérives.

Pour éviter cela, Annik Bélanger-Krams suggère de changer certains termes du projet de loi 141. Si elle comprend la volonté du ministre Leitão de ne pas figer les règles afin de permettre à l’AMF de faire évoluer la loi avec son temps, elle insiste sur le fait que certains termes mériteraient de l’être.