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Aphria inc., société publique productrice de produits médicaux à base de cannabis, a tout récemment obtenu le rejet d’une action collective intentée par des investisseurs résidant au Québec qui avaient acquis des titres d’Aphria sur le marché secondaire1.

L’action collective avait été intentée à la suite de la publication d’un rapport par la firme Hindenburg Research selon lequel Aphria avait dépensé des centaines de millions de dollars pour l’acquisition d’actifs dont la valeur était artificiellement gonflée ou simplement inexistante. Dix jours après la publication de ce rapport, la valeur des actions d’Aphria avait chuté d’environ 25 %. L’action collective était fondée sur des allégations de fausses représentations de la part d’Aphria, en contravention de ses obligations de divulgation en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières du Québec2 (LVM), et de complot entre les défendeurs, soit Aphria et certains de ses hauts dirigeants.

Dans son jugement, le juge Thomas Davis fait siens l’ensemble des arguments avancés au soutien de la demande en rejet, et déclare l’absence de compétence de la Cour supérieure du Québec dans cette affaire.

En effet, le juge Davis, chargé de la gestion dans cette affaire, en vient à la conclusion que:

  • Aphria n’était pas un émetteur assujetti au sens de la LVM durant la période visée par l’action collective;
  • Aphria n’a aucun «lien étroit» avec le Québec à titre d’émetteur dont les titres sont négociés à la Bourse de Toronto et à celle de New York.

En effet, le juge Davis conclut que:

  • aucune faute n’a été commise au Québec, les transactions et les fausses représentations alléguées ayant eu lieu en Ontario;
  • aucun dommage n’a été subi au Québec. Pour en arriver à cette conclusion, le juge Davis reprend et adapte les propos de la Cour d’appel dans l’affaire Infineon3, et conclut que le situs véritable du dommage subi était l’Ontario. En effet, bien que les investisseurs du Québec aient enregistré ou comptabilisé les pertes encourues au Québec, aucun préjudice n’a été subi au Québec, les comptes de courtage des demandeurs étant administrés depuis l’Ontario et les transactions ayant été conclues en Ontario.

Le rejet de l’action avant même qu’un débat ait lieu sur l’autorisation est évidemment un précédent intéressant pour les sociétés publiques qui peuvent devoir faire face à des recours qui n’ont que peu ou pas de lien avec le Québec.

Notes:

  1. Matthew Ranger et al.c. Aphria Inc.et al., 500-06-000962-189, 5 février 2021.
  2. c. V-1.1.
  3. Infineon Technologies AG c. Option consommateurs, 2013 CSC 59 (CanLII), [2013] 3 RCS 600.

Julie-Martine Loranger, associée chez McCarthy Tétrault S.E.N.C.R.L., s.r.l.avec la collaboration de Me Sarah-Maude Demers et de Me Dominique Paiement. Le présent article ne constitue pas un avis juridique.