Un homme qui utilise une gomme pour effacer un trait de crayon sur une feuille de papier blanc
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En effet, les deux tiers (65,7 %) des conseillers en placement sont satisfaits ou très satisfaits de l’abolition de ces titres qui se fondent uniquement sur le volume de ventes d’un représentant, révèle le sondage de Finance et Investissement réalisé auprès des conseillers en placement à l’occasion du Pointage des courtiers de plein exercice.

Inutiles, de la frime, trompeurs, abus de langage : voilà autant de commentaires exprimés par des conseillers en placement à propos du titre de vice-président. Même certains qui portent un tel titre se réjouissent de l’abandon de ces désignations pouvant fausser les perceptions qu’ont leurs clients de leurs compétences ou réelles fonctions au sein d’une firme de courtage.

« Ça induit en erreur et envoie un faux message. Ce n’est pas parce que tu es un vice-président que tu es compétent », précise un conseiller en placement de la Financière Banque Nationale. « Tout le monde est vice-président, ça ne donne rien ! Et vice-président de quoi ? » s’interroge un conseiller de RBC Dominion.

« C’est un abus de langage. Un vice-président, ce n’est pas quelqu’un qui gagne des concours de vente ! » dit un conseiller de BMO Nesbitt Burns.

« Il est grand temps qu’ils enlèvent ça », déclare un conseiller de Valeurs mobilières Desjardins (VMD).

Les ACVM, qui regroupent les régulateurs provinciaux, estiment également que ces désignations pourraient induire un client en erreur quant aux compétences d’un conseiller, son expérience et sa qualification.

« Ce genre de titre crée de la confusion. On pense que je fais de l’administration, alors que ce n’est pas le cas », confirme un conseiller de Raymond James qui perdra son titre, mais qui se dit satisfait de la décision des régulateurs.

Colette Arcidiacono, fondatrice de Conformité 101, fait écho à ces propos. « Les conseillers qui détiennent de tels titres n’ont pas de fonctions de gestionnaires. Il y a longtemps que les firmes auraient dû y mettre un terme », commente l’ancienne chef d’évaluation des plaintes à l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM).

Conseillers déçus  

Elle déplore d’ailleurs que ce soient les régulateurs qui aient finalement été obligés de sévir, après avoir pourtant averti depuis longtemps les firmes d’abolir cette pratique injustifiée.

Que les ACVM aient tant tardé à réglementer l’utilisation de ces titres « démontre que ce n’était pas une problématique si importante et qu’il y avait d’autres priorités à traiter dans l’industrie », estime Jean Morissette, ancien président de Services financiers Partenaires Cartier devenu aujourd’hui consultant auprès de firmes de gestion de patrimoine.

Par ailleurs, 8,8 % des conseillers sondés sont insatisfaits de la décision d’abolir ces désignations. « Les titres honorifiques basés sur la production dans une industrie comme la nôtre ont beaucoup de sens. Nous sommes des moteurs actifs dans notre firme et ça devrait être reconnu. Je gère plus qu’un directeur de caisse ! Les régulateurs sont allés trop loin dans leurs correctifs et je suis certain qu’on ne protège pas davantage le public en éliminant ces titres », affirme un conseiller de VMD.

Curieusement, « les conseillers en services financiers ne veulent pas être considérés comme des vendeurs, mais certains ne voient pas d’inconvénient à porter des titres liés aux volumes de ventes », souligne Colette Arcidiacono.

Un conseiller de RBC Dominion croit pour sa part que c’est un titre mérité qui permet de reconnaître l’expérience et l’ancienneté. « C’est géré par un comité de sélection, comme ceux qui deviennent Fellow. On ne te donne pas le titre gratuitement juste parce que tu génères une paye. Il faut les compétences », s’insurge-t-il.

« On travaille depuis longtemps, on dirige des équipes importantes, nous pouvons facilement avoir ce titre », renchérit un conseiller de BMO Nesbitt Burns.

Des conseillers émérites? 

Jean Morissette souligne également que ces titres n’étaient pas seulement accordés pour souligner le volume d’affaires, mais aussi « pour reconnaître que bon nombre de conseillers sont aujourd’hui à la tête d’équipes regroupant plusieurs spécialistes ».

Il ne voit toutefois pas d’inconvénient à les abolir. « C’est un faux débat. Ce serait plus important d’établir des normes de divulgation des compétences et de l’expertise des conseillers afin de permettre à un client de faire un choix avisé quand vient le temps de faire affaire avec une personne qui doit gérer ses avoirs. »

Colette Arcidiacono ne nie pas l’importance de reconnaître le travail des conseillers. Elle suggère simplement aux firmes, en partenariat avec les régulateurs, d’adopter d’autres titres ou désignations. « Le titre de conseiller émérite, par exemple, pourrait très bien refléter l’expérience et les compétences d’un conseiller. Et ce titre pourrait être basé sur différents critères qui ne sont pas en fonction des ventes, mais plutôt comme ceux notamment d’adhérer aux règles de conformité et de bien servir ses clients », propose-t-elle.

Par ailleurs, les 25,5 % de répondants qui ne se disent ni insatisfaits ni satisfaits de la décision des ACVM soulignent que ce débat les laisse indifférents et n’a guère d’importance à leurs yeux. « J’ai moi-même le titre, mais on s’en fout. Ce n’est pas important pour moi », affirme un conseiller de Raymond James. « Je n’ai pas besoin de ça pour m’épanouir dans mon travail », souligne un conseiller de VMD.