Un homme d'affaire devant une fenêtre.
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Je tiens à m’en excuser. C’était sans doute moi qui ai troublé le calme de votre paisible et heureuse existence lorsque j’ai pris connaissance de la réaction de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (CVMO) au fait, ô surprise, que certaines banques réduisaient leur offre de produits pour se conformer aux réformes axées sur le client.

J’avoue que ma réaction n’était pas du plus grand professionnalisme mais, comme le disait Jean Chrétien : « Que voulez-vous? ». Je n’arrivais pas à comprendre comment on pouvait être surpris et offusqué de quelque chose qui était pourtant annoncé depuis longtemps.

Pour comprendre mon incompréhension, je vous propose un retour quelques années en arrière.

Alors que les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) consultaient le public et l’industrie sur le projet des Réformes axées sur le client, nous avons été nombreux à souligner qu’une exigence trop relevée en matière de connaissance du produit et/ou de convenance pourrait avoir un effet collatéral indésirable de réduire l’offre de produits pour les investisseurs.

Citons quelques-uns de ces avertissements :

« L’obligation de connaître son produit, qui implique la comparaison des produits de la gamme offerte par l’entreprise inscrite avec des produits similaires offerts sur le marché amènera les entreprises inscrites à restreindre leurs gammes de produits afin de gérer les obligations de conformité de l’entreprise »

Extrait du mémoire de l’IFIC, 2018

« Essentiellement, la solution proposée par les ACVM aurait selon nous plusieurs conséquences négatives inattendues :

  • Réduction drastique du nombre de produits offerts par les courtiers en épargne collective
  • Diminution de choix de placement pour les clients ; »

Extrait du mémoire de Groupe Cloutier investissement, 2018

« Il est même raisonnablement probable que certaines sociétés inscrites choisissent de réduire leur offre de produits afin de réduire leur travail d’analyse et de suivi et, incidemment, leurs coûts. »

Extrait du mémoire de Mérici Services Financiers, 2018

« Devant l’ampleur et la lourdeur des nouvelles exigences proposées en lien avec l’analyse des produits par les sociétés inscrites, selon ce que nous comprenons, nous craignons que certaines de celles-ci diminuent leur offre de produits afin d’alléger leurs tâches. »

Extrait du mémoire de Mica Capital, 2018

Dans le cadre de leurs travaux de synthèse à la suite des consultations, les ACVM avaient même évalué qu’il était possible « qu’un petit nombre d’entreprises qui offrent actuellement des produits exclusifs et non exclusifs, mais qui détiennent encore une grande partie des actifs des clients dans des produits exclusifs, pourraient déterminer qu’il est plus logique pour elles de passer à un modèle d’affaires strictement exclusif à l’avenir. »

Après cette lecture, vous comprenez sans doute mieux ma réaction. Comment la CVMO, qui est membre des ACVM, pouvait-elle se surprendre de voir se concrétiser ce que de nombreux intervenants avaient annoncé?

Oui, la volonté des ACVM derrière les réformes axées sur le client était mue par de nobles principes et intentions. Mais il relève de la pensée magique de croire que les faits se plieront devant ces pieux sentiments.

Winston Churchill disait « Que la stratégie soit belle est un fait, mais n’oubliez pas de regarder le résultat ». Il y a là matière à méditer.

Car, alors que les courtiers indépendants et les institutions financières qui choisiront de maintenir sur leurs tablettes une offre large et variée de produits devront se plier à des exigences accrues et en assumer les frais, d’autres pourront simplifier leur vie (et améliorer leurs marges) tout en offrant moins à leurs clients.

Ce n’était pas l’objectif souhaité.

J’ai déjà souvent utilisé l’adage « le mieux est l’ennemi du bien ». J’ajouterai ce proverbe d’origine arabe : « le désir et l’aveuglement vont de pair ».

Ce qui se produit (et continuera de se produire) était tout simplement inexorable.