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Depuis 00h01, il est impossible pour un conseiller de recommander ou d’effectuer une transaction pour un fonds sous cette forme de rémunération.

Dans un an, les fonds distincts subiront la même réforme.

Certains auront peut-être sabré le champagne. D’autre, au contraire, auront l’air triste et résignés. Entre ces extrêmes, il y a tous ces gens, dont je suis, qui continuent de se demander si on ne s’est pas condamné à plus de problèmes qu’on n’en a réellement réglé.

Bien sûr, les plaintes liées aux frais de vente différés diminueront d’année en année jusqu’à disparaître complètement. C’est tant mieux.

Espérons seulement que les conseillers de la relève et les investisseurs du marché de masse bénéficiant de conseil ne suivront pas la même tendance…

Seul le temps nous donnera la réponse mais, curieusement, nous aurons le regard tourné ailleurs et manquerons de statistiques détaillées pour démontrer ce qui s’est réellement passé.

Le regard tourné ailleurs parce que nous devrions avoir terminé de digérer, espérons-le, les réformes axées sur le client qui auront, elles aussi, remodelé une partie des relations courtier-conseiller-client et des obligations des premiers envers ce dernier.

Terminé dis-je bien car, malgré tous nos efforts, l’implantation jusqu’au bout du champ de pratique n’est pas terminée.

Voyez-vous, il est infiniment plus rapide et facile de rédiger un règlement et de l’adopter que de lui donner vie à l’aide de procédures, de processus et de formation. Beaucoup de formation. C’est encore plus vrai quand le délai de transition est trop court au vu de l’étendue des changements requis.

Peut-être aurons-nous la chance de faire un bilan de cette réforme, de ce qu’elle a apporté de bon et de moins bon. Je souris en écrivant cette ligne. Depuis quand a-t-on le temps de faire un bilan? La prochaine réforme noyant constamment la précédente, on se surprend parfois à ne pas perdre le souffle entre les vagues qui nous malmènent.

Quelle prochaine réforme? Le buffet est ouvert mais ne prenez pas la peine de choisir. Elles seront toutes dans votre assiette en même temps et vous devrez les avaler les unes après les autres car l’heure n’est ni à la modération, ni à la raison : nouvel OAR, MRCC3, règlement des transactions à T+1, etc.

Pas que ce soient toutes de vilaines idées. Mais généralement quand je m’empiffre, je savoure moins, je gaspille et je regrette le lendemain.

Pourtant c’est exactement ce qu’on fait dans notre industrie en termes réglementaires.

On en met trop dans notre assiette en même temps.

On mélange les choses.

On essaie de battre un record de gloutonnerie.

La retraite n’est jamais une option et…

… on recommence le lendemain!

Alors que nous soulignons à grands traits depuis des années que le rythme est trop soutenu, que nous réclamons le temps nécessaire à bien implanter les réformes et que nous demandons que leurs impacts soient mieux analysés, nous atteignons aujourd’hui des sommets d’incompréhensions et de frustration.

Pas que moi. Pas que les indépendants ou joueurs régionaux. Les grandes institutions et courtiers nationaux aussi commencent à avoir la langue à terre malgré leurs équipes bien fournies de spécialistes et d’experts de toute sorte.

Et si seulement engager plus de ressources était une solution possible… ce serait oublier qu’en 2022, on recrute presque exclusivement en détroussant son concurrent.

C’est dans ce contexte que naissent les bonnes questions sans réponse. Et elles sont nombreuses ces questions. Parfois malcommodes ou inconfortables mais néanmoins pertinentes et persistantes. Pour fins de discussion, en voici quelques-unes à propos de ce nouvel OAR:

  • Pourquoi une simple lettre d’opinion de dirigeants de grands groupes financiers pancanadiens a-t-elle réussi à imposer au ACVM un vaste projet de nouvel OAR qui ne figurait même pas à son plan stratégique?
  • Quelle est l’urgence de réaliser cette réforme maintenant et tout de suite alors que cette idée est dans l’air depuis des années et qu’elle aurait très bien pu attendre encore des années?
  • Quelle est l’urgence de réaliser cette réforme selon un calendrier démentiel où le nouvel organisme aura été créé à peine quelques mois après avoir été annoncé?
  • Qui a autant intérêt à ce que le tout se déroule aussi promptement? Quel agenda dicte le rythme de ces travaux?
  • Pourquoi est-ce si urgent de « réduire le fardeau » de ces grands groupes financiers en leur permettant des économies d’échelles?
  • Comment va s’intégrer le nouvel OAR au Québec alors qu’on promet que la CSF continuera de jouer son rôle?
  • Comment s’assurer que les courtiers et conseillers du Québec ne soient pas désavantagés financièrement, eux qui auront, en plus des coûts du nouvel OAR et de son fonds d’indemnisation, à continuer de supporter le fonds d’indemnisation québécois et la CSF?

Sans doute que certaines de ces questions trouveront réponse dans les mois à venir. Il le faudra bien car la date du 1er janvier 2023 ne semble pas négociable. Peut-être un calendrier maya quelque part prédit la fin du monde tout de suite après et qu’il faille sacrifier quelque chose rapidement pour apaiser le courroux des dieux?

Ce qui me fait rappeler que dans la vie, on peut faire vite, on peut faire bien ou on peut faire à bon prix. En tout temps, on ne peut en avoir que deux sur trois au même moment.

Visiblement on a décidé de faire vite. Reste à savoir si ce sera bien ou à bon prix car ce ne pourra pas être les deux…