Un homme d'affaire marchant vers l'horizon où se dessine une ville.
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Cette discussion m’a amusé car elle m’a semblé faire écho à une lointaine époque. Comme quoi le monde actuel évolue dans un espace temporel qui déforme bien des réalités et des perceptions. Qui aurait cru que de mentionner un dossier qui étais chaud il y a six mois aurait pu donner l’impression de remonter très loin dans le temps?

Une fois l’amusement passé, je me suis questionné à savoir pourquoi cette impression persistait. Je veux bien croire que la pandémie a le dos large et que nos vies (la mienne du moins) filent à vive allure et subissent maints rebondissements. Il demeure que des choses plus lointaines dans le temps me semblent bien plus fraîches en mémoire.

Alors j’ai poursuivi la réflexion. J’ai creusé et, finalement, j’ai frappé quelque chose : c’était loin d’être un nouveau débat ou une nouvelle réflexion. C’était plutôt le nouveau chapitre de quelque chose qui ressemble à une histoire sans fin.

Mais à la différence du film, par contre, cette histoire-ci n’a rien de bien intéressant et, comme souvent, quand on étire trop la sauce d’une histoire, aussi bonne soit-elle, ça finit par en diluer la qualité.

Quoi qu’on en pense et qu’importe comment on cherche à présenter les choses, il existe dans notre industrie des forces qui s’opposent sur des axes relativement clairs et stables depuis de très nombreuses années.

Un peu comme la gauche et la droite en politique, les fervents de la trappe ou d’une offensive explosive au hockey, ou encore la poutine et la salade en cuisine, nous agissons et nous positionnons sur les différents enjeux de notre industrie selon des axes qu’il est possible d’identifier et qui demeurent constants dans le temps.

Avant de me risquer à définir ces axes, il est important de dire ici que bien que j’aie mes opinions et positions, lesquelles n’ont jamais été secrètes ou discrètes, je cherche actuellement à jeter les bases d’une conceptualisation qui nous permette de mieux comprendre ce qui nous meut dans le but de cesser de répéter sans cesse le même schéma et de mieux avancer dans l’avenir.

Il n’y a donc aucun jugement de valeur ici. Simplement une modeste tentative de nommer des choses pour susciter la réflexion.

Dans une prochaine chronique, je laisserai ma retenue de côté et exposerai d’avantage ce que j’espère voir notre industrie accomplir dans le futur.

Alors, les axes disions-nous.

  1. Conseil/Vente

Il y a d’abord l’éternelle dualité entre le conseil et la vente. Le conseil est souvent perçu comme la noblesse incarnée, l’intérêt supérieur, l’acte ultime du conseiller dont l’étymologie trahi la proximité.

La vente est, au contraire, souvent réduite à une vile activité mercantile dont les intérêts sont forcément au détriment du client.

Pourtant, il existe une interdépendance entre ces deux aspects. Démoniser l’un ou glorifier l’autre occulte la réalité : sans conseil, nous ne servons personne et n’avons aucun client et sans vente, notre industrie, nos entreprises et nos emplois n’existent pas.

Il faut comprendre cette dualité pour arriver à trouver un équilibre qui soit sain et pérenne. D’un bon conseil pourra découler une vente. À l’inverse, il est à craindre qu’une pression à la vente ne puisse mener à un mauvais conseil.

Comprendre cet équilibre plutôt que de chercher à appuyer indûment l’une ou l’autre des options par pure idéologie ou dogmatisme permet de proposer des solutions pragmatiques qui trouvent ancrage dans la réalité.

  1. Bigger is better/Small is beautiful

D’un côté, ceux qui ne voient de salut que dans le regroupement, la consolidation, l’uniformisation, la croissance et la conquête de nouvelles parts de marchés.

De l’autre, ceux qui vivent de leurs différences, qui jouent sur leurs forces, tentent d’esquiver leurs faiblesses et arrivent à se retourner sur un dix cents.

Il n’y a aucun modèle parfait. Les grands joueurs ont des ressources à faire pâlir d’envie les plus petits joueurs qui, en revanche, profitent de la lenteur à s’adapter des grands sur une foule d’enjeux et tablent sur leur proximité avec le terrain pour offrir des avantages aux clients et aux conseillers.

Dans un écosystème sain et fonctionnel, tous devraient pouvoir vivre et prospérer.

Mais il arrive que des batailles commerciales ou réglementaires sur cet axe créent des conditions difficiles pour certains joueurs, au bénéfice d’autres.

Ce devrait être le rôle des régulateurs d’assurer que tous aient du temps de glace afin de conserver un juste équilibre.

À moins que les régulateurs eux-mêmes ne soient soumis à cet axe de bataille dans l’éternel débat de la commission unique des valeurs mobilières, la fusion des OAR ou les champs de compétence constitutionnels des uns et des autres?

Qui a dit que les axes se limitaient uniquement aux participants de l’industrie?

  1. Principes/Prescription

D’un côté, ceux qui veulent des règles larges édictant des principes ou des grandes lignes à respecter tout en bénéficiant d’une marge de manœuvre pour mettre en application ces principes.

De l’autre, ceux qui préfèrent des règles précises qui nécessitent peu ou pas d’interprétation et qui tracent clairement la voie à suivre pour éviter des écarts et des maux de tête.

Si les principes survivent mieux à l’épreuve du temps et permettent une plus grande variété de modèles, ils peuvent aussi engendrer des écarts marqués lorsqu’utilisés par des esprits trop créatifs ou moins honnêtes.

À l’inverse, les règles prescriptives permettent de vivre dans un monde clair et balisé mais se périment plus rapidement et peuvent freiner l’innovation et la créativité.

Ce débat s’apparente à bien des égards à celui sur l’indépendance ou l’appartenance à de grands groupes de courtages.

Certains ne jureront que par leur indépendance même si elle a parfois un coût et même si elle se vit parfois avec moins de ressources. D’autres accepteront de laisser sur la table une part de leur liberté pour profiter d’un encadrement, de formation ou d’outils qu’ils estiment utiles.

Sans doute que nous pourrions décliner sous d’autres étiquettes ces axes, en ajouter de nouveaux ou débattre de leur existence même.

Mais ma réflexion me pousse à poser une série de questions sur lesquelles je vous laisserai jusqu’à ma prochaine chronique : est-il possible de faire avancer l’industrie si nous demeurons campés sur ces axes historiques? Les clients sont-ils mieux servis dans ce cadre analytique plein de dualité? N’est-il pas temps de sortir des sentiers battus?

Au moins, la réflexion aura peut-être le bénéfice d’apporter un peu de fraîcheur au débat. Un peu comme le printemps qui se pointe après un hiver confiné…