Un homme d'affaire devant son ordinateur, à côté on voit un chariot de magasin.
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Voilà quelques fois qu’on me demande de commenter ou d’anticiper les effets qu’auront certaines dispositions du PL 141. Souvent, ces questions dépassent la seule curiosité et jouent parfois dans un registre d’émotivité bien particulier.

En effet, certains conseillers voient avec beaucoup d’appréhension l’arrivée de certaines mesures, en particulier celles entourant la vente de produits d’assurance par Internet.

Même si certains assureurs offraient déjà, sous une certaine forme, certains de leurs produits par Internet depuis un certain temps avant l’adoption du PL 141, la porte est maintenant ouverte et plusieurs autres auront bien envie de la franchir.

L’Autorité des marchés financiers a publié le 10 octobre dernier, pour fins de consultation, un cadre règlementaire destiné à encadrer les modes alternatifs de distribution, dont la vente par Internet. Il vous est possible de commenter ce projet jusqu’au 10 décembre et il ne fait aucun doute que vous auriez intérêt à le faire si vous estimez que ce projet n’est pas celui que vous espériez.

Ceci dit, quelles sont les craintes qu’on m’a maintes fois expliquées et en quoi la distribution par Internet menace-t-elle les clients et les conseillers en sécurité financière?

C’est ici que le débat est plus difficile à cerner. Nul ne connait avec précision les développements à venir et tant les tenants du scénario catastrophe que ceux de la vision plus idyllique peuvent avoir raison.

Assisterons-nous à une avalanche de clients mal assurés qui paieront le prix de cette trop grande ouverture du régulateur ou tout se passera-t-il parfaitement bien? Espérons que la seconde situation prévaudra, mais il faut reconnaitre qu’un risque demeure.

Alors, plutôt que de débattre sans fin de cet avenir imprévisible, penchons-nous sur les grandes lignes du projet d’encadrement publié par l’Autorité.

Celui-ci prévoit que c’est uniquement un cabinet dûment inscrit à ce titre auprès de l’Autorité qui pourra offrir des produits par Internet.

Plusieurs ont tendance à l’oublier tellement il existe de cabinets n’ayant qu’un seul représentant au Québec, mais les cabinets sont sujets à un cadre règlementaire et doivent encadrer leurs activités et leurs conseillers. C’est sur la base de cet encadrement que se repose le projet règlementaire de l’Autorité.

Un assureur qui voudra offrir des produits par Internet devra donc le faire par l’entremise d’un cabinet qui devra également avoir au moins un représentant certifié rattaché à la disposition du client qui en fait la demande, par exemple pour poser une question ou obtenir un avis.

Ce représentant n’aura pas à être disponible en tout temps, l’Autorité laissant aux cabinets la possibilité de gérer leurs risques de transaction si un client ne parvenait pas à obtenir des conseils avant de souscrire à un produit d’assurance parce que, par exemple, il décide de procéder à 2h30 du matin.

Toutefois, le projet prévoit que le cabinet devra assumer les mêmes responsabilités face au client que le ferait le représentant en matière d’informations et de convenance. Voilà qui est intéressant et j’avoue être bien curieux de la manière dont les écarts seront sanctionnés en comparaison avec les écarts commis par des conseillers certifiés.

Finalement, contrairement à ce qui a été réclamé et même affirmé en commission parlementaire sur le PL 141, il n’y aura aucune restriction sur les produits pouvant être offerts par Internet.

Exit la définition des « produits simples », l’Autorité a choisi d’user de toute la latitude prévue dans la loi et de laisser cette latitude aux assureurs et aux cabinets, se réservant le droit de réagir plus tard.

Je crois qu’il s’agit là d’un risque non négligeable et qu’il est à espérer qu’aucun client ne sera lésé avant que l’Autorité ne siffle la fin de la récréation si des abus devaient se produire.

Alors voilà. Le terrain de jeu dessiné par le projet règlementaire de l’Autorité est vaste et use de tout ce que la législation permettait. Les forces du marché arriveront-elles à se réguler et à bien guider le consommateur malgré l’absence d’un conseiller certifié à titre de co-pilote pour guider le client?

Nous le saurons dans quelques années. Possiblement dans plusieurs années considérant que les problèmes risquent de surgir au moment de la réclamation. Entre temps, la balle est dans le camp de l’Autorité qui devra veiller au grain.