Bénéficiaires de fiducie: y a-t-il une personne admissible  au crédit pour personne handicapée parmi vous?
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Par la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2014, ces nouvelles mesures ont reçu la sanction royale le 16 décembre 2014. L’imposition des revenus des fiducies à des taux progressifs sera donc entièrement éliminée à partir de 2016, sauf pour deux types de fiducies : la succession assujettie à l’imposition à taux progressifs (SAITP) et la fiducie admissible pour personne handicapée (« FAPH »). Ce texte résume les changements apportés à cette dernière exception avec l’aide d’un exemple d’application. Le Québec s’est harmonisé avec ces nouvelles règles.

La fiducie admissible pour personne handicapée

L’avantage de se qualifier de FAPH réside dans le taux d’imposition de ses revenus. Une fiducie pourra utiliser les taux d’imposition progressifs, prévus au paragraphe 117(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (« L.I.R. »), chaque année au cours de laquelle elle se qualifie de FAPH.

En vertu des nouveaux paragraphes 122(2) et 122(3) L.I.R., une FAPH est définie comme une fiducie qui, pour une année d’imposition :

• est, à la fin de l’année, une fiducie testamentaire qui a commencé à exister au décès d’un particulier donné ou par suite de ce décès;

• réside au Canada pour l’année de la fiducie;

• a une fin d’année d’imposition qui ne coïncide pas avec la cessation de la résidence de cette fiducie;

• a au moins un bénéficiaire qui se qualifie à titre de personne admissible au crédit pour personne handicapée prévue aux alinéas 118.3(1)a) à 118.3(1)b) L.I.R. (« personne admissible »);

• fait le choix d’être une FAPH pour l’année dans sa déclaration de revenus produite par cette fiducie sur le formulaire prescrit (« choix »);

• fait le choix conjointement avec un ou plusieurs de ses bénéficiaires, qui sont des personnes admissibles par ailleurs, en incluant le numéro d’assurance sociale de chacun de ces bénéficiaires;

en outre :

• chacun de ces bénéficiaires de la fiducie est un particulier nommé dans l’acte aux termes duquel la fiducie a été établie;

• la personne admissible ne fait pas le choix, conjointement avec une autre fiducie pour une année d’imposition se terminant dans la même année;

• aucun montant n’a été payé ou distribué à titre de capital à un bénéficiaire qui n’est pas une personne admissible.

Par conséquent, pour se qualifier de FAPH, il n’est pas nécessaire que tous les bénéficiaires d’une fiducie soient des personnes admissibles, mais il faut qu’il y en ait au moins une à la fin de l’année. Si une fiducie testamentaire au profit du conjoint est créée et que le conjoint devient admissible au cours d’une année subséquente, la fiducie pourra faire le choix d’être une FAPH et ainsi profiter des taux d’imposition progressifs pour cette année subséquente.

Chaque bénéficiaire qui est une personne admissible peut être bénéficiaire seulement d’une seule fiducie se qualifiant de FAPH. Cependant, puisque le choix d’être une FAPH est un choix annuel, deux fiducies ayant le même bénéficiaire qui est une personne admissible pourra choisir laquelle fera le choix d’être une FAPH pour une année donnée.

Qui est admissible au crédit pour personne handicapée?

Pour être une personne admissible, il faut que le particulier réponde aux exigences prévues aux alinéas 118.3(1)a) à 118.3(1)b) L.I.R., soit les dispositions visées relativement au crédit pour personne handicapée (« crédit »). Le crédit a pour but de fournir un allègement fiscal aux particuliers ayant une déficience grave et prolongée des fonctions physiques ou mentales. Une déficience, aux fins du crédit, est prolongée si elle dure ou s’il est raisonnable de s’attendre à ce qu’elle dure au moins 12 mois d’affilée. Il est donc possible qu’une personne soit admissible au crédit pour une période temporaire seulement.

De plus, les effets de la déficience doivent être tels que le particulier, pendant cette période, soit limité dans sa capacité d’accomplir une activité courante de la vie quotidienne de façon marquée ou si les effets cumulatifs de ces limitations équivalent au fait d’être limité de façon marquée en l’absence des soins thérapeutiques essentiels. Les activités courantes de la vie quotidienne visées ou les fonctions déficientes pour un particulier sont :

• les fonctions mentales nécessaires aux activités de la vie courante, dont la mémoire ou l’apprentissage fonctionnel à l’indépendance;

• le fait de s’alimenter ou de s’habiller;

• le fait de parler de façon à se faire comprendre ou d’entendre afin de comprendre, dans un endroit calme, par une personne de sa connaissance;

• les fonctions d’évacuation intestinale ou vésicale;

• le fait de marcher.

Il est nécessaire et prévu dans la Loi de l’impôt sur le revenu que le particulier obtienne d’un médecin ou d’un praticien qualifié une attestation pour se qualifier en tant que personne admissible au crédit.

La récupération ou le rajustement sur les bénéfices distribués
Chaque année durant laquelle elle satisfait aux conditions, la fiducie pourra bénéficier des taux progressifs. Cependant, une FAPH pourrait être assujettie à une récupération dans une année lorsqu’un des faits suivants, prévu au paragraphe 122(2) L.I.R., s’avère :

• à la fin de l’année de la FAPH, il n’y a plus de personne admissible parmi les bénéficiaires;

• l’année prend fin immédiatement avant que la FAPH cesse de résider au Canada;

• un montant a été payé ou distribué à titre de capital à un bénéficiaire qui n’est pas une personne admissible.

Lorsqu’une distribution du capital est faite à une personne non admissible, au cours d’une année, la fiducie ne peut se qualifier de FAPH. Si un revenu est attribué à une personne non admissible et qu’il est déduit du revenu de la fiducie en vertu de l’alinéa 104(6)b) L.I.R., cette situation n’est pas visée par le paragraphe 122(2) L.I.R. puisque l’imposition se fait dans les mains du bénéficiaire et n’a pas d’incidence sur le taux d’imposition marginal du revenu imposable pour la fiducie. Il faut regarder les distributions faites à partir du capital de la fiducie ou à partir des bénéfices après impôts non distribués.

Lorsqu’une distribution de capital est effectuée en faveur d’une personne non admissible, une récupération pourrait être applicable. Cette récupération correspondrait à l’impôt qui aurait dû être payé dans les années antérieures si la fiducie avait été imposée au taux marginal le plus élevé et que le revenu après impôts de ces années antérieures (l’ajout annuel au capital) n’était raisonnablement pas attribuable aux distributions à des personnes admissibles, que ce soit le capital initial ou les bénéfices après impôts ajoutés au capital annuellement.

Le principe derrière cette récupération d’impôt est qu’une FAPH bénéficiera des taux progressifs jusqu’au moment où une personne, autre qu’un bénéficiaire admissible, en retire un avantage. Cette récupération se calcule seulement lorsqu’une partie du capital est distribuée à une personne non admissible.

Exemple

• Une fiducie testamentaire qui réside au Québec a comme bénéficiaire les personnes suivantes :

– Henri (personne admissible); et
– Normand (personne non admissible).

• En 2016, une distribution de capital de 14 000 $ est effectuée à Henri à partir du capital initial puisque la fiducie n’a pas eu de revenu imposable. De 2017 à 2019, aucune distribution n’est prélevée sur les capitaux de la fiducie et la fiducie fait le choix d’être une FAPH.

• En 2020, une distribution de 10 000 $ sera effectuée à Henri et 23 591 $ à Normand. Ces distributions sont effectuées à même le revenu après impôts devenu capital de la fiducie.

Voir le tableau illustrant cet exemple en cliquant ici

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Calcul des impôts pour 2016

Il n’y a aucun revenu imposable. Il n’y a aucun avantage à faire le choix d’être une FAPH puisque le taux d’imposition est nul.

Calcul des impôts pour 2017 à 2019

Le taux d’imposition applicable est de 28,525 %, soit 12,525 % au fédéral et 16 % pour le Québec.

Calcul des impôts pour 2020

En 2020, la fiducie ne peut effectuer le choix pour être considérée comme une FAPH puisqu’une distribution de capital en faveur d’une personne non admissible a été effectuée. Par conséquent, le taux d’imposition est automatiquement de 49,97 %, soit le taux marginal combiné maximum pour un particulier résidant au Québec. De plus, une récupération de 4 600 $ s’appliquera en 2020 pour prendre en considération la distribution effectuée à une personne non admissible.

Cette récupération sera calculée sur les revenus après impôts qui ne sont raisonnablement pas attribuables à des distributions faites à des personnes admissibles.

Voir le résumé du Calcul de la récupération du fédéral et du Québec de 2020 (al. 122(1)c) L.I.R.) dans le tableau 2 en cliquant ici.

Cette récupération, prévue à l’alinéa 122(1)c) L.I.R., se calcule comme un impôt rétroactif, sans intérêts, sur les années précédentes; toutefois, elle se présente plutôt comme un impôt supplémentaire dans l’année où un versement à titre de capital s’effectue en faveur d’une personne non admissible selon des bénéfices après impôts. La fiducie conserve alors son taux progressif pour les années antérieures et reporte les impôts payables aux taux marginaux maximums aussi longtemps qu’une distribution est effectuée à une personne non admissible et que les bénéfices non distribués permettent de protéger le taux d’imposition des années antérieures.

En 2017, le revenu après impôts de 7 147 $ est raisonnablement attribuable au capital de 10 000 $ versé à Henri en 2020. Par conséquent, aucun rajustement n’est à calculer pour 2016. Le solde de 2 853 $ (10 000 $ – 7 147 $) doit être pris à même les bénéfices après impôts d’une autre année.

En 2018, le revenu imposable (avant impôts) attribuable à la distribution effectuée à Henri est égal à 3 667 $ (2 853 $ + 814 $). Par conséquent, sur le revenu imposable de 10 000 $ en 2017, 3 667 $ ont été versés à Henri, ce qui équivaut à 2 853 $ après avoir payé les impôts sur ce revenu. La différence du revenu imposable, qui est attribuable au versement du capital à Normand, est donc de 6 333 $ (10 000 $ – 3 667 $). L’impôt de 49,97 % sur le revenu imposable distribué à Normand est de 3 165 $ (6 333 $ × 49,97 %). La différence, équivalant à la récupération de 2017, sera de 312 $ (3 165 $ – 2 853 $)

En 2019, la récupération se fait sur la totalité du revenu imposable de l’année. Il faut donc calculer l’impôt aux taux marginaux maximums et diminuer l’impôt déjà payé.

Par conséquent, en 2020, l’impôt payable par la fiducie, incluant la récupération, sera donc de 9 597 $ (4 997 $ + 4 600 $).

Voir le tableau 3 expliquant le résumé des impôts payables par année en cliquant ici.

La distribution d’une « somme », telle qu’elle est inscrite dans les dispositions énoncées à la Loi de l’impôt sur le revenu, est assimilée à la notion de « montant » défini comme étant de l’argent, mais aussi un droit ou une chose exprimée sous forme d’argent en vertu des définitions du paragraphe 248(1) L.I.R. Il sera donc important de s’assurer de considérer toute remise de biens à titre de capital à un bénéficiaire qui n’est pas une personne admissible. Par conséquent, les calculs et les situations pourraient se complexifier rapidement et pourraient donner des maux de tête aux préparateurs des déclarations de revenus. Ces derniers devront s’assurer de vérifier les résolutions pour les versements de capital effectués dans l’année et poser les bonnes questions.

Il convient de noter qu’en vertu du calcul de la récupération prévu à l’alinéa 122(1)c) L.I.R., si les conditions du paragraphe 122(2) L.I.R. se sont appliquées dans une année antérieure, le calcul de la récupération s’applique seulement aux années qui prennent fin après l’année d’imposition à laquelle le paragraphe 122(2) L.I.R. s’est appliqué pour la dernière fois.

Pour éviter les calculs complexes de récupération et de rajustements, il sera judicieux de prévoir la constitution de fiducies distinctes pour chaque personne admissible. Cependant, il peut s’avérer avantageux pour une fiducie de reporter l’imposition aux taux maximums si l’on ne prévoit pas de distribution de capital pendant les premières années. Dans ce cas, il faudra bien définir d’où provient, raisonnablement, le capital distribué.

À partir de 2016, le fait qu’un bénéficiaire d’une fiducie testamentaire puisse être admissible au crédit pour personne handicapée pourra avoir une grande importance lorsque viendra le temps de payer les impôts sur les revenus de la fiducie. La complexité dans les calculs pour trouver le bon taux d’imposition applicable lorsqu’une fiducie compte parmi ses bénéficiaires des personnes admissibles et non admissibles nous incite à bien documenter le dossier aujourd’hui pour répondre aux vérifications de demain relativement aux distributions du capital.

Il faudra surtout poser la question chaque année lors de la production des déclarations de revenus : « Bénéficiaires, y a-t-il une personne admissible au crédit pour personne handicapée parmi vous? »
 

Ce texte provient du Stratège, une publication de l’Association de planification financière et fiscale (APFF), et a été écrit par Benoît Malboeuf.