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Plus que jamais, la fiducie est le véhicule juridique de prédilection pour permettre aux contribuables d’atteindre une foule d’objectifs aussi variés que pertinents. Pensons par exemple à la fiducie familiale discrétionnaire introduite dans l’actionnariat d’une société exploitante afin de permettre au propriétaire de multiplier l’utilisation de la déduction pour gains en capital en partageant sa richesse avec ses proches ou à la fiducie testamentaire qui permettra la gestion ordonnée d’un patrimoine important légué à des enfants mineurs ou encore à la fiducie en faveur de soi-même qui permettra à l’individu vulnérable et vieillissant de s’entourer de personnes de confiance pour l’aider à la gestion de ses avoirs.

Dans toutes ces situations, la fiducie ne peut exister sans qu’un constituant y transfère des biens et sans que des fiduciaires acceptent de les conserver et de les faire fructifier, d’accroître le patrimoine ou d’en réaliser l’affectation, selon le cas, dans l’intérêt des bénéficiaires.

Si l’administration de la fiducie peut paraître simple de prime abord, il n’en est rien. L’acceptation par le fiduciaire de sa charge entraîne son lot de tracas, de complications et d’obligations envers les bénéficiaires. Afin de respecter le format convivial de la présente publication, nous nous limiterons à discuter de dix enjeux liés à l’administration d’une fiducie.

Rappel de l’encadrement juridique du rôle de fiduciaire

Le rôle du fiduciaire est encadré par le Code civil du Québec (« C.c.Q. »), qui prévoit qu’il a la pleine administration du bien d’autrui. Il doit agir avec prudence, diligence, honnêteté et loyauté dans l’intérêt de la fin poursuivie, c’est-à-dire la réalisation de l’affectation de la fiducie (art. 1309 C.c.Q.). Il ne peut se placer dans une situation de conflit d’intérêts (art. 1310 C.c.Q.). En conséquence, ses intérêts personnels ne doivent pas l’empêcher de réaliser l’affectation de la fiducie (art. 1306 C.c.Q.). La fonction de fiduciaire est soumise à la surveillance et au contrôle du constituant et du bénéficiaire (art. 1287 C.c.Q.). En effet, le fiduciaire doit rendre des comptes au bénéficiaire (art. 1351, 1363 et 1364 C.c.Q.) et ce dernier peut demander un inventaire du patrimoine de la fiducie (art. 1324 à 1331 C.c.Q.).

Une fois que ces notions de base sont bien acquises, il est temps d’entrer dans le vif du sujet et de traiter des dix commandements du fiduciaire.

Premier commandement : un seul lingot d’argent tu adoreras et aimeras parfaitement

Comme il est mentionné ci-dessus, le fiduciaire doit se saisir du bien constitutif du patrimoine fiduciaire afin de permettre l’existence de la fiducie. Que ce soit un lingot d’argent ou tout autre bien, le fiduciaire doit s’assurer que ce bien demeure traçable afin de pouvoir justifier l’existence juridique de la fiducie, notamment aux autorités fiscales ou au créancier éventuel d’un fiduciaire ou d’un bénéficiaire.

Deuxième commandement : au fisc en vain tu ne jureras, ni autre chose pareillement

En vertu du paragraphe 150(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (« L.I.R. »), toute fiducie est tenue de produire une déclaration de revenus à moins d’être assujettie à l’une des exceptions prévues au nouveau paragraphe 150(1.2) L.I.R. En vertu du nouvel article 204.2 du Règlement de l’impôt sur le revenu, toute personne qui est un fiduciaire, un bénéficiaire ou un auteur (constituant) et toute personne qui peut, en raison des modalités de l’acte de fiducie ou d’un accord connexe, exercer une influence sur les décisions du fiduciaire devra être identifiée dans la déclaration de revenus de la fiducie par son nom, adresse, date de naissance, juridiction de résidence et numéro d’assurance sociale.

L’exigence de fournir des renseignements relativement aux bénéficiaires d’une fiducie sera satisfaite si les renseignements requis sont fournis pour chacun des bénéficiaires de la fiducie dont l’identité est connue ou peut être déterminée avec un effort raisonnable par la personne qui produit la déclaration au moment de la produire. Pour les autres bénéficiaires, il faudra fournir des renseignements suffisamment détaillés pour déterminer avec certitude qu’une personne donnée est un bénéficiaire de la fiducie.

Le fiduciaire devra s’assurer de bien répondre à ses obligations, puisque toute personne est passible d’une pénalité au fédéral et au Québec si elle fait sciemment un faux énoncé ou une omission dans une déclaration de revenus de fiducie, y participe, y consent ou y acquiesce ou si elle fait défaut de produire ladite déclaration de revenus.

Tant l’Agence du revenu du Canada (« ARC ») que Revenu Québec ont donné un répit aux fiduciaires qui n’ont pas eu à inclure les informations particulières relativement aux bénéficiaires, fiduciaires et auteurs dans les déclarations de revenus produites en 2022, mais ce répit a pris fin et l’exigence sera vraisemblablement en vigueur pour les déclarations produites en 2023.

Troisième commandement : un livre de fiducie tu garderas et en prendras soin dévotement

Bien qu’il n’existe aucune obligation juridique à cet égard, le fiduciaire devrait tenir un livre et des registres pour la fiducie qui comprendront notamment une page de présentation incluant la date du premier jour de disposition présumée des biens de la fiducie, c’est-à-dire son premier 21e anniversaire, une copie authentique de l’acte de fiducie, les décisions des fiduciaires (ou du constituant ou des bénéficiaires, le cas échéant), un registre des fiduciaires et des bénéficiaires, puis une liste de contacts comprenant les noms, adresses, numéros de téléphone et adresses de courriel des principaux intervenants de la fiducie (juriste, comptable, banquier, etc.). Si une reddition de compte est requise, une section pourrait y être consacrée.

Quatrième commandement : de nouveaux bénéficiaires tu honoreras, afin de vivre longuement

Le fiduciaire peut élire des bénéficiaires parmi une liste de bénéficiaires postulants déterminés ou au sein d’une catégorie de personnes parmi laquelle il doit choisir et qui est clairement déterminée dans l’acte constitutif (art. 1282, al. 2 C.c.Q.).

Qu’en est-il si les fiduciaires souhaitent élire un bénéficiaire qui n’est pas nommé à l’acte ou ne fait pas partie d’une catégorie déterminée parmi laquelle on pourrait le choisir ? L’article 1282, alinéa 1 C.c.Q. prévoit que le constituant peut se réserver la faculté d’élire les bénéficiaires ou de déterminer leur part ou la confier à un fiduciaire ou à un tiers. Comme il est indiqué ci-dessus, l’article 1282, alinéa 2 C.c.Q. prévoit que, dans le cas d’une fiducie personnelle, « la faculté d’élire ne peut être exercée par le fiduciaire ou le tiers que si la catégorie de personnes parmi lesquelles ils doivent choisir le bénéficiaire est clairement déterminée dans l’acte constitutif » (notre soulignement). On peut en déduire, a contrario, que le constituant qui se réserve une faculté d’élire n’est pas restreint à une catégorie déterminée dans l’acte constitutif et qu’il peut exercer sa faculté envers n’importe qui.

Pourquoi ne pas prévoir à l’acte constitutif que le constituant se réserve le droit d’élire des bénéficiaires supplémentaires, à condition que le fiduciaire principal (celui pour qui la fiducie a été constituée) soit toujours en poste et qu’il approuve une telle nomination ? Si un tel pouvoir existe, la fiducie devra l’exercer avec discernement.

Cinquième commandement : élimination d’un bénéficiaire point ne sera, de fait ni volontairement

Si le constituant, le fiduciaire ou un tiers peut élire un bénéficiaire, peut-il également retirer à un bénéficiaire son droit? Par exemple, si l’un des bénéficiaires d’une fiducie familiale discrétionnaire qui est actionnaire d’une société exploitante devient actionnaire d’une tierce société et que cela entraîne l’association de cette tierce société à la société dans laquelle la fiducie détient des actions, pourrait-on restreindre la participation de ce fiduciaire à un pourcentage qui briserait l’association ?

Dans ce cas, le fiduciaire pourrait certainement déterminer la part à laquelle le bénéficiaire a droit, quitte à l’éteindre complètement, de manière à éteindre le droit de participation de ce bénéficiaire au revenu et au capital de la fiducie (art. 1282, al. 1 et art. 1283 C.c.Q.). Il serait également possible de demander à ce bénéficiaire de renoncer à son droit (art. 1286 C.c.Q.) pour atteindre les mêmes fins.

Le fiduciaire devra être diligent dans sa gestion des bénéficiaires et des bénéficiaires postulants afin que la fiducie puisse réaliser son affectation. En effet, les règles d’association peuvent entraîner une charge fiscale indue à la société exploitante, mais le fait de retirer un bénéficiaire sans avoir la possibilité de compenser l’extinction de ses droits dans le patrimoine fiduciaire par une autre source (par exemple, un legs testamentaire, une donation in vivos, etc.) pourrait causer un tort encore plus grand.

Sixième commandement : absent aux assemblées annuelles tu ne seras, de corps ni de consentement

Si la fiducie détient des actions lui conférant un droit de vote, ce sont les fiduciaires qui, collégialement, doivent exercer les droits conférés par les actions détenues par la fiducie. Les fiduciaires peuvent désigner un fondé de pouvoir pour participer à toute assemblée annuelle ou extraordinaire et y voter ou, le cas échéant, pour signer toute déclaration écrite tenant lieu d’assemblée. Si une procuration est donnée à un fiduciaire pour l’autoriser à exercer les droits de vote conférés par les actions dont la fiducie est détentrice, il faut noter que cette procuration doit être faite par écrit, signée par un fiduciaire autorisé et qu’elle a un effet limité dans le temps.

Si la fiducie détient des actions ne lui conférant aucun droit de vote, la fiducie pourrait ne pas être convoquée à l’assemblée annuelle, selon ce qui est prévu aux statuts. Toutefois, les lois sur les sociétés prévoient certaines décisions devant être approuvées par tous les actionnaires, incluant les détenteurs d’actions ne conférant par ailleurs aucun droit de vote, comme la décision de ne pas nommer de vérificateur.

Septième commandement : le revenu ou le capital de la fiducie tu ne prendras ni ne retiendras sciemment

Le fiduciaire doit voir à l’attribution aux bénéficiaires du capital de la fiducie. Il doit également s’assurer de l’attribution aux bénéficiaires des revenus gagnés par la fiducie avant le 31 décembre de chaque année à défaut de quoi le revenu sera imposable pour la fiducie elle-même. À cette fin, le fiduciaire devra s’assurer de déterminer à qui, parmi les bénéficiaires, il peut attribuer du revenu et à qui il peut attribuer du capital. Pour faire cette détermination, il devra établir la distinction entre ce qui constitue du revenu et du capital au sens des articles 909 et 910 C.c.Q. de ce qui constitue un revenu en vertu de l’article 3 L.I.R. On ne peut laisser à l’entière discrétion des fiduciaires le soin de déterminer ce qui constitue du capital ou du revenu (interprétation technique de l’ARC 2004-0093661E5 et mémoire d’opinion de Revenu Québec 21-057913-001).

Le fiduciaire ne pourra verser à un bénéficiaire, si l’acte de fiducie le permet, que la portion imposable d’un gain en capital par ailleurs admissible à la déduction pour gains en capital et le bénéficiaire pourra la réclamer sur ce gain. La portion non imposable pourra être conservée dans la fiducie ou versée à un autre bénéficiaire (interprétations techniques 2002-0001335, 2004-0093661E5 et 2020-0839881C6).

Le fiduciaire devra vérifier, lors de l’attribution de dividendes aux bénéficiaires, si les règles de l’impôt sur le revenu fractionné de l’article 120.4 L.I.R. s’appliquent. Lors de l’attribution d’un revenu à un mineur, le fiduciaire devra éviter que le montant ne soit payé, mais pourra plutôt le rendre payable par l’émission d’un billet à demande, afin d’éviter qu’un conseil de tutelle ne doive être mis en place pour ce mineur (art. 209 C.c.Q.).

Huitième commandement : de faux témoignages tu ne diras ni ne mentiras aucunement, mais traces de tes décisions tu laisseras

Le Code civil du Québec n’impose pas d’obligation de rédiger des procès-verbaux des réunions des fiduciaires, mais certaines dispositions laissent sous-entendre la nécessité de tenir certains dossiers (voir notamment les articles 1287, 1351, 1352, 1354 et 1363 C.c.Q.).

Contrairement à la Loi sur les sociétés par actions du Québec et à la Loi canadienne sur les sociétés par actions qui encadrent les modalités de prise de décisions par les actionnaires et les administrateurs (procès-verbaux ou résolutions écrites), le Code civil du Québec ne prévoit pas de formalisme particulier aux délibérations des fiduciaires. Il est d’usage courant de préparer des décisions écrites des fiduciaires et de les faire signer par tous les fiduciaires afin de remplacer la tenue d’une réunion avec délibérations et prise de vote. De plus, si la décision des fiduciaires n’est pas unanime, rien n’empêche de procéder par décision écrite signée par tous et d’y consigner la dissidence d’un fiduciaire.

De plus, l’administration de la fiducie fait de plus en plus souvent l’objet de surveillance par les autorités fiscales. Par exemple, lors de l’entrevue initiale d’un vérificateur de l’ARC qui analyse un dossier de fiducie, plusieurs questions touchent l’administration de la fiducie, telles que :

  • Le contrat de la fiducie a-t-il été modifié depuis la création de la fiducie ?
  • Comment un fiduciaire est-il informé qu’il y a une décision à prendre ?
  • Comment avez-vous délibéré de telle ou telle question entre fiduciaires, comment les décisions sont-elles prises ?
  • Qui détient les livres et registres, ainsi que les pièces justificatives de la fiducie ?

En laissant des traces de leurs délibérations et de leurs décisions, les fiduciaires pourront plus aisément rendre des comptes, tant aux bénéficiaires qu’aux autorités fiscales, le cas échéant, et conserver un historique des gestes qu’ils ont posés. Également, cela pourrait permettre à un fiduciaire de s’exonérer de toute responsabilité quant aux gestes posés par ses cofiduciaires à son insu.

Neuvième commandement : d’autres fiduciaires tu ne désireras

Le constituant désigne les fiduciaires et pourvoit à leur mode de remplacement (art. 1276 C.c.Q.). L’acte de fiducie peut, par exemple, prévoir une liste de remplaçants du fiduciaire principal et du fiduciaire indépendant. Le mandat des fiduciaires peut être d’une durée limitée, nécessitant un renouvellement. De plus, l’acte de fiducie peut prévoir des modalités particulières à l’acceptation de la charge de fiduciaire, au remplacement, à la démission, etc. Également, l’acte peut prévoir un nombre minimal de fiduciaires en fonction.

Ainsi, le fiduciaire devra s’assurer de bien comprendre le mécanisme de nomination, de démission et de remplacement de fiduciaires prévu à l’acte de fiducie. Par ailleurs, le fiduciaire, lors du choix d’un fiduciaire supplémentaire ou remplaçant, doit tenir compte :

  • de l’exigence de la présence d’un fiduciaire indépendant (art. 1275 C.c.Q.);
  • du maintien du statut d’« émetteur fermé » au sens du Règlement 45-106 sur la dispense de prospectus, en faisant en sorte que tous les bénéficiaires ou une majorité de fiduciaires soient des personnes visées aux alinéas 2.4(2)a) à 2.4(2)i) du Règlement;
  • de la résidence de la fiducie au Canada, si requis, en s’assurant que le centre de gestion et de contrôle de la fiducie soit au Canada (Fundy Settlement Canada, 2012 CSC 14);
  • de la possibilité d’un changement de contrôle (« fait lié à une restriction de perte ») : les fiduciaires sont réputés, en vertu de l’article 1278 C.c.Q. et par l’application du paragraphe 104(2) et de l’alinéa 256(1)b) L.I.R., détenir la propriété des actions que détient la fiducie. Tout changement de fiduciaire peut entraîner une acquisition de contrôle de la société dont les actions sont détenues, puisque les fiduciaires se répartissent entre eux le droit d’exercer les votes conférés par les actions de la société. Un changement de fiduciaire entraînera généralement l’application des règles d’acquisition de contrôle avec les conséquences que l’on connaît (fin d’année réputée, accélération de l’échéance de certaines pertes fiscales reportées, extinction des pertes en capital, etc.). À ce sujet, voir notamment les interprétations techniques 2011-0401931C6, 2009-0311891I7 et 2005-0111731E5.

Dixième commandement : les biens d’autrui tu ne désireras, pour les avoir injustement

L’une des principales obligations du fiduciaire est d’éviter de se placer en situation de conflit d’intérêts. Bien que ce principe semble simple, il ne pourra être abordé de la même manière pour le fiduciaire qui est également bénéficiaire que pour le fiduciaire « indépendant », c’est-à-dire qui n’assume ni le rôle de constituant ni le statut de bénéficiaire, en plus de celui de fiduciaire.

Le Code civil prévoit la façon d’éviter de se placer en situation de conflit d’intérêts. Le fiduciaire doit en effet :

  • dénoncer au bénéficiaire les situations susceptibles de causer un conflit d’intérêts (art. 1311 C.c.Q.);
  • il ne peut pas, sauf exception, acquérir des biens ou des droits qui touchent les biens administrés (art. 1312 C.c.Q.);
  • il ne peut confondre les biens administrés avec ses propres biens (art. 1313 C.c.Q.); et
  • il ne peut utiliser à son profit ni des biens ni des informations qu’il obtient à l’occasion de son administration de la fiducie (art. 1314 C.c.Q.).

Par ailleurs, même si l’article 1283 C.c.Q. prévoit que le fiduciaire ne peut exercer sa faculté d’élire à son propre avantage, la Cour suprême du Canada a indiqué que cette restriction peut être contournée lorsqu’un fiduciaire ayant ce pouvoir est lui-même bénéficiaire aux termes de l’acte de fiducie (Yared c. Karam, 2019 CSC 62).

Souvent, afin d’écarter cette obligation d’indépendance, l’acte prévoit expressément que les fiduciaires peuvent exercer les pouvoirs et discrétions qui leur sont conférés pour ce qu’ils considèrent être l’intérêt des bénéficiaires, même si cela a pour effet de conférer un avantage à l’un ou plusieurs des bénéficiaires au détriment des autres et même si cela a pour effet d’avantager un bénéficiaire qui est lui-même fiduciaire.

Cependant, qu’en est-il pour le fiduciaire indépendant ? Pourrait-il agir pour son propre avantage ? L’acte de fiducie ne le permettra probablement pas. Il devra donc se conformer aux règles du Code civil du Québec.

La décision Pinari v. Pinari, 2022 BCCA 65, devra être suivie avec intérêt, puisqu’il s’agit justement d’une poursuite intentée par certains bénéficiaires d’une fiducie familiale discrétionnaire contre les fiduciaires au motif que ces derniers ont exercé leurs pouvoirs discrétionnaires à leur propre avantage, au détriment des autres bénéficiaires. Les bénéficiaires exclus ont obtenu en première instance un disgorgement remedy, soit une restitution partielle de la valeur spoliée. Cette décision a été annulée en appel et un nouveau procès a été ordonné. Bien que la décision soit rendue en vertu de la common law, les principes fondamentaux s’appliquent en droit civil.

Conclusion

Le rôle de fiduciaire doit être pris au sérieux et toute personne appelée à occuper cette charge devrait s’informer des droits et obligations qui l’accompagnent avant de l’accepter. Ces dix commandements sont en réalité un survol des gestes à poser par le fiduciaire dans le cadre de l’administration de la fiducie.

Cela dit, si le fiduciaire se conforme à ces commandements, il évitera probablement l’enfer des différents recours pouvant être intentés contre lui, tels que l’attaque du fiduciaire qui permet au constituant, à un bénéficiaire ou à un autre intéressé d’agir contre le fiduciaire pour le contraindre à exécuter ses obligations ou à faire un acte nécessaire à la fiducie, pour l’empêcher de poser un acte ou pour obtenir sa destitution (art. 1290 C.c.Q.), le remplacement forcé du fiduciaire (art. 1360 C.c.Q.) ou l’action dérivée qui permet au constituant, au bénéficiaire ou à un autre intéressé à se faire autoriser par le tribunal à agir en justice à la place du fiduciaire et non pour le compte de la fiducie qui, elle, ne peut ester en justice (art. 1291 C.c.Q.).

 

Note : Ce texte est librement inspiré de la conférence donnée par l’auteur au Colloque sur les fiducies de l’APFF en 2022. Toute ressemblance avec les dix commandements de Dieu est purement fortuite.

Par : Thierry L. Martel, avocat, M. Fisc., Martel Cantin, Avocats, thierrymartel@martelcantin.ca

Ce texte a paru initialement dans le magazine Stratège de l’APFF, vol. 27, no 3 (Automne 2022).