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Le compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété (CELIAPP) qui commencera à être offert à partir de 2023 ouvre la porte à différentes planifications pour les clients. Voici certaines d’entre elles qui ont été exposées lors du congrès de l’Institut québécois de planification financière (IQPF), à Montréal, le 23 septembre.

D’abord, rappelons certaines caractéristiques du CELIAPP. Il s’adresse à des résidents canadiens de 18 ans et plus qui n’ont pas eu de propriété leur appartenant dans l’année d’ouverture ni dans les quatre années précédentes. Les cotisations à ce régime sont déductibles du revenu du contribuable, alors que les retraits de ce régime sont non imposables s’ils sont faits pour l’achat d’une première propriété admissible. On peut faire un retrait pour l’achat d’une seule propriété à vie. Autrement, les retraits sont imposables.

Le plafond annuel des cotisations au CELIAPP est de 8000 $ et le plafond à vie est de 40 000 $. Les droits annuels inutilisés sont non cumulables. On peut transférer des sommes en provenance d’un REER dans le CELIAPP, si on respecte les limites annuelles et cumulatives de cotisation.

Un CELIAPP d’un particulier cessera d’être un CELIAPP, et le particulier n’aura pas le droit d’ouvrir un CELIAPP après le 31 décembre de l’année au cours de laquelle le premier des événements suivants survient, soit le 15e anniversaire de la date d’ouverture d’un CELIAPP ou encore, lorsque le particulier atteint l’âge de 71 ans.

Toute épargne qui n’est pas utilisée pour acheter une habitation admissible pourra être transférée de manière non imposable à un REER ou à un fonds enregistré de revenu de retraite (FERR), soit être retirée de manière imposable. Un particulier qui effectue un retrait admissible d’un CELIAPP pourra transférer l’épargne non utilisée de manière non imposable à un REER ou à un FERR jusqu’au 31 décembre de l’année suivant l’année de son premier retrait admissible.

Un client ne pourra pas se prévaloir du CELIAPP s’il se prévaut du régime d’accession à la propriété (RAP) et vice et versa.

CELIAPP ou RAP

Premier élément de planification : devrait-on privilégier le RAP ou le CELIAPP? Bien entendu, la réponse est « ça dépend de la situation du client », car le RAP offre une grande flexibilité pour quelqu’un qui peut en profiter pleinement.

Rappelons que le RAP permet, sous certaines conditions, à un contribuable de retirer jusqu’à 35 000 $ des fonds d’un REER non immobilisé pour acheter ou construire une habitation admissible pour soi-même ou pour une personne handicapée liée. Le RAP permet de rembourser les fonds sur d’une période de 15 ans.

À court terme, le fait que le RAP permette d’utiliser des montants rapidement en provenance du REER, tandis que le CELIAPP est un régime jeune, donc qui offre des droits de cotisation limités au départ, pèsera dans la balance.

« Dans le meilleur des cas, le 40 000$ en dépôts au CELIAPP sera atteint en 2027 (5 dépôts de 8000$). Dans les cinq prochaines années, le RAP pourrait s’avérer une solution plus avantageuse. Par la suite, le CELIAPP deviendra nettement plus avantageux », lit-on dans la présentation de l’avocat Jean Turcotte, formateur auprès de l’IQPF.

Gare au gaspillage

Les avantages fiscaux du CELIAPP sont importants, comme on vient de le voir. Par contre, les règles entourant le CELIAPP ne permettent qu’une seule utilisation à vie de ce régime. Un client qui s’achète une propriété malgré qu’il ait peu épargné dans son CELIAPP aura ainsi peu profité des avantages fiscaux de ce régime. « Attention à ne pas gaspiller le CELIAPP, résume Jean Turcotte, dans sa présentation. L’on devrait éviter d’utiliser moins de 40 000$ via ce régime pour l’achat d’une première propriété. »

« Si vous prenez juste 8000 $ et que vous achetez votre maison, vous n’avez pas profiter pleinement du CELIAPP, vous n’avez pas optimiser votre CELIAPP », a dit Jean Turcotte.

Choisir le bon régime

Un contribuable sans enfants, qui souhaite éventuellement devenir propriétaire d’une résidence, aura à choisir entre cotiser au CELIAPP au REER ou au CELI. Selon Jean Turcotte, un jeune contribuable sans épargne significative pourrait prioriser le CELIAPP avant le CELI ou le REER pour accumuler des sommes afin d’effectuer une mise de fonds pour l’achat d’une première propriété. « Cette stratégie n’affectera aucunement ses droits au CELI ou au REER. Si aucun achat n’est effectué d’ici 15 ans, il pourra simplement transférer le solde du CELIAPP à son REER sans impact fiscal », a-t-il noté lors du congrès de l’IQPF.

Dons aux enfants, dons au conjoint

Lorsqu’un parent souhaite aider financièrement son enfant afin qu’il achète une première propriété, le CELIAPP peut être un bon outil pour ce faire, sachant qu’un don n’entraîne pas d’impact fiscal. Selon Jean Turcotte, « il pourrait être avantageux d’étaler le don sur une période de 5 ans afin de faire profiter aux enfants de la déduction liée à la cotisation au CELIAPP », lit-on dans sa présentation.

Par ailleurs, il ne sera pas possible de faire une contribution au CELIAPP pour son conjoint. Par contre, un conjoint pourra faire un don à sa tendre moitié pour que ce dernier puisse en ouvrir un à son nom. Comme pour le CELI, les règles d’attribution ne seront pas applicables dans ce cas.

Optimisation fiscale

Un client qui est admissible au CELIAPP pourrait profiter pleinement du régime sans réellement avoir l’intention d’acheter une propriété. En effet, un client qui maximise chaque année ses cotisations au REER peut ainsi profiter d’une autre tranche de revenu qu’il peut déduire, qui va d’un maximum annuel de 8000 $. À l’expiration du délai de 15 ans après l’ouverture du CELIAPP, celui-ci n’a qu’à transférer les sommes accumulées dans son REER ou FERR, sans que cela n’ait d’impact sur sa situation actuelle.

Lire : Du REEP au CELIAPP

Par ailleurs, une stratégie analogue d’optimisation fiscale consiste à ouvrir un CELIAPP à 65 ans, de manière à y cotiser 8000 $ par année pendant cinq années. Ce client pourrait par la suite transférer les montants du CELIAPP dans son REER avant 71 ans, sans acheter de propriété. « Cette stratégie pourrait permettre de réduire son revenu net afin de tirer profit ou d’optimiser certains programmes (PSV/SRG) et crédits d’impôt tout en augmentant la valeur de son REER », lit-on dans la présentation de Jean Turcotte.

« On vient de bonifier sans pénalité son REER. Est-ce qu’on a atteint la finalité du CELIAPP? » se demande Jean Turcotte.

Par ailleurs, le gouvernement fédéral a déterminé que le CELIAPP d’un défunt sera imposable pour le bénéficiaire si ce dernier n’est pas le conjoint successeur. S’il est conjoint, il pourra le transférer à son propre CELIAPP.

« Le fait qu’un conjoint hérite d’un CELIAPP n’a aucune incidence sur les droits de cotisation à son propre CELIAPP. Si le conjoint n’a pas droit au CELIAPP, il pourra le transférer à son REER/FERR », écrit Jean Turcotte.