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Les cas d’abus financiers auprès des personnes vulnérables sont fréquents. Les aînés sont des cibles faciles pour des personnes mal intentionnées. Les planificateurs financiers ont un rôle à jouer pour protéger les clients, mais dans quelles limites ? Voici quelques questions pour tester vos connaissances sur le sujet, soumises par les avocates Isabelle N. Tremblay et Pascale Apold lors du congrès 2022 de l’IQPF.

Est-ce qu’il y a des situations de maltraitance financière pour lesquelles le signalement est obligatoire ? 

Une mise à jour de l’article 21 de la Loi visant à lutter contre la maltraitance envers les personnes aînées et toute autre personne majeure en situation de vulnérabilité, adoptée le 6 avril dernier, limite l’obligation de dénonciation aux prestataires de services de santé et de services sociaux, ainsi qu’aux professionnels. Le planificateur financier, qui n’est pas nommé dans le Code des professions, n’est pas concerné, indique Isabelle Tremblay.

Toutefois, le nouvel article 17 de la Loi donne la possibilité de dénoncer une situation si on a un motif raisonnable de croire qu’un client vulnérable est victime de maltraitance.

Une personne qui exploite une entreprise peut, sans le consentement du client concerné, communiquer un renseignement personnel, pour dénoncer une situation d’urgence mettant en danger la vie, la santé ou la sécurité du client, souligne la juriste.

À qui peut-on signaler un cas d’abus ou de fraude financière sur une personne vulnérable ? 

Si vous soupçonnez une fraude financière d’un client par un inconnu, c’est la police qui devrait être contactée en premier lieu. Un abus sur un client sous tutelle ou sous mandat de protection peut être signalé au Curateur public. Si un établissement ou une personne refuse de transiger avec un client en raison de son âge, c’est la Commission des droits de la personne et de la jeunesse qui est concernée. Si le mandataire ordinaire du client n’agit pas dans l’intérêt de ce dernier, vous pouvez en aviser la personne de confiance désignée par le client. Dans le cas d’un employé d’un établissement public soupçonné de maltraitance, l’interlocuteur est le Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSSS).

Que faire si vous constatez une fraude ou un abus de la part d’un représentant en épargne collective ?

Si vous croyez qu’un représentant est inapte à assumer son rôle ou qu’il abuse d’une personne vulnérable, vous avez l’obligation de le dénoncer à l’Autorité des marchés financiers, selon l’article 45 du code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

Quels sont les mandataires qui sont les plus susceptibles d’exploiter la faiblesse d’une personne inapte? 

Il s’agit des personnes qui agissent avec un mandat ordinaire. « Ce type de mandat devrait être utilisé seulement lorsque le client est apte », signale Isabelle N. Tremblay.

Un mandat de protection (mandat d’inaptitude) peut être homologué par la Cour lorsqu’une personne a été reconnue inapte par un jugement du tribunal.

Dans l’attente d’un jugement pour reconnaître un majeur inapte, le mandataire qui agit en vertu d’une procuration ordinaire peut continuer à gérer les affaires du majeur.

Le conseiller peut-il continuer à transiger seul avec un client identifié comme vulnérable ?

Lorsqu’un client est identifié comme un client vulnérable en raison d’une limitation liée au vieillissement qui le met à risque, il est permis de continuer de transiger avec lui sans la présence d’un proche ou d’un mandataire, mais les professionnels avec qui il fait affaires devront désormais être plus vigilant dans le suivi de son dossier pour identifier des possibles abus/fraude.

« Déterminer qui est une personne vulnérable est une question de fait », signale Isabelle N. Tremblay. L’inaptitude doit être évaluée par un professionnel de la santé et constatée par jugement. C’est le juge de la Cour supérieure qui détermine si une personne est apte ou inapte.

Un client qui souffre d’une limitation liée au vieillissement devrait-il être considéré comme une personne vulnérable ? 

Un client qui souffre d’une limitation liée au vieillissement ne devrait  être considéré comme une personne vulnérable que si cette limitation le met à risque d’exploitation financière.  Ainsi, s’il se déplace en déambulateur à cause d’une fracture de la hanche, il n’est pas nécessairement à risque d’exploitation financière, considèrent les juristes.

Évaluer si une personne atteinte d’une limitation liée au vieillissement, d’une maladie, d’une déficience ou d’une incapacité est à risque d’exploitation financière vaut en particulier pour les clients d’une société inscrite ou d’une personne inscrite, selon le Règlement 31-103 sur les obligations et dispenses d’inscription, rappelle Pascale Apold.

La Loi visant à lutter contre la maltraitance envers les aînés et toute autre personne majeure en situation de vulnérabilité définit une personne vulnérable comme une personne majeure dont la capacité de demander ou d’obtenir de l’aide est limitée de manière temporaire ou permanente en raison d’une contrainte d’une maladie, d’une blessure ou d’un handicap.

Selon les juristes, les proches sont les personnes les plus susceptibles de faire subir de la maltraitance financière aux aînés, suivis par les conseillers et par les étrangers. Les abus peuvent prendre la forme de chantage émotif pour soutirer de l’argent, d’utilisation abusive d’une procuration, de fraude par Internet ou par téléphone, ou encore des mandataires qui utiliseraient leur pouvoir pour s’avantager ou se procurer des biens. « Il faut être vigilant tout le temps. Vous êtes des joueurs de première ligne Vous pouvez détecter des signes », indique Pascale Apold.