Pour réaliser les bénéfices de la technologie du grand livre partagé, appelée aussi technologie des chaînes de blocs ou « blockchain », les régulateurs doivent être prêts à établir un cadre qui permettra à la technologie de se déployer en toute sécurité sans étouffer l’innovation, suggère un nouveau rapport de l’Institut C.D. Howe.

Le groupe de réflexion basé à Toronto a publié jeudi un rapport qui examine comment la technologie des chaînes de blocs risque de transformer les marchés financiers et influencer d’autres aspects de l’économie et de la société. Selon le rapport, les premiers secteurs qui seront significativement touchés par cette technologie sont les services financiers, les marchés de capitaux privés, les paiements de détail et les transferts à grande valeur.

Le rapport laisse entendre que « [l]a taille restreinte du marché canadien facilite l’accès aux petites sociétés privées canadiennes au marché financier ». Le rapport recommande l’usage de la technologie des chaînes de blocs au sein des marchés hors cote (OTC), en général, et pour faciliter les processus de commercialisation et d’échanges d’actifs.

« Cela permettrait d’accroître la transparence des marchés financiers, en facilitant l’obtention d’informations en temps réel par les autorités de réglementation et de surveillance», indique le rapport. L’adoption de la technologie des chaînes de blocs aurait toutefois pour conséquence de transformer l’infrastructure qui supporte actuellement les marchés financiers, note le rapport.

« Ultimement, l’adoption de cette technologie pourrait menacer la raison d’être de nombreux intermédiaires actuels, tels que les chambres de compensation. Certains services offerts par ces intermédiaires, par exemple ceux associés à la compensation et au règlement des transactions sur les marchés financiers, pourraient devenir obsolètes, indique le rapport. De fait, certaines institutions risquent de disparaître complètement et d’être éventuellement remplacées par des intermédiaires tels que des banques ou des courtiers capables d’offrir l’accès à un système intégré de négociation et de post-négociation ».

La question qui préoccupe les décideurs consiste actuellement à savoir dans quelle mesure ils devraient participer au développement et à la mise en œuvre de la technologie des chaînes de blocs. Le défi, souligne le rapport, tient au fait que les usages les plus prometteurs de cette technologie concernent des infrastructures stratégiques. Toutefois, les gouvernements ne disposent généralement pas de l’expertise ou des mesures incitatives propres au secteur privé pour soutenir le développement de ces technologies selon l’axe désiré.

« De ce fait, la technologie blockchain permettra de voir dans quelle mesure les partenariats public-privé peuvent réellement supporter le développement technologique d’une manière rentable et sûre », indique le rapport.

Le rapport conclut que les organismes de réglementation devraient se concentrer sur la conception d’un régime de réglementation fondé sur des principes qui fixe des normes de sécurité élevées et offre un environnement juridique stable, sans perturber le développement de la technologie.

« Compte tenu de l’incertitude quant à l’évolution de la technologie des chaînes de blocs, il semble raisonnable de se fonder uniquement sur un ensemble relativement restreint de principes directeurs, ce qui permettra à la technologie de se développer de façon flexible, dans des directions différentes, au fil du temps ».

Les régulateurs devraient veiller à ce que la technologie génère des gains d’efficacité pour les utilisateurs plutôt que de simplement redistribuer les profits excédentaires parmi les intermédiaires, ajoute le rapport.

« Le défi pour les régulateurs, insiste Jeremy Kronick, analyste principal des politiques auprès de l’Institut C.D. Howe, dans un communiqué, consiste à s’assurer d’un équilibre qui laissera les marchés trouver la façon la plus adéquate d’utiliser cette technologie, tout en assurant la sécurité des consommateurs. »