Un homme d'affaires avec un ordinateur assis sur un bloc jaune dans le ciel. On voit également un signe de dollar, dans une bulle derrière lui.
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Attention chers régulateurs : mal encadrer la rémunération des conseillers risque de créer plus de problèmes que d’en régler.

C’est l’un des messages qu’est venue livrer Lyne Duhaime, présidente de l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personne au Québec (ACCAP) lors d’un panel sur le traitement équitable des clients, à l’occasion du Congrès de l’assurance de personnes, le 19 novembre dernier.

« La rémunération et la gestion des conflits d’intérêts, ça fait partie du traitement équitable des consommateurs. Il faut y aller de façon ordonnée et très délicate parce que l’expérience internationale a démontré que si on ne faisait pas bien les choses, on causait plus de problèmes qu’on n’en réglait. Ce n’est pas facile de rentrer dans ces sujets-là et de ne pas causer de dommage indirect », a-t-elle déclaré.

Louise Gauthier, directrice principale des politiques d’encadrement de la distribution de l’Autorité des marchés financiers (AMF), a exposé les différentes avancées réglementaires en matière de traitement équitable des clients.

Par exemple, le Conseil canadien des responsables de la réglementation d’assurance (CCRRA), dont fait partie l’AMF, s’attend à ce que les assureurs et les sociétés de distribution prennent en compte les efforts pour traiter équitablement les clients « dans la rémunération, les stratégies de récompense et l’évaluation du rendement ». Le CCRRA souligne aussi que des conflits d’intérêts peuvent découler des structures de rémunération, des cibles de rendement ou des critères de gestion du rendement s’ils sont insuffisamment liés aux résultats attendus pour les clients.

D’ailleurs, l’un des constats que fait l’AMF lors de ses inspections des assureurs est, parfois, des carences sur le plan de l’inclusion d’élément de traitement équitable des clients dans leurs politiques de rémunération.

Par ailleurs, dans le secteur des valeurs mobilières, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM), dont fait partie l’AMF, ont annoncé la mise en œuvre prochaine des réformes axées sur les clients, lesquelles comprennent une « nouvelle exigence fondamentale pour les personnes inscrites de donner préséance aux intérêts des clients ».

Une approche précautionneuse

En réponse à cette mise en garde de Lyne Duhaime, Louise Gauthier a indiqué que l’AMF a adopté une approche de discussion avec l’industrie. « On est très conscient qu’on est dans le pain et le beurre des gens, a-t-elle dit. Et ce sont des sujets très sensibles. Ce sont des sujets qui prennent du temps à régler. On ne cherche pas nécessairement à bannir des choses, mais s’il le faut, on va le faire. »

« On veut la meilleure solution pour tout le monde, pour les cabinets, les assureurs, les courtiers et les cabinets et, en premier, pour le client. On adopte une approche qui est plus graduelle, parce qu’on sent une sensibilité légitime », a-t-elle ajouté.

Maxime Gauthier, représentant en épargne collective et chef de la conformité chez Mérici Services financiers, a quant à lui souligné que « dans tout projet réglementaire, le mieux est parfois l’ennemi du bien. À vouloir trop bien faire, on peut créer des dommages. »

Il a aussi prôné l’approche graduelle et raisonnée de l’AMF dans ce dossier. « Comme industrie, il ne faut pas se mettre la tête dans le sable. Quand on voit que c’est une tendance de fond qui se dessine, mieux vaut ne pas résister pour après se faire imposer [quelque chose], car tout le temps qu’on a résisté est perdu pour essayer de s’adapter à [la réglementation] et pour expliquer les choses à nos clients », a indiqué Maxime Gauthier.

Selon lui, une question devrait être au cœur de l’analyse lorsque l’on examine les frais et la rémunération des intermédiaires de l’industrie. « La vraie question est : quel est le rapport coût-bénéfice pour le client? Le client en a-t-il pour son argent? Si la réponse est oui, il n’y a pas de problème. Si on n’est pas sûr ou que la réponse est non, c’est là qu’il faut faire plus attention. »

« Toucher 50 000 $ de rémunération pour une heure de travail, ce n’est pas normal, a ajouté Maxime Gauthier. À l’inverse, est-ce que faire 50 $ de commission pour 10 h de travail, c’est normal? On a une réflexion à avoir par rapport aux modes de rémunération, car il y a des cas d’iniquité aux deux bouts du spectre. »

« Nous ce qu’on va chercher, c’est est-ce que le conseiller a fait l’achat en premier dans l’intérêt du client? Tout le monde doit avoir un salaire pour faire manger sa famille, mais est-ce que j’ai conseillé ce produit dans le meilleur intérêt de mon client? », a conclu Louis Gauthier.